En 2001, ¨¤ Durban, en Afrique du Sud, la communaut¨¦ internationale a organis¨¦ la troisi¨¨me Conf¨¦rence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la x¨¦nophobie et l'intol¨¦rance qui y est associ¨¦e afin de r¨¦pondre ¨¤ l'apparition et ¨¤ la persistance de la discrimination dans ses formes et ses manifestations contemporaines plus subtiles. Les participants ont attir¨¦ l'attention sur les racines historiques et culturelles du racisme. Ils ont cherch¨¦ les moyens de traiter les formes contemporaines de racisme et ont convenu de la n¨¦cessit¨¦ de mettre en place des plans d'action nationaux et des lois nationales plus strictes et d'augmenter l'aide juridique aux victimes de la discrimination raciale. Ils ont soulign¨¦ l'importance de trouver des solutions ad¨¦quates et d'adopter des mesures de discrimination positive pour les victimes et ont propos¨¦ un large ¨¦ventail de mesures ¨¦ducatives et de sensibilisation. Ils ont ¨¦galement propos¨¦ des mesures pour assurer l'¨¦galit¨¦ dans les domaines de l'emploi, de la sant¨¦ et de l'environnement, ainsi que des actions pour lutter contre le racisme dans les m¨¦dias, notamment sur l'Internet. Tous ces ¨¦l¨¦ments ont ¨¦t¨¦ inclus dans une D¨¦claration et un Programme d'action globaux et orient¨¦s vers l'action qui offrent ¨¤ la communaut¨¦ internationale un cadre g¨¦n¨¦ral d'action pour combattre la discrimination et r¨¦aliser des progr¨¨s dans ce domaine.
Pourtant, malgr¨¦ un cadre l¨¦gal satisfaisant et des directives, la communaut¨¦ internationale est loin d'avoir vaincu le fl¨¦au du racisme, qui ¨¦tend ses tentacules de mani¨¨re subtile et insidieuse. On dispose de nombreuses informations facilement disponibles indiquant le manque d'efficacit¨¦ des normes et des programmes internationaux. Les donn¨¦es, qui indiquent que les groupes d'origine africaine, les minorit¨¦s ethniques et religieuses et les populations autochtones sont surrepr¨¦sent¨¦s parmi les personnes arr¨ºt¨¦es ou incarc¨¦r¨¦es et que le nombre de d¨¦c¨¨s durant leur d¨¦tention est ¨¦lev¨¦, prouvent leur impact limit¨¦.
Nous notons avec inqui¨¦tude l'action souvent trop lente de la police, des procureurs et de la justice p¨¦nale ¨¤ mener des enqu¨ºtes et ¨¤ punir les actes de discrimination raciale, ce qui conduit souvent ¨¤ l'impunit¨¦ totale ou partielle des auteurs. Nous sommes ¨¦galement pr¨¦occup¨¦s par le manque fr¨¦quent de solutions offertes aux victimes pour obtenir des compensations et r¨¦tablir le respect de leurs droits. Bien que le droit ¨¤ l'¨¦ducation soit reconnu par tous, les enfants autochtones, en particulier les filles, n'ont pas un acc¨¨s ad¨¦quat ¨¤ l'¨¦ducation. Dans de nombreuses parties du monde, les communaut¨¦s de minorit¨¦s sont les cibles d'abus et sont de plus en plus expos¨¦es aux mesures de lutte contre le terrorisme qui sont mal cibl¨¦es. Les formes multiples de la discrimination fond¨¦e sur le sexe, la race et la religion, ont ¨¦galement entra¨ªn¨¦ des restrictions des droits des migrants. L'interaction de ces diff¨¦rentes formes de discrimination donne naissance ¨¤ des mod¨¨les d'exclusion, ¨¤ des d¨¦savantages et ¨¤ des abus qui se renforcent mutuellement et affectent tous les domaines de la vie publique, allant des conditions sur les lieux de travail ¨¤ l'acc¨¨s aux services sociaux, en passant par la justice, l'¨¦ducation, le logement, les soins de sant¨¦ et la participation aux processus de prises de d¨¦cision.

La suspicion envers tout ce qui est diff¨¦rent est ¨¤ la base de ces probl¨¨mes. La discrimination, l'exclusion et l'in¨¦galit¨¦ refl¨¨tent des identit¨¦s et des int¨¦r¨ºts sociaux qui, selon les cas, reposent sur des motifs comme le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les id¨¦es politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou le statut. Ces facteurs continuent de renforcer les pr¨¦jug¨¦s. Les id¨¦es racistes et x¨¦nophobes trouvent une nouvelle l¨¦gitimit¨¦ et une nouvelle vigueur quand elles sont invoqu¨¦es pour soutenir les plates-formes politiques r¨¦actionnaires qui visent ¨¤ attiser le sentiment populaire contre les migrants, les demandeurs d'asile et les groupes minoritaires.
Selon le Rapporteur sp¨¦cial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de x¨¦nophobie et d'intol¨¦rance qui y est associ¨¦e, la r¨¦sistance intellectuelle et politique au multiculturalisme et la remise en question de l'identit¨¦ nationale qu'il suscite sont les causes majeures de la r¨¦surgence de la violence raciste et x¨¦nophobe. Le refus de la diversit¨¦ est le facteur principal de cette mont¨¦e du racisme et de la x¨¦nophobie et se manifeste de plus en plus par l'intol¨¦rance envers les symboles et les expressions culturels qui d¨¦finissent l'identit¨¦ des diff¨¦rentes communaut¨¦s ethniques, culturelles et religieuses, et parfois m¨ºme leur interdiction. La r¨¦surgence des discours antis¨¦mites et anti-islamiques est particuli¨¨rement pr¨¦occupante.
Pour ¨¦radiquer ces pratiques ignobles, il est imp¨¦ratif de rectifier les d¨¦s¨¦quilibres qui entravent la vie des groupes marginalis¨¦s et vuln¨¦rables, par le biais d'actions globales qui traitent des multiples aspects de l'exclusion, ainsi que par une r¨¦forme de l'administration de la justice afin de r¨¦duire les ¨¦carts en mati¨¨re d'¨¦galit¨¦. L'exclusion sociale, dans son sens le plus large, peut ¨ºtre d¨¦finie comme l'incapacit¨¦ d'une personne ¨¤ participer ¨¤ la vie politique, sociale et ¨¦conomique de la soci¨¦t¨¦ dans laquelle elle vit. La pauvret¨¦, qui enferme des millions de personnes dans un cycle d'exclusion et de discrimination, est ¨¤ la base de ces probl¨¨mes.
Il est urgent de trouver les moyens de faciliter l'inclusion des groupes marginalis¨¦s dans les domaines politiques, ¨¦conomiques, sociaux et culturels de la soci¨¦t¨¦ afin de faire progresser la r¨¦alisation des droits de l'homme, comme stipul¨¦ dans la D¨¦claration universelle des droits de l'homme et d'autres instruments internationaux des droits de l'homme. Une politique fond¨¦e sur les droits de l'homme doit orienter les programmes dans tous les secteurs comme la sant¨¦, l'¨¦ducation, la gouvernance, la nutrition, l'eau, l'assainissement, le VIH/sida, l'emploi, les relations sociales et la s¨¦curit¨¦ sociale et ¨¦conomique. Les politiques d'inclusion sociale ont un impact direct sur le bien-¨ºtre des gens et devraient permettre de r¨¦duire la pauvret¨¦, de promouvoir la croissance et d'am¨¦liorer la stabilit¨¦ et la coh¨¦sion sociales. La stigmatisation et la discrimination doivent ¨ºtre combattues par des lois et des mesures positives.
Premi¨¨rement, il est essentiel de cr¨¦er un cadre l¨¦gal pour lutter contre la discrimination, mais il est aussi important de promouvoir et de mettre ?uvre ces instruments. Deuxi¨¨mement, et cela est probablement le point le plus important, des mesures doivent ¨ºtre prises pour donner une voix ainsi qu'un plus grand poids politique dans l'agenda national aux groupes exclus, afin de changer les st¨¦r¨¦otypes et les pr¨¦jug¨¦s, de promouvoir la solidarit¨¦, la coh¨¦sion sociale et une culture de tol¨¦rance et de diversit¨¦.
Tout aussi important, nous devons combattre toutes les formes d'intol¨¦rance en c¨¦l¨¦brant les diversit¨¦s et les diff¨¦rences qui enrichissent l'humanit¨¦. Mais nous devons aussi ?uvrer ¨¤ r¨¦duire les diff¨¦rences qui sont impos¨¦es plut?t que choisies, qui sont des sources de privation plut?t que de r¨¦alisation, et qui alimentent un discours x¨¦nophobe sur le m¨¦rite des individus fond¨¦ sur des st¨¦r¨¦otypes li¨¦s ¨¤ leur race, leur religion ou leur origine ethnique. Surtout, nous devons veiller ¨¤ ce qu'aucune l¨¦gitimit¨¦ ne soit accord¨¦e au discours raciste public. En encourageant la tol¨¦rance et une meilleure compr¨¦hension entre et parmi les communaut¨¦s, l'¨¦ducation nous permet de nous lib¨¦rer de la partialit¨¦ et des pr¨¦jug¨¦s et de promouvoir le respect et l'appr¨¦ciation d'autres cultures, religions et traditions. L'¨¦ducation est surtout le meilleur moyen d'autonomisation et nous devrions veiller ¨¤ ce qu'elle soit accessible ¨¤ ceux qui sont les cibles de l'intol¨¦rance et de la violence en partie parce qu'ils sont sans pouvoir d'action.
Les autres mesures visant ¨¤ promouvoir l'¨¦galit¨¦ n¨¦cessite des actions envisag¨¦es au niveau local, parfois m¨ºme au niveau des collectivit¨¦s. La protection de toutes les minorit¨¦s ainsi que les droits des populations autochtones et des r¨¦fugi¨¦s sont particuli¨¨rement importants dans ce contexte. L'acc¨¨s ¨¤ la justice est crucial. Les institutions l¨¦gales, notamment l'administration de la justice, doivent ¨ºtre particuli¨¨rement attentives aux st¨¦r¨¦otypes et doivent s'interroger sur certaines de leurs pratiques qui peuvent engendrer la discrimination, m¨ºme si elles ne sont pas intentionnellement discriminatoires. Nous devons adopter une approche et un agenda communs pour ¨¦radiquer la discrimination raciale. Heureusement nous en avons un :
la D¨¦claration et le Programme d'action de Durban qui engagent les ?tats ¨¤ travailler ensemble et offrent des initiatives et des solutions communes pour lutter contre le racisme.
Les ?tats Membres ont la responsabilit¨¦ premi¨¨re d'assurer le mise en ?uvre du droit ¨¤ l'¨¦galit¨¦ et ¨¤ la non-discrimination. Leur participation dans l'¨¦laboration de directives antidiscrimination ¨¦tablies par la Conf¨¦rence mondiale en 2001 a cr¨¦¨¦ des attentes qui ne pourront ¨ºtre satisfaites que par une action d¨¦termin¨¦e et concert¨¦e. C'est par la mise en ?uvre de la D¨¦claration et du Plan d'action de Durban que le vrai succ¨¨s de la Conf¨¦rence sera mesur¨¦. Pour ¨¦valuer les progr¨¨s, les Nations Unies ont appel¨¦ ¨¤ une Conf¨¦rence d'examen de Durban qui aura lieu en 2009. La Conf¨¦rence d'examen devrait ¨ºtre une plate-forme permettant ¨¤ toutes les parties prenantes, allant des ?tats Membres aux organisations de la soci¨¦t¨¦ civile, en passant par les Nations Unies et d'autres organisations internationales et r¨¦gionales de renouveler leur d¨¦termination et leur engagement ¨¤ combattre le racisme, la discrimination, la x¨¦nophobie et l'intol¨¦rance qui y est associ¨¦e. Elle devrait ¨ºtre un forum de discussion sur les initiatives et solutions ¨¤ mettre en ?uvre pour lutter efficacement contre ces fl¨¦aux. Elle devrait aussi permettre ¨¤ la communaut¨¦ internationale d'identifier et d'examiner une par une les raisons pour lesquelles, malgr¨¦ les lois et les programmes ¨¦tablis pr¨¦c¨¦demment, nous n'avons pas accompli de progr¨¨s notables dans l'¨¦radication des pratiques r¨¦sultant de l'intol¨¦rance raciale, et d'adopter des solutions concr¨¨tes pour y rem¨¦dier.