01 juin 2007

Le r¨¦chauffement climatique est devenu un sujet couvert r¨¦guli¨¨rement par les m¨¦dias, ponctu¨¦ de d¨¦clarations alarmantes de chefs de gouvernement, de scientifiques ou d'¨¦cologistes. En outre, la fonte des glaciers, les situations m¨¦t¨¦orologiques erratiques, la s¨¦cheresse, les incendies de for¨ºts et la prolif¨¦ration des esp¨¨ces envahissantes de la flore et de la faune dans de nouvelles r¨¦gions sont des ph¨¦nom¨¨nes attribuables aux changements climatiques auxquels les populations sont de plus en plus confront¨¦es.
Les sceptiques sur le r¨¦chauffement climatique mondial font valoir que l'¨¦volution des situations m¨¦t¨¦orologiques fait partie des changements naturels de la temp¨¦rature globale, mais la majorit¨¦ des scientifiques sont d'avis qu'elle est probablement caus¨¦e par la concentration des ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre (GES) dans l'atmosph¨¨re induites par les activit¨¦s humaines.
Il est crucial de reconna¨ªtre les dangers et les risques li¨¦s au changement climatique. Nous n'avons pas de temps ¨¤ perdre, il faut agir maintenant. C'est une excellente occasion pour les parties prenantes de r¨¦pondre ¨¤ ce d¨¦fi en adoptant une approche compl¨¨te afin de s'attaquer aux causes humaines du r¨¦chauffement climatique pour cr¨¦er un avenir meilleur et prosp¨¨re pour les g¨¦n¨¦rations futures. Les scientifiques ont compris depuis longtemps le r?le des for¨ºts dans la cr¨¦ation des microclimats. Avec la sensibilisation accrue sur le r¨¦chauffement climatique et sa principale cause, les ¨¦missions de dioxyde de carbone (CO2), le r?le de ressources foresti¨¨res et v¨¦g¨¦tales dans la modification des impacts du changement climatique font l'objet d'un regain d'attention de la part des climatologues, des ing¨¦nieurs des for¨ºts, des d¨¦cideurs et des m¨¦dias dans le monde entier.
Le quatri¨¨me rapport d'¨¦valuation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'¨¦volution du climat (GIEC) a de nouveau confirm¨¦ que l'augmentation des ¨¦missions de GES attribuables ¨¤ l'activit¨¦ humaine a engendr¨¦ une augmentation certaine de la concentration atmosph¨¦rique de GES. Entre 1970 et 2004, les ¨¦missions mondiales de GES ont augment¨¦ de 70 %. Les ¨¦missions de CO2 ont, ¨¤ elles seules, augment¨¦ d'environ 80 % (28 % entre 1990 et 2005) et repr¨¦sent¨¦ 77 % des ¨¦missions anthropiques totales en 2004. De 1970 ¨¤ 2004, l'augmentation la plus importante des ¨¦missions mondiales a ¨¦t¨¦ caus¨¦e par le secteur de l'approvisionnement en ¨¦nergie (une augmentation de 145 %) mais la croissance d'autres secteurs y a aussi consid¨¦rablement contribu¨¦. Les ¨¦missions dues aux activit¨¦s des secteurs du transport, de l'industrie, ¨¤ l'utilisation des terres, aux changements de l'utilisation des terres et aux activit¨¦s foresti¨¨res ¨¦taient respectivement de 120, 65 et 40 %.
Les faits et les chiffres sont clairs, toutefois une question demeure : les gouvernements sont-ils pr¨ºts ¨¤ prendre des mesures pour r¨¦pondre au r¨¦chauffement climatique ? La communaut¨¦ internationale est-elle vraiment pr¨ºte ¨¤ s'engager pour ? sortir de l'auberge ? et adopter une approche coh¨¦rente en allant au-del¨¤ des mandats et de la comp¨¦tence relevant des accords internationaux li¨¦s aux for¨ºts ?
Les arbres et les for¨ºts absorbent le dioxyde de carbone dans l'atmosph¨¨re par la photosynth¨¨se et stockent le carbone dans le bois et les sols--un processus appel¨¦ la ? s¨¦questration du carbone ?. Les arbres sont g¨¦n¨¦ralement constitu¨¦s de 20 % de carbone. En outre, la biomasse totale des for¨ºts fait fonction de ? puits de carbone ?. D'apr¨¨s les ¨¦tudes de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture des Nations Unies (FAO), les for¨ºts emmagasinent de grandes quantit¨¦s de carbone et les for¨ºts et les sols forestiers mondiaux stockent actuellement plus de mille milliards de tonnes de carbone, deux fois plus que le volume pr¨¦sent dans l'atmosph¨¨re. La destruction des for¨ºts caus¨¦e par le d¨¦boisement ou des incendies envoie chaque ann¨¦e des milliards de tonnes de carbone dans l'atmosph¨¨re. Il est donc important de stocker le carbone et d'emp¨ºcher sa lib¨¦ration dans l'atmosph¨¨re pour lutter contre le r¨¦chauffement climatique et prot¨¦ger l'environnement.
Les for¨ºts sont ¨¦troitement li¨¦es au changement climatique, ¨¦tant ¨¤ la fois une cause et une solution. Il est de plus en plus ¨¦vident que les changements climatiques ont des effets sur leur sant¨¦, leur r¨¦partition et leur composition. Il faut donc prendre des mesures pour g¨¦rer ces liens complexes. Avec les nombreuses institutions environnementales internationales au sein du syst¨¨me de l'ONU, le r?le des for¨ºts dans l'att¨¦nuation des impacts n¨¦fastes du changement climatique est un sujet de plus en plus abord¨¦ dans diverses ar¨¨nes politiques. Il est ¨¦galement clair que la fragmentation des institutions conduit ¨¤ l'incoh¨¦rence et au double emploi.
Concernant le changement climatique et les for¨ºts, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), avec son mandat sp¨¦cifique de lutter contre le r¨¦chauffement climatique, est sans aucun doute un cadre institutionnel. Un autre cadre, peut-¨ºtre moins connu, est le Forum des Nations Unies sur les for¨ºts (FNUF). Ces deux organisations font face au d¨¦fi d'unir leurs efforts pour r¨¦aliser des progr¨¨s ambitieux. La CCNUCC et son Protocole de Kyoto a fourni un cadre ¨¦largi pour r¨¦pondre aux d¨¦fis du changement climatique, assorti de d¨¦lais sp¨¦cifiques de r¨¦duction des ¨¦missions, d'obligations et de m¨¦canismes.
L'inclusion du boisement, du reboisement et du d¨¦boisement dans le Protocole et l'¨¦ligibilit¨¦ du boisement et du d¨¦boisement dans le cadre de m¨¦canismes souples, principalement le M¨¦canisme pour un d¨¦veloppement propre, ont ¨¦t¨¦ consid¨¦r¨¦es comme des mesures d'att¨¦nuation du changement climatique ambitieuses et innovantes. Cependant, il reste ¨¤ r¨¦gler un certain nombre de questions techniques, de d¨¦veloppement et d'¨¦quit¨¦ qui emp¨ºchent d'exploiter le vaste potentiel que repr¨¦sentent les for¨ºts. Les premiers probl¨¨mes techniques et op¨¦rationnels ont port¨¦ sur la permanence et les fuites. On s'est aussi interrog¨¦ sur le bien-fond¨¦ d'une approche consid¨¦rant les for¨ºts comme un simple puits de carbone au d¨¦triment de son importance multidimensionnelle pour les moyens d'existence et les aspects sociaux, culturels et de la biodiversit¨¦.

En mars 2007, ¨¤ Cairns, en Australie, un atelier a ¨¦t¨¦ consacr¨¦ ¨¤ la r¨¦duction des ¨¦missions r¨¦sultant de la d¨¦forestation dans les pays en d¨¦veloppement. Il y aurait beaucoup ¨¤ gagner si au lieu de se concentrer uniquement sur les for¨ºts en tant que r¨¦servoirs de carbone, la CCNUCC ¨¦largissait son horizon en prenant en compte les aspects soci¨¦taux, environnementaux et de d¨¦veloppement. La prochaine mesure importante consisterait ¨¤ avoir le courage et la vision de cr¨¦er des liens institutionnels avec d'autres processus internationaux li¨¦s aux for¨ºts.


En plus des initiatives importantes prises au sein du cadre de la CCNUCC, la septi¨¨me session de la FNUF a adopt¨¦ en avril 2007 un instrument non juridiquement contraignant sur tous les types de for¨ºts. Un programme de travail a ¨¦galement ¨¦t¨¦ adopt¨¦ pour la p¨¦riode 2007-2015. Les r¨¦sultats de cette s¨¦rie de n¨¦gociations internationales sont consid¨¦r¨¦s, ¨¤ juste titre, par les ?tats Membres comme une ¨¦tape d¨¦cisive, reconnaissant le lien important entre les for¨ºts et le changement climatique dans le contexte de l'¨¦laboration de leurs politiques.


Apr¨¨s l'adoption des Principes relatifs aux for¨ºts lors la Conf¨¦rence de l'ONU sur l'environnement et le d¨¦veloppement en 1992, la communaut¨¦ internationale a d¨¦montr¨¦ son leadership en ajoutant un nouveau chapitre sur la politique du secteur forestier mondial qui soutient les actions sur le terrain. Pour le FNUF, le lien entre les for¨ºts et le changement climatique est non seulement pertinent mais rel¨¨ve aussi d'une approche plus holistique.


Il est important de comprendre que le FNUF a ¨¦t¨¦ ¨¦tabli en tant qu'organe intergouvernemental central pour promouvoir la gestion durable des for¨ºts. Sa d¨¦cision d'examiner les liens entre les for¨ºts et le changement climatique porte en soi la promesse d'une politique plus ¨¦quilibr¨¦e et plus compl¨¨te qui va au-del¨¤ de l'id¨¦e de for¨ºts comme puits de carbone seulement. Le FNUF examinera les effets du changement climatique sur les for¨ºts lors de sa prochaine session en 2009.


Le Forum des Nations Unies sur les for¨ºts a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦ en 2000 par le Conseil ¨¦conomique et social pour promouvoir la gestion durable des for¨ºts et renforcer l'engagement politique. La meilleure compr¨¦hension de la gestion durable des for¨ºts, notamment des liens entre le changement climatique et le d¨¦veloppement, devrait aider ¨¤ traduire cet engagement en actions concr¨¨tes. Alors qu'un grand nombre d'institutions, d'instruments et d'organisations internationaux traitent diff¨¦rents aspects de la gestion des for¨ºts, seul le FNUF a le mandat et la capacit¨¦ d'en traiter tous les aspects de mani¨¨re int¨¦gr¨¦e.


Lorsqu'on traite du changement climatique et des for¨ºts, certaines questions demandent une attention imm¨¦diate et ¨¤ moyen terme afin de renforcer le r?le des for¨ºts dans l'att¨¦nuation du changement climatique, d'adapter la gestion des for¨ºts aux conditions du changement climatique et de prot¨¦ger les b¨¦n¨¦fices et les int¨¦r¨ºts des parties prenantes. Le d¨¦veloppement durable et la conservation de la diversit¨¦ biologique des for¨ºts, de l'habitat des esp¨¨ces sauvages et de l'environnement en g¨¦n¨¦ral doivent ¨ºtre pris en compte dans l'att¨¦nuation du changement climatique.

  • Travailler en synergie et en collaboration. La CCNUCC et le FNUF devraient collaborer sur les questions du changement climatique li¨¦ aux for¨ºts, car ils ne peuvent, ¨¤ eux seuls, atteindre leurs objectifs. Le Partenariat de collaboration sur les for¨ºts (CPF), cr¨¦¨¦ pour soutenir les travaux du FNUF permet d'¨¦tablir une telle collaboration. Les secr¨¦tariats de la CCNUCC et du FNUF devraient s'associer aux 12 autres organisations internationales et institutions qui s'occupent de la gestion des for¨ºts, afin d'¨¦tablir des relations qui vont au-del¨¤ des comp¨¦tences et des responsabilit¨¦s qui leur sont assign¨¦es.
  • Renforcer la coh¨¦rence au sein du syst¨¨me de l'ONU. Les ?tats Membres qui font partie des organes directeurs qui prennent des d¨¦cisions sur les politiques internationales concernant les for¨ºts et le changement climatique devraient informer les organismes pertinents. Une fois de plus, le manque de coordination interne au niveau national donne lieu ¨¤ des signaux politiques incoh¨¦rents, et parfois m¨ºme conflictuels. Des d¨¦cisions fermes et prospectives ne pourront ¨ºtre prises que si les ?tats Membres parlent d'une m¨ºme voix.
  • Avoir une vue d'ensemble. Pour g¨¦rer efficacement les for¨ºts afin d'att¨¦nuer le changement climatique, il faut prendre en compte le d¨¦veloppement durable, l'¨¦radication de la pauvret¨¦, les droits des autochtones et des communaut¨¦s locales concernant les ressources foresti¨¨res, la conservation de la biodiversit¨¦ et d'autres ¨¦l¨¦ments environnementaux, comme l'air et l'eau.
  • Pr¨¦venir le d¨¦boisement. Il faut mettre fin aux incitations au d¨¦boisement et offrir des incitations ¨¦conomiques pour pr¨¦venir cette pratique et cr¨¦er des projets de boisement et de reboisement.
  • ?valuation du carbone. Les questions m¨¦thodologiques li¨¦es ¨¤ l'¨¦valuation du carbone, notamment le d¨¦veloppement de crit¨¨res et d'indicateurs, et les probl¨¨mes inh¨¦rents d'additionnalit¨¦, des fuites de carbone et de stockage permanent.
  • Renforcer les instruments juridiques. En r¨¦ponse aux questions mentionn¨¦es ci-dessus, il faudrait tirer parti de l'instrument juridiquement non contraignant sur tous les types de for¨ºts qui vient d'¨ºtre adopt¨¦ et du programme de travail du FNUF afin de d¨¦velopper et de mettre en ?uvre une politique commune fond¨¦e sur la question des for¨ºts, en mettant l'accent sur l'action sur le terrain.

Une gestion efficace des for¨ºts peut offrir des solutions pratiques et abordables au probl¨¨me du changement climatique. Cependant, pour parvenir ¨¤ une solution compl¨¨te, il faut examiner de pr¨¨s un certain nombre de questions m¨¦thodologiques, techniques et institutionnelles, notamment les questions ¨¦conomiques et des droits fonciers. Les membres du Partenariat de collaboration sur les for¨ºts ont contribu¨¦ de mani¨¨re significative ¨¤ r¨¦pondre ¨¤ ce d¨¦fi collectif. De m¨ºme, les m¨¦dias et le grand public devraient contribuer ¨¤ cr¨¦er un climat propice ¨¤ la compr¨¦hension du r?le des for¨ºts dans le changement climatique, et des contraintes auxquelles elles sont confront¨¦es, ainsi que d'autres d¨¦fis soci¨¦taux.


Alors que les for¨ºts montrent un potentiel soci¨¦tal et environnemental important, il est imp¨¦ratifque les principaux acteurs, notamment les gouvernements, les entreprises et le secteur industriel, renforcent les moyens de mise en ?uvre, y compris les ressources financi¨¨res, les capacit¨¦s et le transfert des technologies. Pour trouver une solution efficace au taux alarmant du d¨¦boisement et de la d¨¦gradation des for¨ºts, ainsi que pour att¨¦nuer le changement climatique, l'ensemble de la communaut¨¦ internationale doit unir ses efforts et partager son savoir et ses ressources financi¨¨res. Montrer du doigt les coupables, rejeter la faute sur les autres ou attendre que quelqu'un d'autre se charge du probl¨¨me ne r¨¦soudra rien. La septi¨¨me session du FNUF a ¨¦t¨¦ une ¨¦tape d¨¦cisive dans la mobilisation de nouvelles ressources financi¨¨res pour la gestion durable des for¨ºts. Nous devons tous mettre la main ¨¤ la p?te et renouveler notre engagement. Je suis s?r que l'ing¨¦nuit¨¦ humaine, l'innovation et le souci du bien-¨ºtre des g¨¦n¨¦rations futures nous motiveront ¨¤ r¨¦soudre les causes anthropiques du changement climatique.

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