01 d¨¦cembre 2007

Dans la solennelle D¨¦claration du Mill¨¦naire de 2000, les dirigeants mondiaux se sont engag¨¦s ¨¤ ne m¨¦nager aucun effort pour r¨¦duire de moiti¨¦, d'ici ¨¤ 2015, la proportion de personnes souffrant de l'extr¨ºme pauvret¨¦ et de la faim dans le monde. Il ne nous reste plus que sept ans pour relever cet ¨¦norme d¨¦fi. Alors que nous avons d¨¦pass¨¦ la marque ¨¤ mi-chemin dans la lutte contre la faim, la le?on la plus importante que nous avons tir¨¦e est que nous pouvons encore la gagner. Mais cela n¨¦cessitera de notre part un effort plus grand et plus soutenu.


Les progr¨¨s accomplis pour atteindre le premier et le plus important des Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement (OMD) - ¨¦liminer la pauvret¨¦ et la faim - ont ¨¦t¨¦ in¨¦gaux. D'un c?t¨¦, selon la Banque mondiale, la proportion de personnes vivant dans l'extr¨ºme pauvret¨¦ au niveau mondial est pass¨¦e de 28 % en 1990 ¨¤ 20 % en 2003. De l'autre, la proportion de personnes souffrant de la faim et de la malnutrition dans les pays en d¨¦veloppement, o¨´ la faim est g¨¦n¨¦ralis¨¦e, a seulement diminu¨¦ de 3 %, passant de 20 ¨¤ 17 %.


Mesur¨¦ en nombres de personnes souffrant de malnutrition, plut?t qu'en nombres de personnes souffrant de la faim dans la population totale, le d¨¦fi qu'il nous faut relever semble encore plus d¨¦courageant. Malgr¨¦ la croissance ¨¦conomique rapide en Chine et en Inde, la r¨¦gion Asie et Pacifique compte encore le plus grand nombre de pauvres et de mal nourris au monde. La pr¨¦valence de la malnutrition la place en deuxi¨¨me position, juste derri¨¨re l'Afrique. En Am¨¦rique latine et dans les Cara?bes, des progr¨¨s encourageants ont ¨¦t¨¦ accomplis, le nombre de personnes souffrant de la faim ayant chut¨¦ ¨¤ 52 millions entre 2001 et 2003, une baisse d'environ 12 % par rapport ¨¤ la d¨¦cennie pr¨¦c¨¦dente. En Am¨¦rique centrale, les progr¨¨s n'ont cependant pas ¨¦t¨¦ aussi positifs.


Dans toutes les r¨¦gions, le Programme sp¨¦cial pour la s¨¦curit¨¦ alimentaire (PSSA) - l'initiative phare de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) pour r¨¦duire la faim - a ¨¦t¨¦ mesur¨¦ par rapport au Programme national pour la s¨¦curit¨¦ alimentaire (PNSA). Dans plus de 100 pays dans le monde, ces programmes pr¨¦conisent des interventions efficaces pour ¨¦liminer la faim, la malnutrition et la pauvret¨¦. Plus de 770 millions de dollars allou¨¦s par les donateurs et les gouvernements nationaux ont ¨¦t¨¦ investis dans les programmes de s¨¦curit¨¦ alimentaire appuy¨¦s par la FAO, ce qui favorise la prise en main du programme par le pays et le la responsabilit¨¦ locale. Pr¨¨s de la moiti¨¦ de ces programmes sont mis en place en Afrique subsaharienne, o¨´ la malnutrition est la plus r¨¦pandue au monde et o¨´ une personne sur trois souffrait de maladie chronique entre 2001 et 2003.


Reconnaissant que la r¨¦gion pose un probl¨¨me particulier, les Nations Unis ont lanc¨¦ en septembre 2007 une initiative internationale de d¨¦veloppement de haut niveau, le Groupe de pilotage pour la r¨¦alisation des OMD en Afrique, afin d'aider l'Afrique ¨¤ se remettre sur les rails. Avec l'Union africaine, la FAO assurera le leadership du Groupe de pilotage, qui com-prend les institutions de l'ONU et d'autres organisations internationales et r¨¦gionales, sur les questions li¨¦es ¨¤ l'agriculture et ¨¤ la s¨¦curit¨¦ alimentaire.


Les efforts d¨¦ploy¨¦s pour r¨¦duire la faim en Afrique ont ¨¦t¨¦ frein¨¦s par des catastrophes naturelles et provoqu¨¦es par les activit¨¦s humaines, y compris des conflits et la propagation du VIH/sida. Alors que dans un nombre de pays africains la croissance ¨¦conomique a ¨¦t¨¦ impressionnante au cours des derni¨¨res ann¨¦es, la croissance seule, sans mesures sp¨¦cifiques pour combattre la faim, pourrait n¨¦anmoins laisser derri¨¨re une grande partie de la population, en particulier dans les zones rurales.


La croissance dans le secteur agricole est donc un facteur crucial dans la r¨¦duction de la faim et de la pauvret¨¦, comme il a ¨¦t¨¦ r¨¦cemment reconnu par la Banque mondiale dans son rapport 2008 D¨¦veloppement dans le monde : l'agriculture pour le d¨¦veloppement, le premier rapport traitant de cette question au cours de 25 ans consacr¨¦s ¨¤ l'agriculture. ? Il est temps de placer l'agriculture au centre du d¨¦veloppement, et de prendre en compte le contexte enti¨¨rement diff¨¦rent d'opportunit¨¦s et de d¨¦fis qui ont apparu ?, a indiqu¨¦ la Banque. Elle a ¨¦galement not¨¦ que la croissance du produit int¨¦rieur brut (PIB) ? g¨¦n¨¦r¨¦e par l'agriculture offre des avantages importants pour les pauvres et est au moins deux fois plus efficace dans la r¨¦duction de la pauvret¨¦ que la croissance g¨¦n¨¦r¨¦e par d'autres secteurs ?. La croissance agricole a donc des r¨¦percussions importantes sur d'autres secteurs de l'¨¦conomie et est un ¨¦l¨¦ment crucial pour aider les pays ¨¤ atteindre d'autres OMD. Par exemple, les activit¨¦s de la FAO dans ce domaine contribuent aussi ¨¤ atteindre l'OMD 7 concernant la viabilit¨¦ environnementale et l'OMD 8 concernant le commerce agricole.


Mais revenons ¨¤ l'Afrique. La croissance ¨¦conomique agricole et g¨¦n¨¦rale comprend la mise en ?uvre d'un grand programme de d¨¦veloppement agricole et rural fond¨¦ sur les petites exploitations, ¨¦quivalant ¨¤ une ? r¨¦volution verte pour l'Afrique ? permettant de nourrir les populations urbaines et rurales ¨¤ croissance rapide de l'Afrique. Cet objectif a ¨¦t¨¦ approuv¨¦ par les dirigeants africains qui ont entrepris en 2003 de consacrer au moins 10 % de leurs budgets au secteur agricole dans les cinq prochaines ann¨¦es.


En Afrique subsaharienne, la priorit¨¦ num¨¦ro un pour l'agriculture est l'irrigation, ¨¦tant donn¨¦ que seulement 4 % des terres agricoles - 10 fois moins qu'en Asie - b¨¦n¨¦ficient d'une gestion de l'eau. Cela est m¨ºme devenu plus urgent compte tenu des effets de plus en plus d¨¦vastateurs du changement climatique. Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'¨¦volution du climat (GIEC), les temp¨¦ratures ¨¦lev¨¦es pourrait entra¨ªner d¨¨s 2020 une r¨¦duction de 50 % du rendement des cultures dans certains pays d'Afrique.


En raison du changement climatique, il est plus important que jamais de mettre au point et d'introduire des vari¨¦t¨¦s de cultures africaines de meilleure qualit¨¦ et r¨¦sistantes ¨¤ la s¨¦cheresse. Dans nombre de pays africains, par exemple, la FAO aide actuellement ¨¤ distribuer une nouvelle esp¨¨ce de riz, qui a ¨¦t¨¦ sp¨¦cialement mise au point pour r¨¦pondre aux conditions de culture souvent difficiles de l'Afrique et qui peut produire trois fois plus que les vari¨¦t¨¦s traditionnelles. Cependant, si l'on veut que l'agriculture, en Afrique subsaharienne, d¨¦passe le niveau de subsistance ou acc¨¨de ¨¤ des march¨¦s autres que les march¨¦s locaux, il faudra faire des investissements importants dans l'infrastructure. Les cultures destin¨¦es ¨¤ la consommation locale ne sont pas suffisantes. Il faut les commercialiser et acc¨¦der aux march¨¦s nationaux et d'exportation. Et cela demande une infrastructure de transports et de communications, des entrep?ts et des syst¨¨mes de distribution par cha¨ªne frigorifique.


Comment la communaut¨¦ internationale peut-elle aider ? D'abord en r¨¦duisant l'¨¦cart entre th¨¦orie et r¨¦sultats. Par exemple, la promesse du G8 en 2005 de doubler l'aide accord¨¦e ¨¤ l'Afrique en 2020, s'est traduite en pratique par un d¨¦clin de l'aide publique au d¨¦veloppement entre 2005 et 2006 et une l¨¦g¨¨re r¨¦duction escompt¨¦e en 2007. Plus que des promesses, aussi g¨¦n¨¦reuses soient-elles, les b¨¦n¨¦ficiaires ont besoin de planifier l'aide sur une base continue et pr¨¦visible. ?tablir pour les pays b¨¦n¨¦ficiaires des programmes de flux de l'aide sur plusieurs ann¨¦es serait une ¨¦tape importante dans ce sens. Et alors qu'on continue d'affirmer qu'il est possible de sortir de la pauvret¨¦ gr?ce au commerce, le Cycle de n¨¦gociations commerciales de Doha n'a toujours pas abouti, emp¨ºchant les pays pauvres de profiter pleinement des opportunit¨¦s offertes par les march¨¦s mondialis¨¦s. Il est donc essentiel de mener une action concr¨¨te pour que les pourparlers aboutissent ¨¤ une conclusion satisfaisante.


La croissance ¨¦conomique sans pr¨¦c¨¦dent en Chine et en Inde et dans les pays ¨¦mergents a eu de profondes r¨¦percussions sur la sc¨¨ne internationale. Le commerce Sud-Sud a cr¨¦¨¦ de nouveaux march¨¦s pour les produits, les biens et les services en provenance des pays en d¨¦veloppement, ainsi qu'une forte augmentation de l'investissement ¨¦tranger direct en Afrique, qui a atteint un niveau record de 38 milliards de dollars en 2006, malgr¨¦ une proportion d¨¦risoire accord¨¦e ¨¤ l'agriculture. La demande croissante pour les produits de base dans les ¨¦conomies ¨¦mergentes a r¨¦cemment engendr¨¦, en partie, une forte augmentation des prix alimentaires. Ceci a des r¨¦percussions pour la s¨¦curit¨¦ alimentaire des pauvres. Les pays importateurs de produits alimentaires et d'¨¦nergie en particulier sont doublement p¨¦nalis¨¦s par le prix ¨¦lev¨¦ des produits alimentaire et du p¨¦trole. Mais n'oublions pas que les prix ¨¦lev¨¦s peuvent ¨¦galement permettre aux agriculteurs d'augmenter leurs revenus et pourraient contribuer ¨¤ r¨¦duire la pauvret¨¦ et la faim ¨¤ long terme. Mais cet objectif ne peut ¨ºtre atteint que si nous traitons rapidement les priorit¨¦s que sont l'eau, l'infrastructure et le commerce.


De m¨ºme, nous devrions conseiller les pays en d¨¦veloppement de faire les choix politiques ad¨¦quats face au march¨¦ de la bio¨¦nergie en pleine expansion. Le plein potentiel de la bio¨¦nergie ne b¨¦n¨¦ficiera pas aux pays en d¨¦veloppement tant que la majorit¨¦ des pays de l'Organisation de coop¨¦ration et de d¨¦veloppement ¨¦conomiques (OCDE) continueront de maintenir des barri¨¨res tarifaires ¨¦lev¨¦es pour prot¨¦ger leurs propres producteurs.


Les pays africains en d¨¦veloppement et d'autres pays dans le monde font actuellement des progr¨¨s impressionnants pour sortir seuls de la pauvret¨¦. Le Ghana, par exemple, a d¨¦j¨¤ atteint l'objectif relatif ¨¤ la faim, et une dizaine d'autres pays ont r¨¦duit le nombre de personnes souffrant de malnutrition. Tout en offrant aux pays en d¨¦veloppement le financement, la technologie et l'expertise dont ils ont besoin pour progresser, nous devons aussi n'¨¦pargner aucun effort afin d'assurer leur entr¨¦e sur la sc¨¨ne internationale selon une base ¨¦quitable.


En r¨¨gle g¨¦n¨¦rale, la r¨¦alisation des Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement est encore possible au cours des sept prochaines ann¨¦es, ¨¤ condition que nous soyons pr¨ºts ¨¤ mettre de c?t¨¦ nos int¨¦r¨ºts personnels, ¨¤ redoubler nos efforts et ¨¤ tirer pleinement parti des nouvelles opportunit¨¦s qui nous sont offertes. Pour sa part, la FAO, en collaboration ¨¦troite avec le Programme alimentaire mondial, le Fonds international de d¨¦veloppement agricole et d'autres institutions de l'ONU, et en partenariat avec le secteur priv¨¦ et d'autres institutions publiques et des organisations non gouvernementales, demeure, plus que jamais, engag¨¦e dans la poursuite de cette entreprise capitale.

?

La?Chronique de l¡¯ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privil¨¨ge d¡¯accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingu¨¦s ne faisant pas partie du syst¨¨me des Nations Unies dont les points de vue ne refl¨¨tent pas n¨¦cessairement ceux de l¡¯Organisation. De m¨ºme, les fronti¨¨res et les noms indiqu¨¦s ainsi que les d¨¦signations employ¨¦es sur les cartes ou dans les articles n¡¯impliquent pas n¨¦cessairement la reconnaissance ni l¡¯acceptation officielle de l¡¯Organisation des Nations Unies.?