Au Forum du Sommet mondial sur la soci¨¦t¨¦ de l'information (SMSI), la cyberadministration a ¨¦t¨¦ au coeur des d¨¦bats, entre autres le fait que le d¨¦veloppement des services en ligne est directement li¨¦ ¨¤ la participation active des citoyens et du secteur priv¨¦ dans la fourniture des services publics. Il est donc n¨¦cessaire d'accro¨ªtre le niveau de participation de toutes les parties prenantes ¨¤ la prise de d¨¦cision et au processus de sa mise en oeuvre. La coop¨¦ration internationale, nationale et individuelle pourrait, par ailleurs, permettre d'examiner la question de la r¨¦alisation d'une soci¨¦t¨¦ de l'information ouverte ¨¤ tous. D'autre part, l'h¨¦t¨¦rog¨¦n¨¦it¨¦ des mod¨¨les de cyberadministration et les in¨¦galit¨¦s marqu¨¦es entre les soci¨¦t¨¦s fond¨¦es sur le savoir et les soci¨¦t¨¦s rudimentaires sont les plus grands obstacles ¨¤ surmonter. Dans ce contexte, nous devons discerner quel r?le la cyberadministration joue dans la r¨¦duction de la fracture num¨¦rique.
LES DIMENSIONS DE LA FRACTURE NUM?RIQUE
Le concept de fracture num¨¦rique a ¨¦volu¨¦ au fil des ans, ¨¦tant g¨¦n¨¦ralement d¨¦fini comme une question sociale li¨¦e au volume d'informations entre ceux qui ont acc¨¨s et ceux qui n'ont pas acc¨¨s ¨¤ la soci¨¦t¨¦ de l'information et aux technologies de l'information et de la communication. Il d¨¦signe aussi le niveau socio-¨¦conomique et culturel des pays, des r¨¦gions, des villes et des entreprises en mati¨¨re d'accessibilit¨¦ aux TIC. Cette fracture comprend des d¨¦s¨¦quilibres en mati¨¨re d'acc¨¨s ¨¤ l'infrastructure de l'Internet, d'informations, de connaissances et d'¨¦galit¨¦ des chances en fonction du revenu, de la race, de l'origine ethnique, du sexe ou de crit¨¨res similaires.
Sa nature est complexe. Il est donc imp¨¦ratif de faire un diagnostic pr¨¦cis de ses causes afin de discerner les solutions qui conviennent et de les mettre en oeuvre. La fracture num¨¦rique est vaste. Il existe une forte corr¨¦lation entre celle-ci et la pauvret¨¦. Pr¨¨s de 40 % de la population mondiale vit dans des pays ¨¤ revenu faible. Environ un milliard de personnes n'a pas acc¨¨s aux TIC. En outre, la fracture num¨¦rique rev¨ºt de multiples formes. Des ¨¦tudes montrent que, quel que soit le nombre d'info-kiosques ou de t¨¦l¨¦centres install¨¦s dans un pays ¨¤ faible revenu ou un pays en d¨¦veloppement, la probabilit¨¦ d'utiliser Internet est dix fois plus importante pour une personne vivant dans un pays d¨¦velopp¨¦ ou ¨¤ revenu ¨¦lev¨¦ par rapport ¨¤ une personne vivant dans un pays en d¨¦veloppement. Cela d¨¦montre que l'¨¦ducation et le changement des mentalit¨¦s sont des facteurs essentiels. Les gouvernements devraient agir en cr¨¦ant les outils de cyberadministration et en les utilisant afin de se pr¨¦parer ¨¤ l'¨¨re ¨¦lectronique, d'¨¦duquer la population ¨¤ l'usage d'Internet et de soutenir sans discrimination le d¨¦veloppement des comp¨¦tences en TIC.
CAUSES ET SOLUTIONS
Des ¨¦tudes montrent qu'un grand nombre de facteurs favorisent cette fracture croissante comme, entre autres, les bas revenus et autres limites financi¨¨res, les connexions de mauvaise qualit¨¦ ou ¨¤ tarif ¨¦lev¨¦, le niveau d'instruction faible, l'absence de connaissances informatiques, le manque d'assistance technique et l'acc¨¨s limit¨¦ ¨¤ un contenu de qualit¨¦.
Le co?t des TIC est une question cruciale dans de nombreux pays, mais le manque de connaissances et de compr¨¦hension de ces technologies l'est encore plus. Des ¨¦tudes montrent que plus de 40 % de la population mondiale n'a pas la possibilit¨¦ d'apprendre ¨¤ utiliser un ordinateur. C'est la question la plus difficile ¨¤ traiter, car elle implique des changements ¨¤ la fois dans l'¨¦ducation et les mentalit¨¦s ainsi que dans les investissements pour d¨¦velopper des services en ligne. La cyberadministration devrait jouer le r?le de premier plan dans la cr¨¦ation d'outils d'administration en ligne utilisables, quel que soit le niveau d'instruction. Certains sites gouvernementaux sont tr¨¨s compliqu¨¦s et peu conviviaux que ce soit en mati¨¨re d'acc¨¨s ou de contenu. L'adoption d'une d¨¦marche int¨¦gr¨¦e et ax¨¦e sur le citoyen peut amener les gouvernements ¨¤ offrir ¨¤ tous les m¨ºmes possibilit¨¦s en mati¨¨re d'utilisation des TIC.
La coop¨¦ration entre les parties prenantes dans le domaine de la cyberadministration, comme les gouvernements centraux, les autorit¨¦s publiques locales, le secteur priv¨¦, les universit¨¦s, la soci¨¦t¨¦ civile et les organisations internationales est un facteur essentiel. Elles devraient donner suite aux directives formul¨¦es dans les engagements pris dans l'Agenda de Tunis pour la soci¨¦t¨¦ de l'information1. Les applications des TIC et la mise en oeuvre des strat¨¦gies de cyberadministration, la promotion de la transparence dans les administrations publiques et les processus d¨¦mocratiques sont une part importante de la vision commune et des principes directeurs. La collaboration internationale et la fourniture de moyens d'ex¨¦cution nous feraient franchir une ¨¦tape de plus dans la r¨¦duction de la fracture num¨¦rique.
Les gouvernements devraient jouer un r?le de premier plan dans la cr¨¦ation et le d¨¦ploiement des services en ligne accessibles et des contenus TIC. Ils devraient aussi faciliter le d¨¦veloppement d'un environnement appropri¨¦ et non discriminatoire pour la cyberadministration par la mise en place de cadres r¨¦glementaires, la d¨¦finition des orientations strat¨¦giques et la garantie des gouvernements. La cyberadministration devrait devenir un outil puissant similaire pour r¨¦duire le foss¨¦ comme, par exemple, en assurant un acc¨¨s bon march¨¦ au haut d¨¦bit2. On pourrait aussi fabriquer des ordinateurs et fournir des technologies mobiles de communication plus faciles ¨¤ utiliser, comme Simputer, un ordinateur qui peut m¨ºme ¨ºtre utilis¨¦ par des analphab¨¨tes. En outre, les ¨¦tudes pr¨¦voient que, d'ici ¨¤ 2018, il y aura autant de t¨¦l¨¦phones portables que d'habitants sur la plan¨¨te. Cela devrait amener les gouvernements ¨¤ r¨¦agir.
Pour ¨¦valuer correctement la fracture num¨¦rique, il est essentiel d'adopter une approche g¨¦n¨¦rale. Le classement international est g¨¦n¨¦ralement bas¨¦ sur le nombre d'utilisateurs d'Internet, car il mesure la connectivit¨¦ et l'acc¨¨s. Si l'on tient compte des probl¨¨mes que connaissent de nombreux pays, comme l'analphab¨¦tisme, l'absence d'eau courante ou la famine g¨¦n¨¦ralis¨¦e, cette approche est insatisfaisante. Les organisations internationales devraient adopter une approche g¨¦n¨¦rale, utilisant les indicateurs bas¨¦s ¨¤ la fois sur la qualit¨¦ et sur la quantit¨¦. L'¨¦valuation est importante pour mesurer le succ¨¨s ou l'¨¦chec de la mise en oeuvre des diverses m¨¦thodes mises en place pour r¨¦duire la fracture num¨¦rique.
Les gouvernements et les outils d'administration en ligne adapt¨¦s pourraient y contribuer. Les applications des TIC par les gouvernements pourraient r¨¦duire le foss¨¦ num¨¦rique entre les jeunes et les personnes ?g¨¦es, les femmes et les hommes, les personnes analphab¨¨tes et les personnes instruites ou m¨ºme entre les pays et les r¨¦gions moins d¨¦velopp¨¦s. Les m¨¦dias ainsi que les autorit¨¦s locales et les universit¨¦s peuvent et devraient ¨ºtre un outil majeur pour assurer une communication et une diffusion efficaces. Dans leur demande d'aide et de collaboration internationales ainsi que de soutien financier, les gouvernements des pays en d¨¦veloppement devraient accorder la priorit¨¦ aux applications de l'administration en ligne. Il faudra ensuite harmoniser les r¨¨gles de l'administration en ligne, construire et atteindre un consensus dans la mise en oeuvre d'un ensemble de services en ligne interconnect¨¦s et interop¨¦rables.
Certains disent que l'Internet transforme rapidement notre soci¨¦t¨¦. Les TIC, les ordinateurs et les r¨¦seaux associ¨¦s jouent un r?le de plus en plus important dans le processus d'apprentissage et les carri¨¨res. Dans ce sens, la fracture num¨¦rique existante a un effet n¨¦gatif sur les personnes qui vivent dans les r¨¦gions moins d¨¦velopp¨¦es ainsi que sur les couches socio-¨¦conomiques d¨¦favoris¨¦es. Les seules parties prenantes qui peuvent offrir ¨¤ tous les m¨ºmes opportunit¨¦s sont les gouvernements. Ils devraient donc assumer un r?le pr¨¦pond¨¦rant dans la cyberadministration comme instrument cl¨¦ pour r¨¦duire le foss¨¦.
Pour que la cyberadministration soit un facteur d¨¦terminant dans la r¨¦duction de fracture num¨¦rique, il faut :
- Assurer la coop¨¦ration internationale, nationale et r¨¦gionale.
- Harmoniser le cadre juridique et les r¨¦glementations.
- Mettre en place un ensemble de services en ligne interconnect¨¦s et interop¨¦rables.
- Promouvoir les comp¨¦tences en TIC et la culture num¨¦rique.
- ?duquer et pr¨¦parer la population des r¨¦gions moins d¨¦velopp¨¦es ¨¤ la soci¨¦t¨¦ de l'information et encour ager la pr¨¦paration ¨¤ l'¨¨re ¨¦lectronique.
- Lancer des services en ligne pilotes dans les r¨¦gions moins d¨¦velopp¨¦es en fournissant une assistance technique ad¨¦quate.
- D¨¦velopper l'apprentissage ¨¦lectronique et des conte nus TIC adapt¨¦s.
- Encourager la participation en ligne et l'inclusion des diverses cat¨¦gories sociales dans l'¨¦laboration des politiques et la prise de d¨¦cision, m¨ºme en uti lisant les nouvelles technologies des m¨¦dias, comme les r¨¦seaux sociaux.
- Promouvoir l'utilisation de la communication mobile comme infrastructure permettant de diffuser les services en ligne.
- Augmenter la transparence dans la prise de d¨¦cision et les d¨¦penses budg¨¦taires en mettant en oeuvre les services en ligne.
- Faire participer les citoyens ¨¤ tous les processus de l'administration publique locale et nationale.
- Am¨¦liorer la qualit¨¦ de vie dans tous ses aspects en am¨¦liorant les services en ligne et l'acc¨¨s aux connaissances.
Deux exemples illustrent les avantages que la cyberadministration peut offrir. Le premier a trait ¨¤ une application pour la m¨¦decine en ligne con?ue par le Gouvernement ¨¦gyptien afin de diagnostiquer le cancer du sein chez les ?gyptiennes ?g¨¦es de plus de 45 ans. Le syst¨¨me est bas¨¦ sur les communications par satellite pour pouvoir transmettre les tests via des unit¨¦s de soins ¨¤ distance. Ce service permet de traiter le cancer du sein ¨¤ un stade pr¨¦coce sans discrimination. La deuxi¨¨me meilleure pratique vient du Nigeria, o¨´ le Gouvernement a d¨¦velopp¨¦ une application cyberagriculture pour aider le secteur agricole. Ce syst¨¨me fournit des informations strat¨¦giques et encourage la promotion de nouvelles comp¨¦tences utiles en TIC parmi les agriculteurs nig¨¦rians.
Comme l'indique une ¨¦tude r¨¦cente r¨¦alis¨¦e en Europe par le sous-groupe ? e-Government for Sustainable Development ? des Nations Unies et l'Institute for Management and Sustainable Development, la qualit¨¦ de la vie est directement li¨¦e aux services de cyberadministration ainsi qu'aux opportunit¨¦s offertes par les TIC. Les personnes interrog¨¦es ont indiqu¨¦ que la r¨¦sistance au changement ¨¦tait le principal obstacle ¨¤ la mise en oeuvre des services en ligne et que la strat¨¦gie individuelle et la politique publique dans le domaine de la cyberadministration devraient correspondre aux normes internationales. Cela montre le r?le important de la cyberadministration dans la r¨¦duction de la fracture num¨¦rique et le d¨¦veloppement d'une soci¨¦t¨¦ num¨¦rique ¨¦quitable et ax¨¦e sur le citoyen.
Afin de r¨¦aliser une soci¨¦t¨¦ durable, les gouvernements et les autres parties concern¨¦es devraient s'attacher ¨¤ garantir l'¨¦galit¨¦ des chances pour les jeunes et les futures g¨¦n¨¦rations. Les TIC sont un ¨¦l¨¦ment essentiel de l'avenir et la r¨¦duction de la fracture num¨¦rique devrait ¨ºtre une priorit¨¦. La fourniture de services en ligne adapt¨¦s et la promotion de la culture num¨¦rique devraient ¨ºtre une question de s¨¦curit¨¦ et une priorit¨¦ pour les gouvernements afin d'assurer ¨¤ leur pays ou ¨¤ leur r¨¦gion une place dans la soci¨¦t¨¦ future ax¨¦e sur le savoir.
Notes
1 SMSi s'est d¨¦roul¨¦ en deux ¨¦tapes : ¨¤ Gen¨¨ve, en d¨¦cembre 2003, et ¨¤ tunis, en novembre 2005. 2 Le terme ? haut d¨¦bit ? d¨¦signe une connexion avec un trans fert de donn¨¦es rapide ¨¤ l'internet ¨¤ des vitesses plus rapides que les connexions classiques.
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