01 avril 2008

La s¨¦curit¨¦ alimentaire a toujours ¨¦t¨¦ une pr¨¦occupation centrale de mon gouvernement. Depuis que je suis au pouvoir, j'ai lanc¨¦ un ambitieux programme national visant ¨¤ ¨¦liminer, pas seulement ¨¤ att¨¦nuer, la faim dans le pays. En 2003, gr?ce au nouveau programme ? Faim z¨¦ro ?, des millions de Br¨¦siliens pauvres ont eu trois repas par jour. Son succ¨¨s m'a encourag¨¦ ¨¤ penser que des objectifs similaires pouvaient ¨ºtre atteints au niveau mondial o¨´ des millions de personnes meurent de faim chaque ann¨¦e. J'ai donc fait de la lutte contre la pauvret¨¦ une priorit¨¦ de l'ordre du jour international du Br¨¦sil.
En 2004, j'ai rejoint un nombre important de responsables mondiaux des pays riches et des pays pauvres pour lancer la Lutte contre la faim et la pauvret¨¦ afin de r¨¦pondre ¨¤ ce d¨¦fi urgent. Nous avons ¨¦labor¨¦ des propositions pour lib¨¦rer une grande proportion de la population mondiale du fl¨¦au de la faim et de la malnutrition. Ensemble, nous avons mis au point des moyens innovants pour r¨¦orienter des fonds qui ¨¦taient investis dans la sp¨¦culation financi¨¨re et dans la production d'armements ou qui g¨¦n¨¦raient des profits exorbitants vers l'objectif le plus humanitaire - nourrir ceux qui ont faim. Nous avons fait des progr¨¨s. Par exemple, un m¨¦canisme a ¨¦t¨¦ mis en place pour financer le traitement des maladies end¨¦miques dans les pays les plus pauvres.
Pourtant, ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'oc¨¦an en comparaison de l'immense t?che ¨¤ laquelle nous sommes confront¨¦s. N'oublions pas que, chaque soir, plus de 800 millions de personnes dans le monde se couchent le ventre vide. C'est une situation indigne et une insulte ¨¤ l'humanit¨¦. Nous ne pouvons nous contenter d'un r?le passif.
Cela a ¨¦t¨¦ manifeste au cours des derniers mois, quand la flamb¨¦e des prix des denr¨¦es alimentaires a engendr¨¦ des ¨¦meutes et une instabilit¨¦ dans de nombreux pays du monde. Cette situation a soulign¨¦ l'urgence d'une action lors de la Conf¨¦rence de haut niveau sur la s¨¦curit¨¦ alimentaire mondiale : les d¨¦fis du changement climatique et des bio¨¦nergies, qui s'est r¨¦unie ¨¤ Rome en juin 2008 au si¨¨ge de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
J'¨¦tais, et je reste, convaincu que le d¨¦fi est fondamentalement le m¨ºme : convaincre l'opinion publique que la pauvret¨¦ et la faim ne sont pas une fatalit¨¦ parce qu'elles existent depuis longtemps. La technologie et les r¨¦seaux de distribution sont disponibles. Ce qu'il faut, c'est la volont¨¦ politique.
Le fait nouveau le plus important et le plus r¨¦jouissant est peut-¨ºtre qu'un plus grand nombre de personnes mangent. C'est le cas en Chine, en Inde, en Afrique, dans les Cara?bes et en Am¨¦rique latine, y compris au Br¨¦sil. De nouveaux consommateurs arrivent en masse sur le march¨¦. De nombreux pays qui, auparavant, ¨¦taient consid¨¦r¨¦s comme des pays pauvres se d¨¦veloppent rapidement et les conditions de vie s'y am¨¦liorent. C'est l¨¤ une r¨¦alit¨¦ cruciale qui perdurera.
Au cours des discussions qui ont eu lieu ¨¤ Rome, les participants se sont accord¨¦s pour dire qu'on ne pouvait donner qu'une seule explication ¨¤ la crise. J'ai, pour ma part, indiqu¨¦ que la question s'inscrivait dans un contexte plus large de grands d¨¦fis mondiaux auxquels fait face la communaut¨¦ internationale : l'envol¨¦e des prix de l'¨¦nergie et, par cons¨¦quent, de ceux des engrais et des transports; l'augmentation de la demande alimentaire mondiale; la paralysie du Cycle de n¨¦gociations de l'Organisation mondiale du commerce (omc) concernant la lib¨¦ralisation du commerce; et l'acc¨¦l¨¦ration du changement climatique. Je traiterai ces questions dans cet article en reprenant une grande partie des propos que j'avais tenus lors du sommet de Rome.
LA GOUVERNANCE MONDIALE
Ce sombre sc¨¦nario souligne la n¨¦cessit¨¦ de renforcer la gouvernance mondiale alors que nous cherchons des r¨¦ponses internationales concert¨¦es ¨¤ ces d¨¦fis majeurs. Or, c'est pr¨¦cis¨¦ment l'inverse qui s'est pass¨¦. L'examen de certaines questions sp¨¦cifiques par des nations ou des groupes a fr¨¦quemment donn¨¦ lieu ¨¤ l'apparition de nouveaux probl¨¨mes ou ¨¤ l'aggravation des probl¨¨mes existants, surtout concernant la menace imm¨¦diate caus¨¦e par les insuffisances alimentaires.
Ces questions et leurs liens ¨¦troits ont ¨¦t¨¦ au centre des d¨¦bats du sommet de Rome. L'un des principaux r¨¦sultats de la conf¨¦rence a ¨¦t¨¦ un vaste engagement ¨¤ prendre des mesures urgentes et coordonn¨¦es pour stimuler la production alimentaire, en particulier dans les r¨¦gions les plus vuln¨¦rables. ? cette fin, un pacte a ¨¦t¨¦ conclu pour investir dans la recherche sur les vari¨¦t¨¦s de c¨¦r¨¦ales ¨¤ haut rendement. Le Br¨¦sil a d¨¦j¨¤ pris l'initiative dans ce domaine : pendant des ann¨¦es, nous avons partag¨¦ nos exp¨¦riences et notre expertise dans la recherche agricole tropicale avec d'autres pays en d¨¦veloppement.
Une v¨¦ritable s¨¦curit¨¦ alimentaire doit ¨ºtre mondiale et se fonder sur la coop¨¦ration. C'est la devise qui s'applique aux partenariats du Br¨¦sil avec les pays en d¨¦veloppement, en particulier l'Afrique, l'Am¨¦rique centrale et les Cara?bes. La g¨¦n¨¦ralisation de ce type d'initiatives permet de promouvoir une coop¨¦ration triangulaire.
Depuis les 30 derni¨¨res ann¨¦es, une r¨¦volution silencieuse est en cours dans l'agriculture, en particulier dans les r¨¦gions tropicales, une r¨¦volution qui peut ¨ºtre b¨¦n¨¦fique pour les riches comme pour les pauvres. Elle peut fournir des outils, des solutions et des alternatives pour r¨¦pondre aux besoins croissants de centaines de millions de personnes. Nous devons revoir notre approche et recycler les id¨¦es. Nous devons prendre note des notions d'interd¨¦pendance et de collaboration.
LES SUBVENTIONS DES PAYS RICHES
Un facteur d¨¦cisif de la hausse des prix des aliments est le protectionnisme agricole qui caract¨¦rise l'action des pays riches, affaiblit et d¨¦sorganise la production dans d'autres pays, en particulier dans les pays les plus pauvres.
Les subventions accord¨¦es par les pays riches aux agriculteurs ont emp¨ºch¨¦ les pays en d¨¦veloppement d'¨ºtre comp¨¦titifs sur les march¨¦s ¨¤ l'exportation, encore moins dans leur propre pays. Cela a entra¨ªn¨¦ une d¨¦pendance vis-¨¤-vis des produits alimentaires, que de nombreux exploitants agricoles pauvres n'ont plus les moyens d'acheter.
Ne nous faisons pas d'illusions. Il n'y aura pas de solution structurelle ¨¤ la faim mondiale tant que les ressources ne seront pas allou¨¦es ¨¤ la production alimentaire dans les pays pauvres et que l'on ne se sera pas d¨¦parti des pratiques commerciales injustes qui paralysent le commerce agricole. Dans certains pays, un grand nombre de personnes pouss¨¦es au d¨¦sespoir par la p¨¦nurie des produits alimentaires descendent dans la rue pour protester et demandent au gouvernement d'agir.
Nous faisons face ¨¤ un probl¨¨me grave et d¨¦licat. Si nous voulons r¨¦pondre de mani¨¨re appropri¨¦e, nous devons d'abord en comprendre les causes. Prenons l'exemple dramatique d'Ha?ti. Ce pays, le plus pauvre du continent am¨¦ricain, ¨¦tait un des plus grands producteurs de riz des Cara?bes. Mais des politiques macro¨¦conomiques impos¨¦es du dehors qui privil¨¦giaient des objectifs fiscaux auxquels s'ajoutait l'importation d'exc¨¦dents alimentaires subventionn¨¦s dans d'autres pays a amen¨¦ Ha?ti ¨¤ abandonner la culture du riz, avec les cons¨¦quences tragiques que nous connaissons.
Le probl¨¨me de la p¨¦nurie alimentaire, cependant, n'est pas seulement un probl¨¨me d'approvisionnement. En effet, il est peu probable que la situation change sur ce front, ¨¦tant donn¨¦ les ajustements structurels profonds qui sont n¨¦cessaires pour augmenter de mani¨¨re sensible la production mondiale. L'effondrement apparent des n¨¦gociations du Cycle de Doha a bris¨¦ tout espoir d'augmenter la production alimentaire dans les pays en d¨¦veloppement en ¨¦liminant les aides agricoles g¨¦n¨¦ratrices de distorsion commerciale.
Les ¨¦meutes de la faim sont aussi li¨¦es au pouvoir d'achat, ou ¨¤ son manque. De nombreux pauvres du monde ont ¨¦t¨¦ chass¨¦s du march¨¦ pour les raisons mentionn¨¦es ci-dessus. Le programme d'¨¦thanol et de biodiesel du Br¨¦sil a g¨¦n¨¦r¨¦ des centaines de milliers d'emplois et, donc, des revenus plus ¨¦lev¨¦s pour les agriculteurs et tous ceux qui participent ¨¤ la production et ¨¤ la distribution de cette industrie qui repr¨¦sente des milliards de dollars. Une augmentation des revenus, en particulier pour les plus pauvres qui d¨¦pensent la plus grande partie de leur salaire ¨¤ nourrir leur famille, est un ¨¦l¨¦ment important de la r¨¦ponse ¨¤ la faim ainsi qu'¨¤ la pauvret¨¦ dans le monde.
Ladite crise alimentaire mondiale est, surtout, une crise de la distribution. Nous devons produire plus et am¨¦liorer la distribution. Le Br¨¦sil est un grand pays agricole et, comme tel, ?uvre ¨¤ augmenter sa production nationale. Mais ¨¤ quoi cela sert-il quand les subventions et le protectionnisme entravent l'acc¨¨s au march¨¦, diminuent les revenus et emp¨ºchent de r¨¦aliser une agriculture durable?
Les pays qui ont les moyens de mettre au point des techniques de pointe ont obtenu des progr¨¨s consid¨¦rables en mati¨¨re de rendement des cultures. Cela leur a permis d'¨ºtre comp¨¦titifs ¨¤ la fois sur le march¨¦ int¨¦rieur et sur le march¨¦ mondial, malgr¨¦ les barri¨¨res injustes et les distorsions impos¨¦es par les ¨¦conomies mondiales les plus riches. Mais qu'en est-il des ¨¦conomies plus pauvres, en particulier en Afrique, qui tentent tant bien que mal de fournir un soutien aux paysans qui pratiquent une agriculture de subsistance malgr¨¦ l'insuffisance du financement, des syst¨¨mes d'irrigation et des intrants?
Les subventions cr¨¦ent la d¨¦pendance, d¨¦t¨¦riorent l'ensemble des syst¨¨mes de production et entra¨ªnent la faim et la pauvret¨¦ l¨¤ o¨´ pourrait r¨¦gner la prosp¨¦rit¨¦. Il est temps de les ¨¦liminer. Nous aurions pu surmonter ces obstacles si le Cycle de Doha avait atteint un accord qui cesse de traiter le commerce des produits agricoles comme une exception ¨¤ la r¨¨gle de lib¨¦ralisation. Il faut que les pays les plus pauvres puissent g¨¦n¨¦rer des revenus en produisant et en exportant leurs propres produits. Baisser le co?t de l'¨¦nergie et des engrais et ¨¦liminer les subventions agricoles injustes dans les pays riches sont les plus grands d¨¦fis auxquels nous faisons face aujourd'hui. L'expansion de l'agriculture dans les pays en d¨¦veloppement comme le Br¨¦sil donne une perspective diff¨¦rente ¨¤ ces probl¨¨mes. De nouvelles approches et de nouvelles strat¨¦gies seront n¨¦cessaires.
La vision de s¨¦curit¨¦ qui pr¨¦domine dans le monde actuel est centr¨¦e sur le contr?le et la garantie du territoire, de l'offre alimentaire et de l'offre ¨¦nerg¨¦tique. Les subventions agricoles et les barri¨¨res commerciales qui ont tellement frein¨¦ le d¨¦veloppement de l'agriculture dans les pays pauvres sont aussi la cons¨¦quence de cette vision. Si l'agriculture des pays en d¨¦veloppement avait ¨¦t¨¦ stimul¨¦e par un march¨¦ libre, peut-¨ºtre que la crise alimentaire actuelle n'existerait pas.
LES BIOCARBURANTS NE SONT PAS LES RESPONSABLES

Pour bien comprendre les vraies causes de la crise alimentaire actuelle, nous devons dissiper l'¨¦cran de fum¨¦e produit par des groupes de pression puissants qui cherchent ¨¤ rendre la production d'¨¦thanol responsable de la r¨¦cente hausse des prix. En plus d'¨ºtre une simplification outranci¨¨re, c'est un affront qui ne r¨¦siste pas ¨¤ un examen s¨¦rieux. La v¨¦rit¨¦, c'est qu'il n'y a pas qu'une seule explication ¨¤ la hausse des prix.
Les biocarburants g¨¦n¨¨rent des revenus et des emplois, en particulier dans les zones rurales, tout en produisant une ¨¦nergie propre et renouvelable. C'est donc avec stup¨¦faction que j'observe ceux qui tentent de cr¨¦er une relation de cause ¨¤ effet entre les biocarburants et la hausse des prix des produits alimentaires.
Je suis d¨¦?u de voir que ceux qui accusent l'¨¦thanol, notamment l'¨¦thanol produit ¨¤ partir de la canne ¨¤ sucre, d'¨ºtre la cause de la hausse des prix des denr¨¦es alimentaires, sont les m¨ºmes qui, pendant des d¨¦cennies, ont maintenu des politiques protectionnistes au d¨¦triment des agriculteurs des pays et des consommateurs pauvres dans le monde.
Un exemple de d¨¦calage entre les bonnes intentions et les r¨¦sultats inattendus concerne l'¨¦thanol produit ¨¤ partir du ma?s. Bien que ce projet puisse avoir quelques m¨¦rites, les b¨¦n¨¦fices tir¨¦s d'une moindre d¨¦pendance ¨¤ l'¨¦gard du p¨¦trole et de la r¨¦duction des ¨¦missions de dioxyde de carbone semblent moins importants que la perte de la production alimentaire r¨¦sultant du d¨¦tournement des r¨¦coltes de ma?s destin¨¦es ¨¤ l'alimentation animale. L'impact sur la hausse des prix est ind¨¦niable.
Une vingtaine de pays produisent actuellement la grande majorit¨¦ des combustibles fossiles utilis¨¦s par les 180 pays restants. Une utilisation judicieuse des biocarburants dans le monde, au cas par cas, permettrait ¨¤ 100 pays de produire avec succ¨¨s de l'¨¦thanol et du biodiesel, rempla?ant un pourcentage important de la consommation mondiale de combustibles fossiles.
Les biocarburants ne sont pas des bandits qui menacent la s¨¦curit¨¦ alimentaire dans les pays pauvres. Bien au contraire, produits de mani¨¨re responsable et adapt¨¦s aux conditions locales, les biocarburants peuvent cr¨¦er des revenus et sortir des pays de l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire et ¨¦nerg¨¦tique. Le Br¨¦sil en est le meilleur exemple.
Notre exp¨¦rience innovante montre clairement qu'il n'y a pas n¨¦cessairement une relation entre la production de biocarburants ¨¤ partir de la canne ¨¤ sucre et la hausse des prix. Et il y a d'autres avantages. L'¨¦thanol produit ¨¤ partir de la canne ¨¤ sucre r¨¦duit sensiblement les ¨¦missions de carbone (de plus de 80 ¨¤ 90 %) en comparaison du p¨¦trole ou de l'¨¦thanol de ma?s.
LA V?RIT? SUR L'?THANOL La production d'¨¦thanol de canne ¨¤ sucre du Br¨¦sil repr¨¦sente une petite proportion des terres arables du pays et ne limite pas les terres qui sont affect¨¦es aux cultures vivri¨¨res. Pour que personne ne puisse dire que je ne cite que des statistiques br¨¦siliennes, je me r¨¦f¨¦rerai au rapport 2007 du Minist¨¨re de l'agriculture des ?tats-Unis sur la production d'¨¦thanol qui indique que le Br¨¦sil compte 340 millions d'hectares de terres arables - 200 millions sont affect¨¦es aux p?turages et 63 millions aux cultures vivri¨¨res, dont 7 millions ¨¤ la canne ¨¤ sucre. La moiti¨¦ est destin¨¦e ¨¤ la production de sucre et l'autre, environ 3,6 millions d'hectares, ¨¤ la production d'¨¦thanol. Ce qui veut dire que 2 % des terres sont consacr¨¦es ¨¤ la canne ¨¤ sucre, et seulement 1 % ¨¤ la production d'¨¦thanol.
Certains d¨¦tracteurs affirment que la culture de la canne ¨¤ sucre s'¨¦tend au d¨¦triment de la production de produits alimentaires. Ces critiques sont d¨¦pourvues de tout fondement. Depuis les ann¨¦es 1970, quand le programme de l'¨¦thanol du Br¨¦sil a ¨¦t¨¦ lanc¨¦, le rendement de la production d'¨¦thanol ¨¤ l'hectare avait plus que doubl¨¦. Cela permet d'expliquer pourquoi, depuis 1990, notre production c¨¦r¨¦ali¨¨re a augment¨¦ de 142 %, avec une augmentation modeste de seulement 23 % de la superficie cultiv¨¦e.
L'augmentation spectaculaire des rendements explique donc la croissance de notre production c¨¦r¨¦ali¨¨re.
La production d'¨¦thanol et celle des produits alimentaires sont le r¨¦sultat de la m¨ºme r¨¦volution qui a transform¨¦ les campagnes br¨¦siliennes depuis plusieurs d¨¦cennies. Nous devons remercier l'ing¨¦niosit¨¦ de nos chercheurs et l'esprit d'entreprise des agriculteurs br¨¦siliens. C'est une r¨¦volution qui a fait du Br¨¦sil une r¨¦f¨¦rence mondiale en mati¨¨re de technologie pour l'agriculture tropicale.
D'autres d¨¦tracteurs avancent l'argument absurde selon lequel les plantations de canne ¨¤ sucre du Br¨¦sil envahissent l'Amazonie. Ceux qui tiennent de tels propos ne connaissent pas le Br¨¦sil. Dans la r¨¦gion Nord, qui comprend pratiquement l'enti¨¨re for¨ºt tropicale de l'Amazonie br¨¦silienne, seulement 21 000 hectares sont affect¨¦s ¨¤ la canne ¨¤ sucre, soit l'¨¦quivalent de 0,3 % de toutes les plantations de canne ¨¤ sucre. ? vrai dire, 99,7 % de ces plantations se trouvent au moins ¨¤ 2 000 kilom¨¨tres de la for¨ºt amazonienne.
La distance entre nos plantations de canne ¨¤ sucre et l'Amazonie ¨¦quivaut ¨¤ la distance entre le Vatican et le Kremlin. De surcro¨ªt, il y a encore 77 millions d'hectares de terres agricoles qui ne sont pas exploit¨¦s. Cela ¨¦quivaut ¨¤ un territoire sup¨¦rieur ¨¤ la France et ¨¤ l'Allemagne r¨¦unies. Et nous avons 40 millions d'hectares de terres cultivables sous-utilis¨¦es, d¨¦grad¨¦es, qui peuvent ¨ºtre utilis¨¦es ¨¤ l'agriculture et ¨¤ la production de canne ¨¤ sucre. Bref, l'¨¦thanol de canne de sucre ne constitue pas une menace pour l'Amazonie, sa production ne se fait pas au d¨¦triment de celle des produits alimentaires et n'a pas de r¨¦percussions n¨¦gatives sur l'alimentation des Br¨¦siliens ou d'autres peuples du monde.
Je ne suis pas favorable ¨¤ la production d'¨¦thanol ¨¤ partir du ma?s ou d'autres cultures vivri¨¨res. Je ne crois pas que quelqu'un accepterait d'avoir faim pour remplir le r¨¦servoir de sa voiture. L'¨¦thanol de ma?s ne peut concurrencer l'¨¦thanol de canne ¨¤ sucre qu'¨¤ coup de subventions et de barri¨¨res douani¨¨res. Apr¨¨s tout, l'¨¦thanol de canne ¨¤ sucre produit 8,3 fois plus d'¨¦nergie que l'¨¦nergie fossile qu'il utilise pour le produire, alors que l'¨¦thanol de ma?s en produit ¨¤ peine 1,5 fois. C'est pourquoi on compare l'¨¦thanol au cholest¨¦rol. Il y a le bon et le mauvais ¨¦thanol. Le bon ¨¦thanol permet de d¨¦polluer la plan¨¨te, le mauvais ¨¦thanol d¨¦pend des ? subventions grasses ?.
L'¨¦thanol br¨¦silien est comp¨¦titif gr?ce ¨¤ notre technologie, ¨¤ nos terres fertiles, au soleil, ¨¤ nos ressources en eau et ¨¤ la comp¨¦tence de nos agriculteurs. Et cela n'est pas notre privil¨¨ge exclusif. Une bonne partie des pays d'Am¨¦rique latine et des Cara?bes, et aussi quelques pays asiatiques, r¨¦unissent des conditions semblables favorables ¨¤ cette ? r¨¦volution dor¨¦e ?.
Les savanes africaines, par exemple, sont tr¨¨s semblables au Cerrado br¨¦silien, o¨´ les taux de productivit¨¦ sont tr¨¨s ¨¦lev¨¦s. Et avec la coop¨¦ration, le transfert de la technologie et l'ouverture des march¨¦s, ils peuvent, eux aussi, produire avec succ¨¨s de l'¨¦thanol de canne ¨¤ sucre ou du biodiesel, cr¨¦ant des emplois, des revenus et am¨¦liorant la vie des populations.
L'heure est venue pour que les analystes politiques et ¨¦conomiques ¨¦valuent la contribution des pays en d¨¦velopement au d¨¦bat sur les questions de nourriture, d'¨¦nergie et de changement climatique. Une centaine de pays ont la capacit¨¦ naturelle de produire des biocarburants de mani¨¨re durable. Ils devront r¨¦aliser leurs propres ¨¦tudes et d¨¦cider s'ils peuvent ou non produire des biocarburants et d¨¦terminer l'envergure de l'op¨¦ration. Ils devront d¨¦finir les plants les plus appropri¨¦s et choisir des projets en fonction de crit¨¨res ¨¦conomiques, sociaux et environnementaux. Ce sont des d¨¦cisions importantes qui doivent ¨ºtre prises par eux-m¨ºmes et non par d'autres pays ou d'autres organisations qui souvent font ¨¦cho, m¨ºme de bonne foi, aux int¨¦r¨ºts de l'industrie p¨¦troli¨¨re ou des lobbies agricoles qui d¨¦pendent des subventions et du protectionnisme.
Je suis heureux de noter qu'un accord a ¨¦t¨¦ conclu ¨¤ Rome pour encourager des ¨¦tudes de fond sur tous les aspects de la production de biocarburants. Pour aider cette initiative, j'invite les gouvernements, les scientifiques et les repr¨¦sentants de la soci¨¦t¨¦ civile ¨¤ travers le monde ¨¤ une Conf¨¦rence internationale sur les biocarburants qui aura lieu en novembre 2009 ¨¤ S?o Paulo.
LE PRIX DU P?TROLE
Le prix ¨¦lev¨¦ du p¨¦trole est un autre facteur important de la hausse des prix des denr¨¦es alimentaires. C'est ¨¦trange : on a beaucoup parl¨¦ de la hausse des prix des denr¨¦es alimentaires mais peu de l'impact de la hausse des cours du p¨¦trole sur les co?ts de production des produits alimentairs. Ce comportement n'est ni neutre ni d¨¦sint¨¦ress¨¦. Je suis indign¨¦ de voir que ceux qui montrent du doigt l'¨¦nergie propre des biocarburants sont ceux-l¨¤ m¨ºme dont les mains sont salies par le p¨¦trole et le charbon.
Au Br¨¦sil, le p¨¦trole repr¨¦sente 30 % du co?t final de la production de haricots, de riz, de ma?s et de soja, ou d'un litre de lait. Cela est particuli¨¨rement important quand on consid¨¨re qu'il repr¨¦sente ¨¤ peine 37 % du bouquet ¨¦nerg¨¦tique. Dans mon pays, 46 % de l'¨¦nergie vient de sources renouvelables, telles que la canne ¨¤ sucre et les usines hydro¨¦lectriques. Mais, m¨ºme ainsi, le p¨¦trole p¨¨se beaucoup dans le co?t des r¨¦coltes br¨¦siliennes.
Je me demande donc combien le prix du p¨¦trole p¨¨se dans la production des denr¨¦es alimentaires dans les pays qui d¨¦pendent beaucoup plus de celui-ci que le Br¨¦sil. La question est m¨ºme plus pertinente lorsqu'on sait que, au cours des derni¨¨res ann¨¦es, le prix du baril est pass¨¦ de 30 dollars ¨¤ plus de 130 dollars.
Il faut prendre des mesures. C'est dans ce but que les chefs de gouvernement de l'Am¨¦rique centrale, r¨¦unis avec le Br¨¦sil, ont d¨¦cid¨¦ de demander aux Nations Unies la convocation urgente d'une conf¨¦rence internationale consacr¨¦e ¨¤ ce sujet.
LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
La communaut¨¦ internationale doit aussi d¨¦cider comment faire face ¨¤ la grave menace pos¨¦e par le r¨¦chauffement climatique et prendre des mesures collectives pour y r¨¦pondre. ? Kyoto, au Japon, les pays ont r¨¦agi de fa?on r¨¦fl¨¦chie et responsable. Malheureusement, certains pays ont refus¨¦ d'assumer leurs engagements ¨¤ l'¨¦gard des objectifs de r¨¦duction des ¨¦missions de dioxyde de carbone. Malgr¨¦ tout, Kyoto a ¨¦t¨¦ une ¨¦tape d¨¦cisive. L'humanit¨¦ a pris conscience qu'une action forte et organis¨¦e ¨¦tait n¨¦cessaire pour sauver la plan¨¨te.
Il est malheureusement plus facile de tirer la sonnette d'alarme que de changer des habitudes et de r¨¦duire le gaspillage. Il est plus facile de faire porter la faute aux autres que de faire les changements n¨¦cessaires qui desservent les int¨¦r¨ºts acquis. Cela permet d'expliquer l'essoufflement r¨¦cent des appels ¨¤ la r¨¦duction des ¨¦missions de dioxyde de carbone. C'est regrettable. Nous devons ¨ºtre responsables et nous soucier de l'avenir de nos enfants, de nos petits-enfants et de la plan¨¨te. Nous ne pouvons continuer ¨¤ br?ler des combustibles fossiles au rythme actuel. Au Br¨¦sil, des ¨¦tudes r¨¦centes montrent qu'une voiture fonctionnant ¨¤ l'essence ¨¦met 250 grammes de CO2 par kilom¨¨tre, soit 8,5 fois plus qu'une voiture fonctionnant ¨¤ l'¨¦thanol. Les camions fonctionnant au diesel ¨¦mettent 5,3 fois plus de CO2 dans l'atmosph¨¨re que ceux fonctionnant au biodiesel. De surcro¨ªt, les plantes utilis¨¦es pour la production de biocarburants s¨¦questrent au cours de leur croissance une grande quantit¨¦ de dioxyde de carbone.
L'¨¦thanol n'est donc pas seulement un carburant propre. La fa?on dont il est produit contribue ¨¤ la sant¨¦ de la plan¨¨te. Toutes ces questions appellent ¨¤ un d¨¦bat s¨¦rieux et ¨¦quilibr¨¦ sur les biocarburants et le r¨¦chauffement climatique. Le Br¨¦sil a mis en avant l'immense potentiel des biocarburants. Ceux-ci sont d¨¦cisifs dans la lutte contre le r¨¦chauffement climatique et jouent un r?le important dans le d¨¦veloppement ¨¦conomique et social des pays les plus pauvres.

LE RENOUVELLEMENT DES ID?OLOGIES
Je suis convaincu que nous pouvons cr¨¦er un nouveau concept de s¨¦curit¨¦ pour un monde qui encouragera non seulement le renouvellement des ¨¦nergies mais aussi celui des id¨¦ologies. La mondialisation a eu un impact majeur sur le secteur. Cela pourrait se produire aussi pour l'agriculture. Je me suis toujours consid¨¦r¨¦ comme optimiste. J'ai confiance dans la capacit¨¦ des ¨ºtres humains ¨¤ relever les nouveaux d¨¦fis et ¨¤ cr¨¦er des solutions innovantes pour y r¨¦pondre. Cela a ¨¦t¨¦ le cas dans le pass¨¦ et je suis convaincu qu'il en sera ainsi maintenant. Nous devons ¨¦viter les analyses erron¨¦es qui nous ont conduits sur le mauvais chemin.
Il ne s'agit pas d'¨¦tablir des accords de protection ou d'enrayer la demande. Ce qu'il faut, c'est augmenter l'offre alimentaire, ouvrir les march¨¦s et ¨¦liminer les subventions de fa?on ¨¤ r¨¦pondre ¨¤ la demande croissante. C'est une t?che qui exigera un profond changement de nos modes de pens¨¦e et d'action. En soulignant l'immense potentiel des biocarburants pour r¨¦pondre ¨¤ quelques-uns des d¨¦fis auxquels est confront¨¦e aujourd'hui la communaut¨¦ internationale, j'esp¨¨re que nous prendrons tous nos responsabilit¨¦s et trouverons une r¨¦ponse mondiale ¨¤ nos probl¨¨mes communs.

?

La?Chronique de l¡¯ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privil¨¨ge d¡¯accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingu¨¦s ne faisant pas partie du syst¨¨me des Nations Unies dont les points de vue ne refl¨¨tent pas n¨¦cessairement ceux de l¡¯Organisation. De m¨ºme, les fronti¨¨res et les noms indiqu¨¦s ainsi que les d¨¦signations employ¨¦es sur les cartes ou dans les articles n¡¯impliquent pas n¨¦cessairement la reconnaissance ni l¡¯acceptation officielle de l¡¯Organisation des Nations Unies.?