31 d¨¦cembre 2012

L'¨¦tat de droit est comme la loi de la pesanteur : c'est lui qui fait que notre monde et nos soci¨¦t¨¦s restent soud¨¦s, que l'ordre pr¨¦vaut sur le chaos. C'est par ces mots que le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale a r¨¦sum¨¦ le concept lors de la R¨¦union de haut niveau de l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale sur l'¨¦tat de droit qui s'est tenue en septembre 2012.

Un mois auparavant, le Secr¨¦taire et moi-m¨ºme sommes all¨¦s ¨¤ Timor-Leste o¨´ nous avons pu voir de pr¨¨s le travail important qu'effectue l'ONU en mati¨¨re d'¨¦tat de droit dans les domaines de la consolidation de la paix, de la s¨¦curit¨¦ et du d¨¦veloppement. Par exemple, l'ONU a aid¨¦ le Procureur g¨¦n¨¦ral du Timor-Leste ¨¤ mener ¨¤ bien des centaines d'enqu¨ºtes sur des violations des droits de l'homme graves commises pendant la crise de 1999, a permis aux autorit¨¦s p¨¦nitentiaires d'am¨¦liorer les conditions de d¨¦tention en mettant en place des directives g¨¦n¨¦rales destin¨¦es aux agents du service p¨¦nitentiaire et a mis au point une feuille de route pour guider le soutien au secteur de la justice.

Au cours de la derni¨¨re d¨¦cennie, l'importance des institutions de justice et de s¨¦curit¨¦ pour instaurer la stabilit¨¦ et un d¨¦veloppement ¨¦conomique durable dans les soci¨¦t¨¦s en conflit et sortant d'un conflit est mieux comprise dans le monde. En cons¨¦quence, les appels lanc¨¦s ¨¤ l'ONU pour promouvoir l'¨¦tat de droit dans les situations d'apr¨¨s conflit et de crise ont ¨¦t¨¦ plus nombreux. Un facteur critique dans ce travail est l'appropriation nationale et la participation. Comme l'a soulign¨¦ le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral ¨¤ plusieurs occasions, l'identification, la mise en place et l'utilisation des capacit¨¦s nationales doivent ¨ºtre une priorit¨¦ aux lendemains d'un conflit. Lorsque des acteurs nationaux dirigent le processus national de consolidation, c'est de bon augure pour la r¨¦ussite de nos efforts.

Les efforts de l'ONU dans ce domaine sont de nature tr¨¨s diverse et couvrent chaque ¨¦tape de tout sc¨¦nario apr¨¨s un conflit. Pour faire face aux lacunes imm¨¦diates en mati¨¨re de justice et aux questions p¨¦nitentiaires qui pourraient menacer de faire capoter un processus de paix ou le d¨¦stabiliser, l'ONU peut s'employer ¨¤ ¨¦tablir des tribunaux mobiles, des mesures de soutien pour examiner les conditions inhumaines dans les prisons ainsi que les d¨¦tentions arbitraires ou prolong¨¦es et aider ¨¤ renforcer les capacit¨¦s nationales afin de lutter contre les crimes li¨¦s au conflit. Nous examinons les cons¨¦quences disproportionn¨¦es que le conflit a sur les femmes et les filles, en combattant les in¨¦galit¨¦s entre les sexes, en am¨¦liorant l'acc¨¨s ¨¤ la justice, en ciblant la violence sexuelle et en encourageant la repr¨¦sentation et la participation des femmes dans les institutions nationales garantes de l'¨¦tat de droit et dans les organes de prise de d¨¦cision. Tout au long du processus de l'¨¦tat de droit, l'ONU doit faire tout son possible pour s'assurer que tous les partenaires internationaux, y compris les acteurs bilat¨¦raux et les organisations non gouvernementales, travaillent de mani¨¨re coordonn¨¦e pour r¨¦aliser un ensemble d'objectifs communs. Au bout du compte, ces objectifs sont d¨¦finis par chaque strat¨¦gie nationale sur l'¨¦tat de droit du pays h?te, qui repose ¨¤ la fois sur les normes nationales et internationales.

En R¨¦publique d¨¦mocratique du Congo (RDC), l'ONU a aid¨¦ le Gouvernement ¨¤ poursuivre plus de 150 responsables militaires accus¨¦s d'avoir commis des crimes graves contre des civils. En C?te d'Ivoire, apr¨¨s la crise qui a suivi les ¨¦lections de 2011, l'ONU a aid¨¦ ¨¤ rouvrir les 37 tribunaux et ¨¤ moderniser 22 prisons dans le pays tout en mettant en place un syst¨¨me de gestion des donn¨¦es pour les prisons. Au Darfour, la Mission Union africaine-Nations Unies a aid¨¦ les autorit¨¦s nationales ¨¤ rouvrir les tribunaux au Darfour-Ouest et au Darfour-Nord. Au Soudan du Sud, l'ONU fournit au Gouvernement un appui technique et logistique pour cr¨¦er des tribunaux itin¨¦rants. En Afghanistan, nous avons am¨¦lior¨¦ la coordination et renforc¨¦ l'assistance ¨¤ la justice au niveau provincial. En Ha?ti, nous avons renforc¨¦ le soutien logistique pour cr¨¦er et g¨¦rer une vingtaine de bureaux d'aide dans le pays.

La situation est, cependant, loin d'¨ºtre parfaite. Dans certains lieux, j'ai constat¨¦ avec consternation les conditions d¨¦plorables dans lesquelles vivent les prisonniers sans pouvoir contester les raisons de leur d¨¦tention. La privation de nourriture dans les prisons est un ph¨¦nom¨¨ne courant et peut parfois ¨ºtre une cause de d¨¦c¨¨s. Nous continuons ¨¤ faire face ¨¤ un nombre ¨¦lev¨¦ de violences sexuelles li¨¦es aux conflits, les autorit¨¦s nationales ¨¦tant souvent incapables de traduire les coupables en justice. Pourtant, malgr¨¦ ces d¨¦fis, je suis toujours impressionn¨¦ par le d¨¦vouement remarquable de la police de l'ONU, du personnel judiciaire et p¨¦nitentiaire, de celui charg¨¦ des droits de l'homme, des questions sexosp¨¦cifiques, de la protection des droits de l'homme ainsi que des sp¨¦cialistes partout dans le monde qui, parfois au p¨¦ril de leur vie, aident les pays sortant d'un conflit ¨¤ renforcer leurs institutions juridiques et judiciaires et ¨¤ construire des prisons humaines et s?res. Ces personnes viennent de pays et de syst¨¨mes juridiques tr¨¨s divers et poss¨¨dent une exp¨¦rience de travail impressionnante dans les situations de conflit et d'apr¨¨s conflit. Par exemple, Patience Sai, une sp¨¦cialiste des questions p¨¦nitentiaires du Ghana, vient, apr¨¨s avoir dirig¨¦ l'¨¦quipe charg¨¦e des questions p¨¦nitentiaires dans la Mission en RDC, de rejoindre notre Corps permanent et, en juillet, a ¨¦t¨¦ affect¨¦e pendant trois mois ¨¤ la Mission de supervision des Nations Unies en Syrie, de m¨ºme que ses coll¨¨gues Mireyana Pena Guzman, une sp¨¦cialiste des questions judiciaires originaire de Colombie, et Mohamed Ibrahim, un juge ¨¦gyptien et sp¨¦cialistes des questions judiciaires ayant une grande exp¨¦rience avec l'ONU en Afghanistan et au Soudan. De m¨ºme, Djibril Ly, un avocat mauritanien ayant une grande exp¨¦rience de travail dans le syst¨¨me de l'ONU, a ¨¦t¨¦ affect¨¦ cette ann¨¦e ¨¤ la Mission au Darfour en tant que chef du Groupe de l'¨¦tat de droit.

Pour pouvoir mener ¨¤ bien leur t?che, ils ont besoin d'un appui fort et efficace du Si¨¨ge. C'est pourquoi, en 2007, le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral a renforc¨¦ la capacit¨¦ du D¨¦partement des op¨¦rations du maintien de la paix des Nations Unies (DOMP) en ¨¦tablissant un Bureau de l'¨¦tat de droit et des institutions charg¨¦es de la s¨¦curit¨¦, puis a renforc¨¦ les forces de police de l'ONU et le Service consultatif du droit p¨¦nal et des questions judiciaires ¨¤ New York et a cr¨¦¨¦ la Force de police permanente et le Corps permanent de sp¨¦cialistes des questions judiciaires et p¨¦nitentiaires ¨¤ la base logistique de l'ONU ¨¤ Brindisi, en Italie.

Le Service consultatif a d¨¦velopp¨¦ un nombre croissant de ressources en mati¨¨re de politique et d'orientation ¨¤ l'appui du personnel sur le terrain. En partenariat avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme et avec la contribution de multiples partenaires de l'ONU et de la Banque mondiale, il a mis au point une s¨¦rie d'indicateurs de l'¨¦tat de droit des Nations Unies. Cet outil, qui ¨¦value l'efficacit¨¦ et les lacunes des institutions charg¨¦es de l'¨¦tat de droit et qui peut ¨ºtre employ¨¦ pour suivre les d¨¦veloppements au fil du temps, a ¨¦t¨¦ lanc¨¦ au Liberia, en Ha?ti et au Soudan du Sud. En mati¨¨re de formation, le DOMP a cr¨¦¨¦ le premier cours de l'ONU sur l'¨¦tat de droit destin¨¦ au personnel judiciaire, faisant appel ¨¤ des participants et ¨¤ des instructeurs venant de nombreuses entit¨¦s et aux ?tats membres. Le Service consultatif doit prochainement publier un manuel ¨¤ l'intention des sp¨¦cialistes des affaires judiciaires dans les op¨¦rations de maintien de la paix. Il a ¨¦tabli des partenariats solides avec les Gouvernements, en particulier des pays du Sud, pour tirer parti de leur expertise. Dans le cadre du processus de r¨¦forme et du renforcement des institutions charg¨¦es de l'¨¦tat de droit, il permet de d¨¦ployer des juges, des procureurs, des sp¨¦cialistes de la justice militaire, des enqu¨ºteurs de police et des agents des services p¨¦nitentiaires pour aider et conseiller leurs coll¨¨gues dans les situations d'apr¨¨s conflit.

Les soldats du maintien de la paix ne peuvent ni ne doivent travailler seuls. Le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral adjoint de l'ONU, Jan Eliasson, a pr¨¦conis¨¦ une approche r¨¦unissant diverses disciplines - procureurs et avocats, travailleurs sociaux, professionnels des droits de l'homme et sp¨¦cialistes du d¨¦veloppement - toutes sous la banni¨¨re de l'¨¦tat de droit. Pour r¨¦ussir, nous avons besoin de former des partenariats ¨¦troits avec un large ¨¦ventail d'entit¨¦s de l'ONU - organismes, fonds et programmes et la Banque mondiale - et avec des partenaires cl¨¦s comme l'Union africaine, l'Union europ¨¦enne et autres, pendant la dur¨¦e d'une mission, de la planification au retrait progressif et ¨¤ la transition.

Le partenariat entre le DOMP et le Programme des Nations Unies pour le d¨¦veloppement, en particulier, s'est renforc¨¦ gr?ce ¨¤ une coop¨¦ration accrue ¨¤ la fois du Si¨¨ge et sur le terrain. Nos ¨¦quipes travaillent ensemble pour r¨¦pondre ¨¤ l'appel lanc¨¦ par le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral pour une ONU unie dans l'action, en soulignant nos avantages comparatifs respectifs et en cherchant une compl¨¦mentarit¨¦ en mettant en ?uvre les activit¨¦s sur l'¨¦tat de droit. C'est pourquoi le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral a d¨¦cid¨¦ en septembre 2012 d'¨¦tablir un Groupe de liaison DOMP-PNUD pour coordonner les activit¨¦s en mati¨¨re d'¨¦tat de droit (police, justice et syst¨¨me p¨¦nitentiaire) dans les situations d'apr¨¨s conflit et d'autres situations de crise. La nouvelle initiative, qui inclut la colocation du personnel pertinent au Si¨¨ge de l'ONU, nous permettra de r¨¦pondre plus vite et plus efficacement aux besoins des coll¨¨gues sur le terrain. L'ONU devient ainsi la principale tribune sur les approches internationales visant ¨¤ renforcer l'¨¦tat de droit dans les pays touch¨¦s par un conflit.

La R¨¦union de haut niveau de l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale, tenue en septembre 2012, a jou¨¦ un r?le important pour revitaliser l'attention mondiale sur la n¨¦cessit¨¦ d'¨¦tablir et de pr¨¦server des cadres institutionnels juridiques solides. La d¨¦claration finale (A/RES/71) a soulign¨¦ que l'¨¦tat de droit est l'un des ¨¦l¨¦ments essentiels de la pr¨¦vention des conflits, du maintien de la paix, du r¨¨glement des conflits et de la consolidation de la paix. Elle a insist¨¦ sur le fait que la justice, y compris la justice transitionnelle, constitue un ¨¦l¨¦ment fondamental d'une paix durable dans les pays en proie ¨¤ un conflit ou qui viennent d'en sortir, et a soulign¨¦ qu'il importe d'aider les ?tats ¨¤ se doter de capacit¨¦s civiles plus efficaces et ¨¤ renforcer leurs institutions au lendemain d'un conflit, notamment en faisant appel aux missions de maintien de la paix.

Nous devons profiter de l'impulsion donn¨¦e par la r¨¦union de l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale et continuer d'am¨¦liorer avec nos partenaires la fa?on dont les op¨¦rations du maintien de la paix assument cette t?che essentielle. Il y a beaucoup ¨¤ faire. Alors que l'accent est de plus en plus mis sur l'importance d'aider les ?tats ¨¤ r¨¦tablir l'¨¦tat de droit, les contraintes financi¨¨res mondiales continuent de limiter les ressources disponibles. Les personnels judiciaire et p¨¦nitentiaire repr¨¦sentent une faible part du personnel du maintien de la paix et l'acc¨¨s aux fonds issus de programmes reste limit¨¦. Il faut exercer un contr?le plus approfondi pour s'assurer que nos efforts donnent des r¨¦sultats mesurables, pas seulement des d¨¦penses mesurables.

Nous devons d¨¦velopper des programmes sectoriels inclusifs au niveau national; nous devons mettre davantage l'accent sur l'¨¦tat de droit ¨¤ la fois dans les contributions statutaires et volontaires; il faut que les pays sortant d'une crise accordent une plus grande attention politique aux questions li¨¦es ¨¤ l'¨¦tat de droit et nous devons d¨¦ployer des unit¨¦s de travail conjointes, r¨¦unissant toutes les entit¨¦s et les programmes de l'ONU dans le domaine.

Si nous y parvenons et si nous disposons des ressources n¨¦cessaires, l'ONU sera bien ¨¦quip¨¦e pour r¨¦pondre ¨¤ la demande croissante d'une assistance en mati¨¨re d'¨¦tat de droit ainsi qu'aux difficult¨¦s futures ¨¤ rendre la justice sur le terrain au XXIe si¨¨cle.

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