26 f¨¦vrier 2010

Tapez les mots ? viol ? ? liberia ? et ? apr¨¨s la guerre ? et le moteur de recherche google vous proposera 470 000 r¨¦sultats en 0,38 seconde. Un de ces r¨¦sultats est un blog cr¨¦¨¦ en 2008 par Azama apr¨¨s avoir assist¨¦ ¨¤ une conf¨¦rence organis¨¦e ¨¤ la mairie de Monrovia o¨´ des femmes ont parl¨¦ devant un vaste public des viols et d'autres brutalit¨¦s qu'elles avaient subis. ? Ils ont d¨¦chir¨¦ mes v¨ºtements, m'ont viol¨¦e l'un apr¨¨s l'autre et ont dit ¨¤ mon fr¨¨re d'en faire autant. Lorsqu'il a refus¨¦, ils ont menac¨¦ de le tuer ?, a expliqu¨¦ une victime de Lofa qui a ¨¦t¨¦ viol¨¦e par huit hommes, y compris son fr¨¨re, pendant l'invasion en 2003 du groupe de rebelles Lib¨¦riens unis pour la r¨¦conciliation et la d¨¦mocratie. ? Et je l'ai suppli¨¦ de le faire, parce que je ne voulais pas qu'ils tuent la seule personne de ma famille en vie ¨¤ ce moment-l¨¤. Depuis, nous ne nous parlons plus. Lorsqu'il me voit, il change de direction, et moi aussi. Nous ne sommes pas en bons termes. ? Elle dit que la plupart du temps, elle doit utiliser un fauteuil roulant ¨¤ cause de la douleur. ? Je continue de souffrir ¨¤ cause des viols ?.

Ce viol particulier a eu lieu vers la fin des 14 ans de guerre civile, qui a d¨¦but¨¦ en 1989. Selon Amnesty International, entre 60 et 70% de la population lib¨¦rienne a subi des violences sexuelles pendant le conflit, bien que leur nombre soit probablement plus ¨¦lev¨¦ car de nombreux viols ne sont pas signal¨¦s. Malheureusement, le Liberia n'est pas le seul pays ¨¤ avoir utilis¨¦ le viol comme tactique de guerre. Cela s'est produit aussi lors des conflits en R¨¦publique d¨¦mocratique du Congo, au Darfour, en Bosnie-Herz¨¦govine et au Rwanda. Ce que l'on sait moins, c'est que, depuis la fin du conflit, il y a eu d'innombrables cas de viols. Ce n'est pas parce que la guerre est finie que la guerre contre les femmes l'est. Selon les Nations Unies, 349 viols ont ¨¦t¨¦ signal¨¦s entre janvier et juin 2008, une augmentation importante par rapport ¨¤ l'ann¨¦e pr¨¦c¨¦dente. L'acc¨¨s limit¨¦ aux ¨¦tablissements de sant¨¦ pour r¨¦pondre aux besoins urgents et aux soins psychologiques est tr¨¨s limit¨¦, ce qui aggrave encore plus la situation des femmes viol¨¦es.

En fait, la m¨ºme impunit¨¦ dont ont b¨¦n¨¦fici¨¦ les soldats qui ¨¦cumaient le pays pour violer les femmes et les jeunes filles pendant la guerre continue d'exister aujourd'hui dans de nombreuses r¨¦gions du pays. ? Les Lib¨¦riens pensaient qu'avec l'instauration de la paix, il y aurait moins de violences fond¨¦es sur le sexe, mais ce n'est pas le cas, elles continuent d'augmenter r¨¦guli¨¨rement, en particulier lorsque les auteurs savent que les survivantes les connaissent ?, a expliqu¨¦ Patricia Kamara, Ministre adjointe pour la recherche et les services techniques au Minist¨¨re de l'¨¦galit¨¦ des sexes et du d¨¦veloppement, ¨¤ un groupe de journalistes pendant un atelier de deux jours organis¨¦ ¨¤ Monrovia.

Heureusement pour le Liberia, la Pr¨¦sidente Ellen Johson Sirleaf, la premi¨¨re femme ¨¤ avoir ¨¦t¨¦ ¨¦lue pr¨¦sidente en Afrique, ?uvre en faveur des femmes. Mais les probl¨¨mes auxquels il faut faire face n'en sont pas moins immenses.

La communaut¨¦ internationale a commenc¨¦ ¨¤ prendre conscience du probl¨¨me lorsque les viols ont eu lieu ¨¤ l'ext¨¦rieur du pays. En juillet 2009, une r¨¦fugi¨¦e lib¨¦rienne ?g¨¦e de huit ans vivant en Arizona, aux ?tats-Unis, a ¨¦t¨¦ viol¨¦e par quatre jeunes Lib¨¦riens dans un hangar pr¨¨s de son immeuble. La fillette, ainsi que sa famille, connaissait ses assaillants. Apr¨¨s son attaque, sa famille, y compris son p¨¨re, l'ont tenue pour responsable, ce qui a provoqu¨¦ l'indignation des m¨¦dias, et la police a plac¨¦ la fillette dans une famille d'accueil.

Ce dont les m¨¦dias n'ont pas parl¨¦, c'est qu'au Liberia, apr¨¨s avoir ¨¦t¨¦ viol¨¦es, de nombreuses femmes sont stigmatis¨¦es, rejet¨¦es par leur famille et leurs voisins. C'est pourquoi de nombreux d¨¦lits sexuels ne sont pas signal¨¦s, laissant leurs auteurs impunis. Les familles des victimes tentent souvent de r¨¦gler l'affaire ¨¤ l'amiable ou font obstruction, ce qui aboutit ¨¤ des non-lieux. Selon la Police nationale lib¨¦rienne, 780 cas de viol et de violence sexuelle ont ¨¦t¨¦ signal¨¦s en 2008 au service sp¨¦cial charg¨¦ de la protection des femmes et des enfants, mais moins d'un quart ont fait l'objet de poursuites.

DES MESURES DANS LA BONNE DIRECTION Le Liberia prend des mesures qui vont dans la bonne direction. En d¨¦cembre 2008, un tribunal sp¨¦cial a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦ pour juger les affaires de violence sexuelle. Lors de l'inauguration, la Pr¨¦sidente a reconnu l'importance du tribunal pour combattre le viol et la violence fond¨¦e sur le sexe, qui est en hausse malgr¨¦ la promulgation du texte portant modification de la loi sur le viol qui pr¨¦voit des peines plus s¨¦v¨¨res (de sept ans ¨¤ la perp¨¦tuit¨¦) pour les cas les plus graves, tout en interdisant la libert¨¦ sous caution pour les accus¨¦s.

Elle a ¨¦galement cr¨¦¨¦ un service charg¨¦ des crimes sexuels et des crimes de violence sexiste, qui est supervis¨¦ par le Minist¨¨re de la justice et dispose d'un num¨¦ro d'urgence qui permet au public d'appeler ¨¤ partir d'un t¨¦l¨¦phone portable pour signaler les cas de viol dans les communaut¨¦s. Une autre initiative importante est la construction dans les ¨¦coles du pays de toilettes destin¨¦es exclusivement aux filles. Jusqu'alors, les parents gardaient leurs filles ¨¤ la maison de peur qu'elles ne se fassent viol¨¦es ou qu'elles ne subissent des violences.

Depuis que Mme Sirleaf a pris des mesures pour que les auteurs de viols soient poursuivis et condamn¨¦s, les femmes sont plus nombreuses ¨¤ t¨¦moigner des injustices dont elles sont victimes. L'¨¦tape suivante consistera ¨¤ veiller ¨¤ ce que les auteurs de viols soient jug¨¦s de mani¨¨re appropri¨¦e, ce qui implique la r¨¦organisation du secteur judiciaire pour que la police, les tribunaux et le syst¨¨me p¨¦nitentiaire puissent fonctionner efficacement.

En v¨¦rit¨¦, m¨ºme avec une ? dame de fer ? ¨¤ la t¨ºte du pays, il est difficile, voire impossible, d'obtenir une condamnation. ? Nous n'avons pas une magistrature qui consid¨¨re le viol comme un crime contre l'humanit¨¦ ?, a indiqu¨¦ la Pr¨¦sidente Sirleaf lors d'un entretien ¨¤ New York en 2009. ? Et les victimes et leur famille ne sont pas dispos¨¦es ¨¤ admettre (le viol) et ¨¤ porter l'affaire devant le tribunal. ? Combattre la violence ¨¤ l'¨¦gard des femmes signifie remettre en cause les r?les d¨¦volus par la soci¨¦t¨¦ aux deux sexes, non seulement au Liberia, mais dans le monde entier. Tant que l'¨¦galit¨¦ entre les sexes ne sera pas pleinement ¨¦tablie, les viols continueront. Et lorsque le viol est employ¨¦ comme instruments d'intimidation et de peur ¨¤ la fois sur le champ de bataille et en dehors, non seulement les femmes souffrent, mais la soci¨¦t¨¦ tout enti¨¨re se disloque.

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