18 d¨¦cembre 2014

Selon l¡¯Autorit¨¦ nationale de conservation du tigre, il y avait en Inde 40 000 tigres vivant ¨¤ l¡¯¨¦tat sauvage au d¨¦but du XXe si¨¨cle. Il en reste aujourd¡¯hui ¨¤ peine 4 000. Cette situation refl¨¨te celle d¡¯autres animaux comme le rhinoc¨¦ros indien dont la population compte aujourd¡¯hui moins de 2 400 animaux. Le sort de certaines esp¨¨ces domestiques est ¨¦galement pr¨¦occupant. Par exemple, la population de chameaux massacr¨¦s pour la consommation est pass¨¦e de 600 000 b¨ºtes ¨¤ 250 000 au cours des derni¨¨res d¨¦cennies. La situation s¡¯apparente ¨¤ une ? extermination silencieuse ?. Si elle se poursuit au m¨ºme rythme, il restera en Inde ¨¤ peine 10 000 t¨ºtes.

En Inde, les tigres, les rhinoc¨¦ros, les dromadaires ainsi que d¡¯autres animaux?sont menac¨¦s d¡¯extinction. Je parlerai ici des tigres qui auraient disparu depuis long- temps sans l¡¯effort consid¨¦rable fourni par le gouvernement.

Je suis un ami des animaux depuis mon enfance. Il ¨¦tait donc naturel qu¡¯adulte, je devienne un activiste passionn¨¦ par la protection des esp¨¨ces sauvages. Toute ma vie, j¡¯ai ¨¦t¨¦ fascin¨¦ par les tigres et ma plus grande gloire a eu lieu en ao?t 2013 avec l¡¯adoption d¡¯une jeune tigresse royale du Bengale aux Jardins zoologiques d¡¯Alipore?¨¤ Calcutta, la capitale de l¡¯?tat du Bengale-Occidental situ¨¦ au nord est de l¡¯Inde, qui compte la deuxi¨¨me plus grande esp¨¨ce de grands f¨¦lins au monde.

Ce qui avait commenc¨¦ comme un passe-temps est devenu, au fil des ans, un probl¨¨me tr¨¨s pr¨¦occupant li¨¦ ¨¤ l¡¯existence de ces animaux. Aucune personne concern¨¦e par la protection des esp¨¨ces sauvages ne peut vivre en paix lorsqu¡¯elle a conscience de l¡¯¨¦norme t?che de conservation ¨¤ effectuer.

En septembre 2013, j¡¯ai appris par les m¨¦dias que l¡¯un des r¨¦seaux de braconniers les plus actifs en Inde avait ¨¦t¨¦ d¨¦mantel¨¦ avec l¡¯arrestation d¡¯un trafiquant de 65 ans, Surajpal alias Chacha, connu pour ses activit¨¦s criminelles, qui, avec son neveu Sarju, aurait tu¨¦ 300 tigres en 30 ans et export¨¦ en contrebande leurs peaux, leurs os et leurs cr?nes, en particulier vers la Chine, tout en gagnant des millions de dollars.

Cela m¡¯a ouvert les yeux. J¡¯¨¦tais conscient que l ¡¯Inde ¨¦tait confront¨¦e ¨¤ un probl¨¨me de braconnage mais, comme beaucoup d¡¯autres, je n¡¯avais aucune id¨¦e de son ampleur. La police a saisi 18 kilos d¡¯os, de griffes et de cr?nes de tigre au domicile de Surajpal qui menait ses affaires depuis New Dehli. Les autorit¨¦s ont aussi confisqu¨¦ 50 millions de roupies indiennes en esp¨¨ces (environ 100 000 dollars).

Depuis 2005, Chacha ¨¦tait recherch¨¦ par le Bureau central d¡¯enqu¨ºte (CBI), le principal organisme d¡¯enqu¨ºte de la police en Inde, et le Bureau de contr?le de la criminalit¨¦ li¨¦e aux esp¨¨ces sauvages. Il a ¨¦t¨¦ rep¨¦r¨¦ gr?ce ¨¤ l¡¯arrestation d¡¯un autre trafiquant notoire, Sansar Chand Gujjar, qui, selon un rapport d¡¯enqu¨ºte publi¨¦ par le magazine indien Tehelka, aurait tu¨¦ plus de 250 tigres, 2 000 l¨¦opards, 5 000 otaries, 20 000 f¨¦lins et 20 000 renards.

Lors d¡¯un interrogatoire men¨¦ par le CBI en 20 06, Chand a admis avoir vendu 470 peaux de tigre et 2 130 peaux de l¨¦opard ¨¤ quatre clients au N¨¦pal et au Tibet. Sa d¨¦claration a r¨¦v¨¦l¨¦ l¡¯ampleur alarmante de ce probl¨¨me. Pour ceux qui sont concern¨¦s par la protection des esp¨¨ces sauvages, ce rapport? a? fait l¡¯effet d¡¯une bombe.

Des m¨¦dias ont ¨¦galement r¨¦v¨¦l¨¦ que Surajpal avait travaill¨¦ avec Chand et ¨¦tabli sa r¨¦putation comme meilleur fournisseur de peaux et d¡¯os de tigre. Sa fa?on de proc¨¦der ¨¦tait simple : pour donner l¡¯impression que les? tigres ¨¦taient morts de cause naturelle, il les empoisonnait. Selon ces articles, le r¨¦seau de braconniers ciblait les for¨ºts et les r¨¦serves en conservant presque toujours une longueur d¡¯avance sur la loi.

L¡¯affaire Surajpal rappelle celle du c¨¦l¨¨bre bandit indien, Veerapan, dont l¡¯h¨¦ritage est vivant dans le pays et dans les sanctuaires de faune et de flores sauvages comme, entre autres, le Parc national Jim Corbett, le Parc national Rajaji, la R¨¦serve de tigres de Sariska, le Parc national Ranthambore, le Parc national Pench, le Parc national Bandhavgarh, le Parc national Simlipal, la R¨¦serve de tigres de Melgaht et le Parc national Kaziranga.

Surajpal a cr¨¦¨¦ un r¨¦seau de braconniers, de trafiquants et de bandits dans tout le pays. Selon le recensement national de 2010, la population des tigres indiens, qui est estim¨¦e?¨¤ 1 706 b¨ºtes aurait pu compter 2 500 tigres suppl¨¦mentaires s¡¯ils n¡¯avaient pas ¨¦t¨¦ ill¨¦galement chass¨¦s par des braconniers comme Surajpal. Les trafiquants comme Surajpal et Chand devraient ¨ºtre traduits en justice pour ? extermination d¡¯esp¨¨ces sauvages ? et encourir de lourdes peines de prison. Chand, qui ¨¦tait gravement malade, est d¨¦c¨¦d¨¦ en mars 2014 dans un h?pital ¨¤ Jaipur, au Rajastan, pendant son proc¨¨s.

En 2013, j¡¯ai organis¨¦ un panel ¨¤ Calcutta au cours duquel j¡¯ai pr¨¦sent¨¦ mon livre intitul¨¦ The Safari : A Diary on Ranthambore. Le panel comprenait deux d¨¦fenseurs de la faune et de la flore sauvages indiens, Belinda Wright, Directrice ex¨¦cutive de la Wildlife Protection Society of India (WPSI), et Nitin Desai, Directeur du bureau Central India de la WPSI. Nous avons discut¨¦ du d¨¦clin de la population des tigres en Inde et des mesures de conservation ¨¤ prendre. M. Desai a partag¨¦ plusieurs strat¨¦gies de lutte contre le braconnage, notamment le syst¨¨me de r¨¦compenses adopt¨¦ par son organisation et d¡¯autres groupes de conservation, visant ¨¤ ¨¦tablir des?relations de confiance avec les villageois et les r¨¦sidents locaux et ¨¤ solliciter leur collaboration afin de mettre un terme au braconnage. La cr¨¦ation de r¨¦seaux de mulkhbirs ou d¡¯informateurs entre les villageois, les membres de diff¨¦rentes tribus et les populations foresti¨¨res a d¨¦j¨¤ port¨¦ ses fruits.

Le lendemain de notre panel, Mme Wright, M. Desai et moi-m¨ºme nous sommes rendus dans les Sundarbans, r¨¦gion qui abrite le tigre du Bengale. Site inscrit au patrimoine? mondial de l¡¯UNESCO, le Parc national des Sundarbans, une r¨¦serve de la biosph¨¨re, situ¨¦ dans le delta? des Sundarbans entre l¡¯Inde et le Bangladesh, couvre une superficie de 36 000 ha et abrite le tigre royal du Bengale, l¡¯un des animaux les plus difficiles ¨¤ atteindre.

? l¡¯aide des services communautaires et des activit¨¦s scolaires, Mme Wright et M. Desai ont ¨¦duqu¨¦ la population locale sur l¡¯importance de confronter les braconniers. Fournir des renseignements sur les braconniers est peut-¨ºtre l¡¯aspect le plus important de l¡¯action men¨¦e dans une r¨¦gion de mangroves qui figure parmi les plus inhospitali¨¨res au monde. Gagner le c?ur des populations locales semble ¨ºtre l¡¯arme la plus efficace pour la protection du tigre.

L¡¯Inde a accompli de grandes avanc¨¦es dans ses efforts de conservation, mais elle doit continuer. Bien que les d¨¦fis soient immenses, avec l¡¯¨¦nergie et les capacit¨¦s des d¨¦fenseurs de l¡¯environnement comme M. Desai et Mme Wright, les activistes environnementaux et l ¡¯¨¦crivain Bittu Sahgal et bien d¡¯autres encore, nous gardons espoir. J¡¯ai r¨¦alis¨¦ l¡¯importance de la participation des communaut¨¦s dans ces programmes de conservation.

Les violations des droits de l¡¯homme font l¡¯objet d¡¯une? sensibilisation croissante? du public dans le monde. Il est temps de mettre les droits de l¡¯animal sur un pied d¡¯¨¦galit¨¦ avec les droits de l¡¯homme dans le champ de la loi.?

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