2022-UNAT-1187, Applicant
Le Tribunal du contentieux administratif était confronté à deux versions inconciliables de l'affaire et il lui fallait donc s'assurer de la crédibilité et de la fiabilité des différents témoins factuels et des probabilités. Cette tâche a été rendue particulièrement difficile pour le Tribunal du contentieux administratif dans la mesure où les témoins concernés n'ont pas présenté leurs dépositions en personne. En l’espèce, les éléments de preuve présentés par le Secrétaire général étaient d’une nature et d’une valeur extrêmement limitées. Le Secrétaire général s’est appuyé exclusivement sur le contenu du rapport écrit de l’enquête du BSCI, qui était entièrement constitué de ouï-dire et, dans certains cas, de doubles ouï-dire. Le Secrétaire général n'a cité aucun témoin pour prouver sa thèse. Le fait que les témoins n'aient pas été cités à comparaître a empêché le Tribunal d'évaluer la crédibilité ou la fiabilité des témoignages des plaignants, de l'enquêteur et de l'interprète du BSCI qui a noté les ouï-dire, ou des autres témoins qui connaissaient la situation, en se référant aux à leur comportement, ainsi qu'au calibre et au sérieux de leur performance à la barre des témoins en ce qui concerne l'inconduite sexuelle alléguée et la possibilité d'une arrière-pensée. Il n’y a tout simplement pas eu de procès sur ces questions.
Les preuves limitées présentées par le Secrétaire général n’ont pas fourni d’appui très solide pour conclure à une exploitation ou à des abus sexuels. On ne peut pas affirmer qu’il y a beaucoup plus de preuves à l’appui de la conclusion d’inconduite sexuelle, et les informations limitées suggèrent le contraire.
Si les preuves disponibles d’exploitation et d’abus sexuels sont insuffisantes et peu fiables, le Secrétaire général ne doit pas poursuivre les poursuites contre le fonctionnaire. La conclusion légitime du BSCI dans cette affaire selon laquelle il existait des motifs raisonnables de croire qu'il y avait eu exploitation et abus sexuels ne peut, sans plus, se traduire automatiquement par une conclusion selon laquelle il existait des motifs clairs et convaincants d'exploitation et d'abus sexuels, simplement parce que les témoins étaient n'est pas disponible, alors qu'il est évident que les autres éléments de preuve, à eux seuls, ne satisfont pas à la norme applicable. Le Secrétaire général ne devrait pas prendre de mesures disciplinaires dans des cas graves avant d'être convaincu que, outre une conclusion de cause probable par le BSCI, il existe des preuves disponibles qui répondront aux normes de preuve claire et convaincante devant le Tribunal du contentieux des Nations Unies. Agir autrement, c’est risquer une parodie de justice incompatible avec le rôle de l’ONU en tant que gardienne des droits de l’homme. Ainsi, le Tribunal n’a pas commis d’erreur en annulant la décision contestée.
Etant donné que le Secrétaire général a pour pratique de ne pas se conformer aux ordonnances de réintégration du Tribunal du contentieux administratif ou du Tribunal, le montant maximum de l'indemnisation devrait être payable. Il s’agit en effet d’un de ces cas exceptionnels, envisagés à l’article 9(1)(b) du Statut de l’UNAT, où le paiement d’une indemnisation plus élevée aurait été justifié. Toutefois, en l'absence d'un appel incident contre l'octroi de l'indemnisation, ce Tribunal n'est pas libre d'augmenter l'indemnisation accordée, même s'il avait l'intention de le faire.
Dans le jugement n° UNDT/2020/204, le Tribunal a estimé que le Secrétaire général ne s'était pas acquitté de sa charge de preuve (preuves claires et convaincantes) que le fonctionnaire avait exploité ou abusé sexuellement des deux plaignantes. Le Tribunal a ordonné l’annulation de la décision de cessation de service ou, à défaut, le paiement au requérant de deux années de traitement de base net.
Le Tribunal du Tribunal ne peut parvenir à une conclusion d'inconduite sexuelle que sur la base de preuves suffisantes, convaincantes, pertinentes et recevables permettant des déductions factuelles appropriées et une conclusion juridique selon laquelle les éléments de l'exploitation et des abus sexuels ont été établis conformément à la norme de preuve claire et convaincante. preuve. En d’autres termes, la preuve doit démontrer que l’inconduite sexuelle était hautement probable.
Les preuves par ouï-dire sont intrinsèquement peu fiables et de peu de poids, à moins d'être substantiellement corroborées, car leur valeur probante dépend largement de la crédibilité d'une personne autre que celle qui fournit ces preuves. Les ouï-dire doivent être reçus avec prudence, car l'auteur de la déclaration (par exemple, en faisant une allégation de harcèlement sexuel) pourrait avoir délibérément menti ; s'est trompé en raison de déficiences de mémoire ou d'observation; ou peut avoir raconté les faits à l'enquêteur de manière trompeuse. Le but du contre-interrogatoire est de révéler ces lacunes, et si l'auteur de la déclaration n'est pas devant le juge des faits, cette garantie est perdue.
L’appel a été rejeté, le jugement du Tribunal a été confirmé et l’Administration a ordonné de supprimer du dossier personnel du requérant toutes les informations, pièces et conclusions défavorables relatives à la procédure disciplinaire ayant conduit à sa cessation de service de l’Organisation.