L¡¯ ? ¨¦conomie du savoir ?
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L¡¯ ? ¨¦conomie du savoir ?
Quelque part entre l¡¯¨¦quateur et la ville k¨¦nyane de Nanyuki, cinq ¨¦tudiants dans une salle de classe regardent une vid¨¦o YouTube expliquant comment extraire l¡¯aluminium ¨¤ partir de la bauxite. ? C¡¯est tellement simple ¨¤ faire une fois qu'on a vu la vid¨¦o ?, s¡¯exclame Kenneth Karue, 19 ans.?
Il y a deux ans,? l¡¯¨¦cole secondaire de Gakawa n¡¯avait pas acc¨¨s ¨¤ Internet. Mais, gr?ce ¨¤ une initiative de Mawingu Networks, un fournisseur de services Internet ¨¤ ¨¦nergie solaire, les jeunes K¨¦nyans des r¨¦gions rurales surfent sur la toile pour la premi¨¨re fois, avec des r¨¦sultats surprenants.?
Certains d¡¯entre eux esp¨¨rent faire carri¨¨re dans le secteur florissant des technologies de l¡¯information et de la communication (TIC). La Banque mondiale a estim¨¦ qu'en 2016? les pays d'Afrique allaient investir entre 155 et 180 milliards de dollars dans le secteur des TIC, ce qui repr¨¦sente 6 ¨¤ 7% du produit int¨¦rieur brut (PIB) africain. Toutefois, les jeunes soutiennent que des obstacles majeurs les emp¨ºchent de trouver un emploi dans ce secteur.?
? Nous avons beaucoup de jeunes. Malheureusement, ils viennent de quartiers o¨´ les possibilit¨¦s pour les jeunes sont r¨¦duites? ?, regrette Tim Nderi, directeur g¨¦n¨¦ral de Mawingu Networks.?
Depuis 2013, Microsoft investit dans Mawingu Networks, en partant du principe que si l'on permet aux jeunes d¡¯acc¨¦der ¨¤ l¡¯univers num¨¦rique ils pourront plus tard y trouver un emploi. ?
Toutefois, ? Les gens ont-ils acc¨¨s ¨¤ Internet, et cet acc¨¨s est-il abordable ? ?, s¡¯est interrog¨¦ Anthony Cook de Microsoft lors d¡¯un entretien accord¨¦ ¨¤ Afrique Renouveau. ? Lorsque l¡¯on envisage de passer ¨¤ une ¨¦conomie du savoir, il faut pouvoir amener avec soi la plus grande partie de la population. ?
En octobre 2016,? le r¨¦seau Internet de Mawingu comptait dix mille utilisateurs r¨¦partis dans quatre comt¨¦s du Kenya.?
De nombreux pays africains ont adopt¨¦ l¡¯id¨¦e d¡¯une ¨¦conomie du savoir,? terme invent¨¦ dans les ann¨¦es 1960 pour d¨¦crire les ¨¦conomies o¨´ la production et l¡¯utilisation du savoir sont primordiales. Les ¨¦tablissements universitaires et les entreprises qui m¨¨nent des activit¨¦s de recherche et de d¨¦veloppement sont des piliers importants de ce type de syst¨¨me, tout comme ceux qui appliquent ce savoir :
les programmeurs qui d¨¦veloppent de nouveaux logiciels et moteurs de recherche pour utiliser les donn¨¦es, ainsi que les agents de sant¨¦ qui les utilisent pour am¨¦liorer les traitements.?
Certains gouvernements ont commenc¨¦ ¨¤ employer des jeunes form¨¦s aux technologies dans le secteur public. Au Kenya, o¨´ l¡¯on estime que 5 millions de jeunes sont au ch?mage, le programme pr¨¦sidentiel pour talents num¨¦riques a recrut¨¦ 400 dipl?m¨¦s universitaires pour travailler sur des projets majeurs au sein de diff¨¦rents minist¨¨res. La Banque mondiale a lanc¨¦ l¡¯an dernier un partenariat public-priv¨¦ de 150 millions de dollars sur 5 ans pour aider 280 000 jeunes ch?meurs k¨¦nyans ¨¤ d¨¦couvrir les possibilit¨¦s d¡¯emploi et suivre une formation qui favorisera? leur employabilit¨¦.?
Mais ailleurs sur le continent, les initiatives gouvernementales de ce type ont ¨¦chou¨¦. Trois ans apr¨¨s son lancement en 2013, Innovate Lagos, un incubateur TIC financ¨¦ par le gouvernement nig¨¦rian et dont l'objet ¨¦tait de pr¨¦parer les jeunes et les autres entrepreneurs ¨¤ ? stimuler la croissance et le d¨¦veloppement par le biais de l¡¯innovation ?, ne poss¨¨de m¨ºme plus le nom de domaine de son site Internet. ?
Place aux jeunes
Pour ceux qui se pr¨¦parent ¨¤ une carri¨¨re dans les TIC, l¡¯acc¨¨s ¨¤ Internet et ¨¤ l¡¯¨¦ducation est une condition pr¨¦alable fondamentale. Heureusement, dans des pays comme le Nig¨¦ria, l¡¯Internet mobile devient tout ¨¤ fait abordable.?
? R¨¦cemment, le prix des donn¨¦es au Nig¨¦ria a chut¨¦ de plus de 50 %. Pour 1,5 dollar ¨¤ peine, vous avez acc¨¨s ¨¤ Internet tous les mois ?, dit Adeloye Olanrewaju, un entrepreneur nig¨¦rian qui a cofond¨¦ SaferMom, un site Web qui offre aux femmes enceintes un acc¨¨s aux informations relatives ¨¤ la sant¨¦ et ¨¤ la grossesse par le biais d¡¯un t¨¦l¨¦phone portable. ? La p¨¦n¨¦tration d¡¯Internet va augmenter, les? gens vont surfer en plus grand nombre, et les secteurs comme le n?tre vont recevoir? plus d'attention, ? pr¨¦dit-il.?
Par ? attention ?, il entend l¡¯investissement dans les possibilit¨¦s d¡¯¨¦ducation et d¡¯emploi. ? Les jeunes Nig¨¦rians sont brillants. Nous devons leur trouver un emploi ?, estime M. Olanrewaju. ? Lagos veut ¨ºtre la Silicon Valley de l¡¯Afrique, mais beaucoup de jeunes y luttent pour acqu¨¦rir les comp¨¦tences et l¡¯exp¨¦rience n¨¦cessaires pour trouver un emploi. ??
Ce qui les en emp¨ºche en partie, dit-il, c¡¯est le profond foss¨¦ g¨¦n¨¦rationnel.?
? La technologie est encore un ph¨¦nom¨¨ne nouveau en Afrique ?, a confi¨¦ M. Olanrewaju ¨¤ Afrique Renouveau. ? Les personnes au pouvoir sont g¨¦n¨¦ralement cinquantenaires et ne sont pas accoutum¨¦es ¨¤ la technologie. ? M.Olanrewaju estime? que les gouvernements africains ont ¨¦t¨¦ lents ¨¤ int¨¦grer les r¨¦alisations technologiques prometteuses con?ues par des start-ups du secteur priv¨¦ ou des soci¨¦t¨¦s ¨¦tablies que ces start-ups savent attirer. Plus de deux ans apr¨¨s que le gouvernement k¨¦nyan a annonc¨¦ qu¡¯il exigerait que ses minibus publics, ou matatus, utilisent les services de paiement sans num¨¦raire dans un effort de r¨¦duction de la corruption entre les op¨¦rateurs et la police de la circulation, les propri¨¦taires de matatu continuent de r¨¦sister.?
Mais M. Olanrewaju n¡¯est pas surpris par la lenteur ¨¤ laquelle certains gouvernements africains s¡¯adaptent. ? L¡¯innovation n¡¯est g¨¦n¨¦ralement pas dirig¨¦e par le gouvernement mais par des gens comme vous et moi. ?
Et il est bien plac¨¦ pour le savoir. En tant que directeur de projet pour l¡¯initiative nig¨¦riane Youth LEAD, il a supervis¨¦ la formation de 400 ¨¦tudiants dans diff¨¦rents domaines de comp¨¦tences technologiques et initi¨¦ 25 d¡¯entre eux ¨¤ l¡¯entrepreneuriat social pour? les aider ¨¤ lancer leur propre entreprise. Selon lui,? le secteur priv¨¦ a jou¨¦ un r?le? essentiel dans la cr¨¦ation d¡¯opportunit¨¦s pour les jeunes dans les TIC.
Pourtant, dit-il, le secteur nig¨¦rian de la technologie n¡¯est pas la solution miracle pour les jeunes ch?meurs africains. ? Tout le monde ne va pas cr¨¦er une entreprise viable. Si vous disposez vraiment du bon r¨¦seau, si votre mentor vous a bien form¨¦ et si vous avez acc¨¨s ¨¤ des fonds, il n¡¯y a aucune raison de ne pas essayer. En revanche, si vous n¡¯avez pas vraiment? assez d¡¯exp¨¦rience dans la gestion d¡¯une soci¨¦t¨¦, pourquoi ne pas trouver un emploi, apprendre quelques r?les novateurs et vous informer sur le fonctionnement d'une entreprise avant de cr¨¦er la v?tre ? ??
Quand le secteur priv¨¦ ne suffit pas
Les gouvernements doivent en faire davantage s¡¯ils veulent d¨¦velopper une ¨¦conomie du savoir pour absorber la jeune main-d¡¯?uvre du continent. ?
? Nous avons beaucoup de talent en Afrique ?, explique Esther Muchiri, consultante k¨¦nyane et r¨¦cente vice-pr¨¦sidente du Kenya IT and Outsourcing Service (KITOS), une association professionnelle de soci¨¦t¨¦s informatiques et soci¨¦t¨¦s informatis¨¦es.?
Les progr¨¨s de l¡¯Afrique en mati¨¨re de cr¨¦ation de possibilit¨¦s d¡¯emploi pour les jeunes int¨¦ress¨¦s par la technologie sont dus surtout au? secteur priv¨¦ ¡ª des entit¨¦s comme les trois cents centres de technologies et incubateurs d¡¯entreprises africains, notamment iHub ¨¤ Nairobi, CTIC Dakar au S¨¦n¨¦gal et Bandwidth Barn au Cap,
? qui tous font na?tre de jeunes talents et des id¨¦es novatrices ?, dit Mme Muchiri.?
Et d¡¯ajouter : ? Ce qui obstrue la sc¨¨ne technologique en Afrique, c¡¯est l¡¯¨¦cart entre les innovations et les besoins du march¨¦. ? Mme Muchiri explique que trop souvent, les d¨¦veloppeurs font des suppositions quant aux d¨¦sirs ou aux besoins des consommateurs ? et se rendent compte plus tard que leur id¨¦e n¡¯est pas exactement ce que recherche le march¨¦ local.?
Les pays africains comblent cette lacune notamment gr?ce ¨¤ des partenariats avec les principaux ¨¦tablissements d¡¯enseignement mondiaux. De nombreuses universit¨¦s ¨¦trang¨¨res assurent? d¨¦j¨¤ le bon fonctionnement de? campus satellites en Afrique. Un partenariat entre le Rwanda et l¡¯Universit¨¦ Carnegie-Mellon, une ¨¦cole d¡¯ing¨¦nieur de premier plan aux ?tats-Unis, accueille des centaines de jeunes Rwandais dans des programmes menant ¨¤ des ma?trises en technologie de l¡¯information. Le gouvernement rwandais? couvre la moiti¨¦ des frais de scolarit¨¦ des ¨¦tudiants en technologie, all¨¦geant ainsi le poids financier d¡¯une formation technologique.?
Le Rwanda abrite ¨¦galement une des plus grandes universit¨¦s technologiques de l¡¯Afrique, ¨C le Coll¨¨ge des sciences et technologies de l¡¯Universit¨¦ du Rwanda, qui souhaite accueillir 9 000 ¨¦tudiants d¡¯ici ¨¤ 2020. Tant que les gouvernements africains continueront d¡¯investir dans l¡¯acc¨¨s ¨¤ Internet et ¨¤ l¡¯enseignement technologique, les possibilit¨¦s pour les jeunes Africains de trouver un emploi dans le secteur des TI du continent iront s?rement en augmentant. ? ?