Maintien de la paix : l¡¯histoire d¡¯un succ¨¨s
Get monthly
e-newsletter
Maintien de la paix : l¡¯histoire d¡¯un succ¨¨s
En janvier 2018, la pr¨¦sidente Ellen Johnson Sirleaf a pass¨¦ le flambeau ¨¤ George Weah, star du football, suite ¨¤ des ¨¦lections d¨¦mocratiques et pacifiques : c¡¯est la premi¨¨re transition d¨¦mocratique pour le Liberia en plus de sept d¨¦cennies.
Dans son discours d¡¯investiture, le pr¨¦sident Weah a exhort¨¦ ses compatriotes ¨¤ ? ne pas laisser les all¨¦geances politiques se mettre en travers de la collaboration au service de l¡¯int¨¦r¨ºt national ?. Il s¡¯est engag¨¦ ¨¤ lutter contre l¡¯in¨¦galit¨¦, car ? le manque d¡¯¨¦galit¨¦ et d¡¯unit¨¦ a men¨¦ notre pays ¨¤ la destruction ?, faisant r¨¦f¨¦rence ¨¤ la guerre civile entre 1989 et 2003, qui a eu des r¨¦percussions politiques et ¨¦conomiques d¨¦vastatrices. En 2003, la Mission des Nations Unies au Liberia (MINUL) a ¨¦t¨¦ d¨¦ploy¨¦e.
Apr¨¨s plus de 15 ans d¡¯op¨¦rations, la MINUL a pris fin. Elle a contribu¨¦ au d¨¦sarmement de plus de 100 000 combattants, ¨¤ la r¨¦cup¨¦ration d¡¯environ 21 000 armes, au retour de pr¨¨s d¡¯un million de r¨¦fugi¨¦s et de personnes d¨¦plac¨¦es et ¨¤ la tenue pacifique de trois ¨¦lections pr¨¦sidentielles et l¨¦gislatives.
Dans une d¨¦claration d¨¦but avril, le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU Ant¨®nio Guterres ? s¡¯incline devant la m¨¦moire des 202 Casques bleus qui ont perdu la vie ?.
? Cette paix va perdurer et notre d¨¦mocratie se renforce. Nous avons d¨¦sormais besoin d¡¯emplois ?, affirme Marwolo Kpadeh, pr¨¦sident du r¨¦seau des jeunes Lib¨¦riens (Liberian Youth Network).
La reprise ¨¦conomique constitue le principal d¨¦fi du Liberia : selon la Banque mondiale, ? les possibilit¨¦s limit¨¦es d¡¯emploi nuisent au bien-¨ºtre des Lib¨¦riens en zone urbaine comme en en zone rurale ?.
Si le Pr¨¦sident Weah doit faire face ¨¤ de nombreux d¨¦fis ¨¦conomiques, le retrait des Casques bleus mettra le gouvernement ¨¤ rude ¨¦preuve pour le maintien de l¡¯ordre et de la s¨¦curit¨¦.
L¡¯ONU est mont¨¦e au cr¨¦neau pour dissiper les inqui¨¦tudes, promettant de rester pr¨¦sente ? afin de garantir que la paix durement acquise soit maintenue et que le pays et sa population continuent de progresser et de prosp¨¦rer ?, a r¨¦it¨¦r¨¦ M. Guterres.
L¡¯¨¦quipe de l¡¯ONU restera sur place, y compris ses agences, fonds et programmes, dont le Programme des Nations Unies pour le d¨¦veloppement, l¡¯UNICEF et le Programme alimentaire mondial. Un ? coordinateur r¨¦sident renforc¨¦ ? dirigera l¡¯¨¦quipe et aidera le gouvernement ¨¤ accomplir les objectifs du Programme de d¨¦veloppement durable ¨¤ 2030, a d¨¦clar¨¦ fin mars Mme Amina Mohammed, Vice-Secr¨¦taire g¨¦n¨¦rale des Nations Unies, en visite au Liberia alors que le dernier contingent de Casques bleus s¡¯appr¨ºtait ¨¤ quitter le pays.
Mme Mohammed a salu¨¦ la MINUL pour avoir ¨¦t¨¦ ? au premier plan de l¡¯¨¦tablissement d¡¯une base solide pour le maintien de la paix au Liberia. ?
L¡¯engagement de l¡¯ONU ¨¤ poursuivre son action sera favorablement accueilli par les Lib¨¦riens, qui ont cohabit¨¦ avec les Casques bleus pendant plus de quatorze ans.
Historique de la mission
Le d¨¦but de la guerre civile au Liberia remonte ¨¤ 1989 lorsque Charles Taylor a entam¨¦ une campagne militaire visant ¨¤ renverser le pr¨¦sident Samuel Doe.
En 2003, avec plus de 205 000 personnes tu¨¦es, le Conseil de s¨¦curit¨¦ a autoris¨¦ la cr¨¦ation d¡¯une op¨¦ration de maintien de l¡¯ordre compos¨¦e de 15 000 militaires et plus de 1000 policiers.
Les op¨¦rations de la MINUL ont commenc¨¦ en octobre 2003, apr¨¨s que le Groupe de contr?le du cessez-le-feu de la CEDEAO (ECOMOG), arriv¨¦s au Liberia quelques mois plus t?t, a transf¨¦r¨¦ le commandement de ses 3 500 soldats aux Casques bleus. M. Guterres a affirm¨¦ que les soldats de la force africaine ECOMOG ont pr¨¦par¨¦ le terrain pour le d¨¦ploiement des Casques bleus.
L¡¯Accord de paix global, sign¨¦ par le pr¨¦sident Taylor et les chefs de factions bellig¨¦rantes ainsi que les partis politiques, le 18 ao?t 2003 ¨¤ Accra, au Ghana, a assur¨¦ la couverture politique du d¨¦ploiement de la MINUL.
Le premier commandant de la MINUL,le lieutenant-g¨¦n¨¦ral Daniel Opande, a d¨¦crit la situation au moment du d¨¦ploiement : ? Rien ne fonctionnait, le gouvernement s¡¯¨¦tait effondr¨¦, aucun dispositif de s¨¦curit¨¦ n¡¯¨¦tait en place, l¡¯ensemble du pays sombrait dans le chaos. Les gens erraient en qu¨ºte de s¨¦curit¨¦ ou de produits alimentaires. La confusion ¨¦tait g¨¦n¨¦rale. ? (Lire l¡¯interview ¨¤ la page 26).
? Le pays ¨¦tait en proie ¨¤ l¡¯incertitude et ¨¤ l¡¯ins¨¦curit¨¦ ?, a corrobor¨¦ Patrick Coker, qui a rejoint la MINUL en qualit¨¦ d¡¯agent principal de l¡¯information publique en octobre 2003. ? Il n¡¯y avait pas d¡¯¨¦lectricit¨¦, pas d¡¯eau, les combattants se baladaient avec des armes, des milliers de personnes ¨¦taient d¨¦plac¨¦es accabl¨¦s par le d¨¦sespoir, la pauvret¨¦ et l¡¯angoisse ¡ª nous ¨¦tions au bord du gouffre. ?
La MUNIL et ses partenaires, y compris le gouvernement de transition dirig¨¦ par Gyude Bryant, ont essay¨¦ d¡¯amorcer le d¨¦sarmement le 7 d¨¦cembre 2003, sans succ¨¨s. Le g¨¦n¨¦ral Opande a attribu¨¦ cet ¨¦chec ¨¤ la mauvaise pr¨¦paration de la MINUL. Un malentendu est survenu au sujet du versement de l¡¯argent aux combattants, et le processus a brusquement pris fin lorsqu¡¯ils ont commenc¨¦ ¨¤ tirer en l¡¯air.
D¨¦sarmement r¨¦ussi
Les combattants de la faction rebelle des Lib¨¦riens unis pour la reconstruction et la d¨¦mocratie (LURD) ont test¨¦ la d¨¦termination de la MUNIL le jour de No?l 2003, en emp¨ºchant les Casques bleus de se d¨¦ployer ¨¤ Tubmanburg, au nord-ouest de Monrovia. Deux jours plus tard, le g¨¦n¨¦ral Opande a renforc¨¦ son artillerie et ses troupes et les a red¨¦ploy¨¦s. Cette fois, les combattants ont capitul¨¦ en esquissant des pas de danse et en mettant feu ¨¤ leur poste de contr?le.
? Le peuple en a assez de la guerre. Nous aussi. ?, a martel¨¦ le sous-chef d¡¯¨¦tat major de la faction rebelle LURD, le ? g¨¦n¨¦ral ? Oforie Diah.
La mission tira les le?ons de cet incident et, lors de la reprise des op¨¦rations de d¨¦sarmement en avril 2014, suite ¨¤ une campagne-choc de communication visant ¨¤ sensibiliser les combattants au processus, aucun probl¨¨me majeur n¡¯est survenu.
M. Coker se souvient que ? traiter avec les ex-rebelles, qui avaient v¨¦cu dans le maquis pendant plus d¡¯une d¨¦cennie, ¨¦tait un v¨¦ritable casse-t¨ºte. ? Au moindre incident, comme le retard de paiement des compensations financi¨¨res au titre du programme de d¨¦sarmement, ils protestaient bruyamment et mena?aient de saborder le processus de paix. En de pareilles circonstances, la MINUL et ses partenaires s¡¯en remettaient g¨¦n¨¦ralement aux femmes lib¨¦riennes pour temp¨¦rer les ardeurs.
? S¡¯il m¡¯¨¦tait demand¨¦, ¨¤ moi Opande, de rendre hommage ¨¤ un groupe ayant contribu¨¦ ¨¤ la consolidation de la paix, je choisirais les femmes ?.
Apr¨¨s un processus de d¨¦sarmement, d¨¦mobilisation, r¨¦habilitation et r¨¦int¨¦gration r¨¦ussi ainsi que des ¨¦lections pacifiques, le mandat de la mission a ¨¦t¨¦ r¨¦orient¨¦ vers le r¨¦tablissement de la s¨¦curit¨¦, la mise sur pied d¡¯une nouvelle arm¨¦e et police, le d¨¦ploiement des pouvoirs publics sur le territoire, et le soutien technique et logistique ¨¤ plusieurs minist¨¨res.
Regain d¡¯optimisme
L¡¯ancienne pr¨¦sidente Ellen Johnson Sirleaf a h¨¦rit¨¦ d¡¯une ¨¦conomie d¨¦vast¨¦e par la guerre; toutefois, elle a mobilis¨¦ toutes les ressources pour impulser le d¨¦veloppement, notamment dans l¡¯¨¦nergie et les transports.
En 2010, le Liberia a b¨¦n¨¦fici¨¦ d¡¯un all¨¨gement de la dette ¨¤ hauteur de 5 milliards de dollars (USD) de la part du FMI, de la Banque mondiale, de la BAD et d¡¯autres cr¨¦anciers, soit 90 % de la dette ext¨¦rieure totale et 15 % de son PIB.
Au moment o¨´ l¡¯¨¦conomie d¨¦collait fin 2014, l¡¯¨¦pid¨¦mie Ebola a touch¨¦ le pays qui a enregistr¨¦ une croissance n¨¦gative de 1,6 % en 2016. La Banque mondiale pr¨¦voit une croissance positive modeste, mais soutenue, dans le sillage de la hausse de 2,6 % l¡¯ann¨¦e derni¨¨re.
Quatorze ann¨¦es de guerre, la mauvaise gouvernance et l¡¯¨¦pid¨¦mie ¨¤ Ebola ont compromis le d¨¦veloppement socio¨¦conomique du Liberia, mais l¡¯investiture de M. Weah ¡ª au m¨ºme titre que les 12 ans de Mme Sirleaf au pouvoir ¡ª semble susciter un regain d¡¯optimisme.
Le pr¨¦sident Weah doit s¡¯appuyer sur les succ¨¨s de Mme Sirleaf, affirme Benjamin Spatz dans le New York Times. ? Elle a fait rena?tre le ³¢¾±²ú¨¦°ù¾±²¹ de ses cendres. ? lui d¨¦sormais d¡¯impulser le d¨¦veloppement des nouvelles institutions en s¡¯attaquant ¨¤ la culture politique de coercition et de corruption ?.
? Le ³¢¾±²ú¨¦°ù¾±²¹ constitue une illustration ¨¦loquente de la concr¨¦tisation des efforts en faveur de la paix durable ?, a d¨¦clar¨¦ Mme Mohammed.
L¡¯espoir d¡¯un pays prosp¨¨re selon M. Kpadeh repose sur une paix durable. ? L¡¯absence de paix rend inutile tout effort de d¨¦veloppement ?, a-t-il soulign¨¦. ? Nous devons saluer le succ¨¨s de la MINUL. ? ? ?