Le Malien Mamadou Gouro Sidibé aurait pu poursuivre une carrière confortable au Centre national de la recherche scientifique en France. Mais en 2017, il décide de rentrer au pays pour développer Lenali, une application de réseau social qui fonctionne avec la voix.
Contrairement à Facebook, Instagram ou Viber – qui reposent sur des messages écrits –, Lenali utilise le langage parlé. Il compte déjà 60 000 utilisateurs et ce nombre ne cesse d’augmenter
Lenali offre un accès dans plusieurs langues locales comme le bambara, le soninké, le songhaï, le mooré et le wolof, mais aussi le français. L’application est donc accessible aux personnes sans éducation formelle, notamment celles des zones rurales.Ìý Tout le monde peut télécharger l’application, s’inscrire en ligne et l’utiliser.
Sur Lenali, les utilisateurs peuvent sélectionner leur langue, taper ou enregistrer leur nom, publier des messages et laisser des commentaires à voix haute, sans avoir à lire. Les messages qu’ils envoient peuvent aussi bien être des mises à jour personnelles, des photos que des nouvelles. Selon M. Sidibé, Lenali est adapté aux professionnels qui souhaitent dynamiser leurs affaires.
Un vendeur de mangues peut ainsi publier une photo, ajouter un fichier audio indiquant l’endroit où il se trouve, et dire aux personnes qui le souhaitent qu’elles peuvent obtenir des informations en envoyant leurs propres messages vocaux. « Tout peut se faire sans avoir à écrire», explique M. Sidibé, même si l’application accepte aussi les messages écrits.
Pour l’entrepreneur, l’application est une solution sur mesure à un problème local. Selon l’UNESCO, le taux d’alphabétisation au Mali est inférieur à 50%, ce qui explique peut-être pourquoi le nombre d’utilisateurs de Facebook a stagné à 9% malgré la baisse des prix de la téléphonie mobile et l’augmentation du taux d’accès à Internet.
L’objectif de M. Sidibé est, selon ses propres mots, de renforcer l’inclusion numérique, d’abord au Mali, puis dans d’autres pays d’Afrique. « Puisque les problèmes du Mali se retrouvent dans la plupart des pays d’Afrique, l’application peut fonctionner n’importe où. Nous envisageons d’ajouter d’autres langues à l’avenir », confie-t-il.
M. Sidibé, 44 ans, raconte comment il a eu l’idée de Lenali quand, au supermarché, quelqu’un est venu lui demander de l’aide pour se servir de l’application de messagerie en ligne Viber. Comme l’explique M. Sidibé à Afrique Renouveau, c’est cette rencontre qui lui a donné l’idée de créer une plate-forme destinée aux personnes qui sont dans l’incapacité d’utiliser les applications de messagerie textuelle.
Certaines organisations non gouvernementales actives au Mali, comme le Réseau national pour le développement des jeunes filles et des femmes du Mali, utilisent aussi Lenali à des fins de mobilisation sociale.
« Une part essentielle des informations que nous publions concerne la santé en matière de procréation, la violence sexiste et l’alphabétisation », déclarent Hawa Niakate et Aminata Camara, qui travaillent pour cette organisation. « Nous utilisons le réseau social Lenali pour toucher tout le monde ».
Deux utilisateurs de Lenali, Ada et Ladji, disent se servir de la plate-forme à des fins publicitaires pour vendre des services ou des produits tels que des légumes, ou encore l’utiliser pour héberger leurs CV. Le procédé est simple : elles enregistrent leurs voix dans une langue locale et publient les messages sur la plate-forme, dans l’espoir de toucher plusieurs dizaines de milliers d’utilisateurs.
Le démarrage de Lenali ne s’est pas faitÌý sans difficultés, rappelle M. Sidibé.Ìý « Lorsque j’ai créé mes deux premières entreprises en 2014, il n’y avait pas d’incubateurs au Mali. Mes projets auraient sans doute rencontré plus de succès avec l’aide d’un incubateur ». Les incubateurs sont des entreprises qui soutiennent les start-ups en mettant à leur disposition des bureaux, une formation à la gestion, un financement et d’autres aides.
C’est la persévérance qui stimule l’esprit d’entreprise de M. Sidibé. « Quand vous avez un bon projet, vous devez être motivé et vous donner les moyens de réussir », explique-t-il. Et d’exhorter tous les jeunes entrepreneurs d’Afrique à explorer à leur tour les opportunitésÌý qu’offre l’industrie numérique.