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L’industrie bovine zimbabwéenne renaît de ses cendres

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L’industrie bovine zimbabwéenne renaît de ses cendres

Après des années d’incertitude, les éleveurs sont de retour
Afrique Renouveau: 
9 Avril 2019
Cattle farmer Msinanga produces supplemental feed for his cattle in Zimbabwe.
FAO in Southern Africa
L’éleveur Msinanga produit des compléments alimentaires pour son bétail.

La célèbre industrie bovine du Zimbabwe, qui s’est effondrée dans les années 2000 à la suite de l’épidémie de fièvre aphteuse, est en train de rebondir.

Les exportations mondiales de viande de ce pays d’Afrique australe ont repris en 2017, 10 ans après s’être effondrées avec l’économie du pays. Outre la fièvre aphteuse, l’industrie bovine a été pénalisée par des sanctions économiques, contribuant à l’hyperinflation, l’accroissement de la dette extérieure et l’obsolescence des flottes de transport. La mauvaise gestion des exploitations a aggravé la situation.

Le président Emmerson Mnangagwa, entré en fonction en novembre 2017, s’évertue désormais à séduire les investisseurs afin de relancer l’actif le plus stratégique du pays.

Une injection de capitaux de 48 millions de dollars d’investisseurs privés du Rwanda, de Suisse et des Émirats arabes unis a permis de relancer l’industrie bovine, qui a également bénéficié en 2018 d’un accord de partenariat d’investissement de 130 millions de dollars entre la Cold Storage Commission, (CSC), l’entreprise publique de transformation du bœuf du Zimbabwe, et Boustead Beef, une entreprise britannique internationale.

La caisse de retraite du pays, la National Social Security Authority, s’est également engagée à investir 18 millions de dollars dans la CSC.

Le bon vieux temps

Des technologies de reproduction novatrices, y compris l’insémination artificielle, ont été utilisées avec succès sur une nouvelle race de taureaux et de génisses, ce qui a permis de dégager d’importants revenus.

Les agriculteurs rêvent encore de l’époque glorieuse des années 1990, lorsqu’ils suscitaient l’envie de tous leurs voisins d’Afrique australe. Les troupeaux du Zimbabwe dépassaient alors les 1,4 millions de têtes et dégageaient environ 50 millions de dollars par an avec les exportations vers le marché européen, en particulier le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas. Dans la plupart des régions productrices du Zimbabwe, les ventes représentaient environ 80 % des revenus.

À l’époque, la Cold Storage Commission, propriété de l’État, avait le privilège de recevoir un acompte de 15 millions de dollars avant la livraison.

Isaiah Machingura, Directeur Marketing du CSC, attribue le rebond au fait que « le Royaume-Uni a ouvert de grands marchés. Notre produit en conserve est l’un des meilleurs. Nous pouvons abattre 700 bêtes par jour. Nous désossons et emballons avant d’exporter. Le bœuf zimbabwéen figure parmi les meilleurs. Il arrive en deuxième position après le bœuf écossais », dit-il, faisant référence à une race populaire.

Autrefois le monopole d’un petit nombre d’agriculteurs blancs, l’industrie bovine en pleine expansion attire des milliers d’agriculteurs ruraux.

La nouvelle approche du CSC consiste à élargir la chaîne de valeur du bœuf avec cinq nouveaux produits : la langue de bœuf, le bifteck cuit, le bœuf en conserve, les queues (pour les brosses) et le suif (pour le savon).

Les éleveurs de bovins et les abattoirs s’adaptent en conséquence. Makera Cattle Company (MCC), boucherie bovine locale, gère des centaines de taureaux et forme actuellement 10 000 agriculteurs ruraux pour qu’ils deviennent des experts en santé animale.

« Nous avons commencé avec un troupeau de vaches Tuli, originaires du Zimbabwe et réputées pour leur fertilité », explique Max Makuvise, directeur général de la MCC. « Une vache Tuli peut vêler tous les 11 mois. La croissance et la conformation peuvent facilement s’améliorer par la sélection, mais pas la fertilité. »

M. Makuvise ajoute que la race Tuli est plus profitable que les autres : elle consomme peu, a besoin de moins d’espace, et le rapport viande/os est meilleur.

« Elles vêlent facilement et les frais vétérinaires sont minimes. L’écornage est inutile - une autre réduction des dépenses et des problèmes de manutention » affirme M. Makuvise.

Bien qu’elle soit nouvelle pour les agriculteurs zimbabwéens, la génétique stimule la croissance de l’industrie. « Pour ce qui est de l’utilisation des taureaux et de l’insémination artificielle [IA], nous avons réussi à aider les agriculteurs ruraux à améliorer la qualité de leurs troupeaux » ajoute-t-il. « L’IA consiste à résoudre les problèmes de vêlage en insérant des pailles de sperme de taureaux de qualité afin d’obtenir une progéniture avec des habitudes de pâturage saines, et qui résiste mieux aux maladies. »

La Zimbabwe Agricultural Society, chargée de promouvoir le développement agricole du pays, a annoncé en 2018 son intention d’utiliser 6 000 pailles de semence pour augmenter le nombre de troupeaux.

Problèmes persistants

Malgré la croissance de l’industrie bovine, la qualité des troupeaux est toujours préoccupante pour les experts.

M. Makuvise explique que la majorité des troupeaux du Zimbabwe se trouvent dans les communautés rurales, et non plus dans des grandes fermes commerciales, ce qui augmente la consanguinité fortement déconseillée car elle réduit le taux de croissance, la fertilité et la vigueur du troupeau.

La corruption des marchands de bœufs est un autre problème. Ils achètent des taureaux aux fermiers ruraux à des prix ridiculement bas et font d’énormes profits en vendant au CSC.

Pire encore, l’industrie du bœuf subit la sécheresse du changement climatique. « Nous prêchons la productivité. Doubler la taille du troupeau, c’est doubler la quantité d’herbe et d’eau dans les pâturages. Le changement climatique est une réalité », prévient M. Makuvise.

Pour remédier à ce problème, il recommande des mesures innovantes telles que « l’alimentation du bétail avec des résidus des récoltes d’hiver. Nous faisons actuellement des essais sur l’utilisation de tiges de maïs et d’autres herbes qui auraient été coupées pendant la saison des pluies comme complément alimentaire pour le bétail de septembre à novembre. »

Muhle Masuku, un fonctionnaire de Livestock Zone, une jeune entreprise de production bovine, recommande aux agriculteurs de continuer à nourrir leurs troupeaux avec des aliments biologiques. « Je crois que notre viande est une niche, non contaminée par des aliments inorganiques ».

Un autre défi de taille se pose lorsque du bétail zimbabwéen, parfois malade, est abattu sur ordre du ministère de l’Agriculture du Bostwana, un des principaux fournisseurs de viande bovine de l’UE très attaché au respect des normes internationales de sécurité applicables aux exportations de viande bovine.

Simangaliphi Ngwabi, spécialiste de l’élevage du gouvernement zimbabwéen, déclare : « Nous ne pouvons pas reprocher au Botswana d’abattre notre bétail. Ils ne peuvent pas risquer la contamination par la fièvre aphteuse et ruiner leur licence d’exportation de l’UE parce que nos agriculteurs laissent leur bétail passer la frontière. »

Malgré les défis, le secteur actuel du bÅ“uf est incontestablement meilleur qu’il ne l’était il y a quelques années et tout porte à croire qu’elle n’a pas d’autre choix que de continuer à croitre.Ìý Ìý Ìý