Les femmes ¨¤ la base ont con?u des outils pour les aider ¨¤ lutter pour leurs droits fonciers et ¨¤ avoir acc¨¨s ¨¤ la terre, ce qui leur a longtemps ¨¦t¨¦ refus¨¦.
Ces outils aident ¨¦galement les femmes au niveau communautaire ¨¤ cr¨¦er une solidarit¨¦ entre elles pour leur permettre de n¨¦gocier avec leurs gouvernements respectifs, de sensibiliser et d'amplifier leur voix sur les questions relatives ¨¤ la terre, telles que la d¨¦sh¨¦rence, l'accaparement des biens, l'expulsion des terres.
Lors d'une session sur l'engagement des femmes de la base dans les structures coutumi¨¨res pour une gouvernance fonci¨¨re juste et ¨¦quitable au niveau local, au cours de la quatri¨¨me Conf¨¦rence sur la politique fonci¨¨re (CLPA) ¨¤ Kigali, au Rwanda, au d¨¦but du mois, divers groupes de femmes ont pr¨¦sent¨¦ les outils qu'ils utilisent pour acc¨¦der ¨¤ la terre et sensibiliser aux droits fonciers. Ces groupes font partie de la Commission internationale Huairou, un r¨¦seau international dirig¨¦ par des femmes qui renforce les capacit¨¦s des organisations de femmes ¨¤ la base.
De leurs pr¨¦sentations, il est ressorti clairement que des solutions locales ¨¤ des questions sensibles telles que les droits fonciers peuvent ¨ºtre trouv¨¦es si les autorit¨¦s locales, les femmes, le gouvernement et les organisations non gouvernementales se donnent la main.?
Par exemple, Mme Violet Shivutse, leader de Shibuye Community Grassroots, a d¨¦clar¨¦ que les groupes de femmes dans les zones rurales de l'ouest du Kenya se sont organis¨¦s en groupes appel¨¦s Collective Women Farmers, qu'ils utilisent comme un outil pour lutter pour l'acc¨¨s ¨¤ la terre pour la production alimentaire.
"Lorsque les femmes travaillent ¨¤ titre individuel, il devient tr¨¨s difficile d'acc¨¦der aux agents de vulgarisation agricole en raison de la p¨¦nurie de ces agents. C'est un d¨¦fi dans les pays d'Afrique de l'Est. Toutefois, dans le cadre du groupe collectif, les agricultrices sont en mesure d'identifier un centre de d¨¦monstration et d'obtenir qu'un agent de vulgarisation agricole s'occupe d'elles r¨¦guli¨¨rement", a d¨¦clar¨¦ Mme Shivutse.
"Le groupe de femmes et l'agent agricole ¨¦laborent ensuite un plan de travail et utilisent une partie de leurs terres comme centre de formation et de d¨¦monstration o¨´ d'autres agricultrices viennent voir et apprendre, puis reproduire les m¨ºmes pratiques", a-t-elle ajout¨¦.
Un autre outil utilis¨¦ par les femmes est la cartographie pour s¨¦curiser et acc¨¦der aux terres. La cartographie est utilis¨¦e pour r¨¦soudre les probl¨¨mes li¨¦s au changement climatique, aux expulsions et aux probl¨¨mes de succession.
Pour utiliser la cartographie comme outil, Mme Shivutse explique que les femmes doivent d'abord constituer une ¨¦quipe de base compos¨¦e de leaders et d'un porte-parole pour diriger le processus, puis impliquer les autres membres pour s'assurer que la communaut¨¦ se rallie ¨¤ elles. Elles identifient ensuite ce qu'elles veulent cartographier. Elles utilisent des dessins, des vid¨¦os, des photos et des t¨¦moignages personnels, ¨¤ travers lesquels elles identifient les d¨¦fis tels que l'expulsion des terres et la d¨¦sh¨¦rence.
Dans le processus, ils documentent d'autres probl¨¨mes indirectement li¨¦s ¨¤ la propri¨¦t¨¦ et ¨¤ l'acc¨¨s ¨¤ la terre, comme le nombre d'enfants non scolaris¨¦s en raison de l'expulsion ou l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire.
"Nous faisons cela pour qu'il ne s'agisse pas de politiser les questions de la terre et des femmes. Parce que la terre est une question de pouvoir, les gens pensent que les femmes ne cherchent que la richesse", a-t-elle d¨¦clar¨¦.
"Le processus de cartographie r¨¦v¨¨le d'autres probl¨¨mes qui nuisent au d¨¦veloppement. Lorsque vous reliez les questions fonci¨¨res ¨¤ l'¨¦ducation, ¨¤ laquelle tout le monde accorde de l'importance dans la communaut¨¦, la solidarit¨¦ se manifeste m¨ºme de la part des chefs de la communaut¨¦. Lorsque vous le reliez ¨¤ la s¨¦curit¨¦ alimentaire, tout le monde se rallie ¨¤ la question pour faire en sorte que la faim n'existe pas."
Mme Shivutse a fait remarquer que la cartographie est devenue la base de r¨¦f¨¦rence de la mani¨¨re dont les femmes de la base peuvent engager l'ensemble de la communaut¨¦ sur les questions li¨¦es ¨¤ la terre.
Le lobbying et le dialogue communautaire, a-t-elle dit, vont de pair avec la cartographie. ? partir des r¨¦sultats des outils de cartographie, les femmes sont en mesure d'engager les dirigeants de la communaut¨¦ dans des plans d'action qui incluent la relocalisation des personnes expuls¨¦es, la mani¨¨re de communiquer l'expulsion, la mani¨¨re de s'assurer que la s¨¦curit¨¦ et l'intimit¨¦ des femmes et de leurs enfants sont prises en compte pendant l'expulsion, ou la r¨¦mun¨¦ration.
Les rapports de cartographie permettent ¨¦galement d'influencer les discussions politiques et de fixer des priorit¨¦s concernant les femmes et les questions fonci¨¨res.
Selon Mme Shivutse, l'utilisation du mod¨¨le de domaine foncier social comme outil mis en ?uvre dans des pays tels que la Zambie et l'Ouganda commence par la cartographie. Les femmes font ensuite participer tous les autres membres de la communaut¨¦, y compris les jeunes, au syst¨¨me traditionnel de gestion des terres, y compris lorsqu'il n'existe pas de titres fonciers. Cela a conduit ¨¤ l'¨¦tablissement de titres de propri¨¦t¨¦ conjoints, o¨´ les maris, les femmes et leurs enfants sont reconnus comme ayant un int¨¦r¨ºt dans la terre familiale. C'est important car lorsqu'une personne d¨¦c¨¨de, son conjoint reste en s¨¦curit¨¦ sur ses terres.
Les groupes de femmes ont ¨¦galement adopt¨¦ la location de terres, par un individu ou un groupe. Gr?ce ¨¤ la location collective, les membres obtiennent une superficie suffisante pour cr¨¦er des parcelles de d¨¦monstration sur lesquelles ils peuvent pratiquer l'agriculture de conservation.?
Cependant, le probl¨¨me est que les questions de location de terres n'ont pas ¨¦t¨¦ rationalis¨¦es dans certains pays africains. Pour relever ce d¨¦fi, le groupe de femmes de Shibuye a r¨¦dig¨¦ en 2017 des lignes directrices sur la location de terres afin de garantir l'acc¨¨s des femmes ¨¤ la terre, et a formul¨¦ les principaux probl¨¨mes qu'elles ont rencontr¨¦s lors de la location de terres, qui ont servi de termes de r¨¦f¨¦rence pour les lignes directrices.
En outre, elles ont d¨¦sign¨¦ des repr¨¦sentants de la communaut¨¦ pour r¨¦diger les lignes directrices. Cela a conduit ¨¤ l'adoption de directives sur la location de terres.
Madagascar
Lilia Ravoniarisoa, dirigeante de la F¨¦d¨¦ration des agricultrices de Madagascar, a d¨¦clar¨¦ que dans son pays, jusqu'¨¤ un tiers de la population rurale n'a pas de terre, car la plupart des terres appartiennent au gouvernement ou ¨¤ la communaut¨¦. En outre, jusqu'¨¤ 70 % des t?ches familiales sont effectu¨¦es par les femmes, mais celles-ci n'h¨¦ritent pas de la terre en raison des coutumes locales et des niveaux ¨¦lev¨¦s d'analphab¨¦tisme qui entravent leur acc¨¨s ¨¤ la terre.
Mme Ravoniarisoa groupes de femmes ont cartographi¨¦ les terres dans chaque r¨¦gion du pays - y compris les terres communautaires qu'elles prot¨¨gent en replantant des arbres de mangrove.
Elles vendent ensuite les produits d¨¦riv¨¦s de la mangrove pour se procurer un revenu. Le bois est utilis¨¦ pour la construction de maisons c?ti¨¨res, tandis que les racines et les feuilles sont utilis¨¦es ¨¤ des fins m¨¦dicinales.
"Plus de 90 hectares ont ¨¦t¨¦ obtenus des autorit¨¦s locales et nous avons demand¨¦ 300 hectares pour replanter les arbres. L'objectif est de r¨¦duire la vuln¨¦rabilit¨¦ des femmes en augmentant leurs revenus et leur s¨¦curit¨¦ alimentaire", a d¨¦clar¨¦ Mme Ravoniarisoa.
"Les groupes de femmes utilisent les terres communautaires lou¨¦es aux autorit¨¦s pour faire face ¨¤ l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire et au manque de ressources gr?ce ¨¤ l'agriculture. Les baux sont ¨¤ long terme mais sont renouvel¨¦s chaque ann¨¦e. Cela a permis d'augmenter les revenus des femmes ainsi que leur pouvoir de d¨¦cision au sein de leur foyer", a d¨¦clar¨¦ Mme Ravoniarisoa.
Mme Ravoniarisoa note que les femmes pr¨¦voient de former des coop¨¦ratives au niveau de la base pour leur permettre d'avoir plus de pouvoir dans les discussions sur les questions fonci¨¨res. Pour ce faire, elles mettent en commun leurs ressources, ce qui leur permet de n¨¦gocier d'une seule voix la propri¨¦t¨¦ et l'utilisation des terres.
Dans la r¨¦gion du Sud-Ouest, le groupe a convaincu les autorit¨¦s locales de leur donner gratuitement une partie des terres communautaires pour la reforestation.
Dans d'autres r¨¦gions, ils disposent de terres o¨´ les femmes plantent des algues et pratiquent l'¨¦levage de poissons et de crabes.
"Nous avons acc¨¨s au march¨¦ parce que nous produisons des produits biologiques", a-t-elle d¨¦clar¨¦, ajoutant que gr?ce aux dialogues, les femmes sont responsabilis¨¦es et sont plus conscientes de leurs droits fonciers.