Les 22 et 23 avril derniers, le président des États-Unis, Joe Biden, a accueilli le sommet des leaders sur le climat. Selon la Maison Blanche, le sommet visait à "galvaniser les efforts des principales économies pour faire face à la crise climatique." Les dirigeants de 40 pays, dont cinq d'Afrique, ont participé à cet événement virtuel.
Cet événement a constitué une étape importante, avant la Conférence des Parties (COP26) de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui se tiendra à Glasgow en novembre prochain.Ìý
Les cinq dirigeants africains qui ont participé au Sommet des dirigeants ont souligné le rôle indispensable que le continent doit jouer dans les efforts mondiaux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et à limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius. Il s'agit du président Félix Tshisekedi de la République démocratique du Congo, d'Ali Bongo Ondimba du Gabon, d'Uhuru Kenyatta du Kenya, de Muhammadu Buhari du Nigeria et de Cyril Ramaphosa d'Afrique du Sud.
Lors de la COP26, le groupe des négociateurs africains se fera l'écho des dirigeants africains. Nous parlerons d'une seule voix forte, claire et unique à Glasgow. Nous affirmerons que la COP26 ne sera un succès que si l'Afrique est au cœur des négociations. En effet, dans le cadre de la CCNUCC, placer l'Afrique au cœur de l'agenda climatique mondial est une obligation contraignante.
La situation de l'Afrique mérite une attention particulière : le continent ne contribue qu'à hauteur de 4 % au total des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), soit le pourcentage le plus faible de toutes les régions, et pourtant son développement socio-économique est menacé par la crise climatique. En d'autres termes, l'Afrique est le continent qui produit le moins d'émissions, mais qui subit le plus gros des conséquences.
Par exemple, outre les effets de la crise climatique tels que l'insécurité alimentaire, les déplacements de population et la pénurie d'eau, plus de la moitié des pays africains sont susceptibles de connaître des conflits liés au climat.Ìý
Les chefs d'État africains qui ont participé au Sommet des leaders sur le climat, organisé par le président américain Joe Biden les 22 et 23 avril 2021
- Président Félix Tshisekedi, République démocratique du Congo
- Président Ali Bongo Ondimba, Gabon Ìý
- Président Uhuru Kenyatta, Kenya Ìý
- Président Muhammadu Buhari, NigeriaÌý
- Président Cyril Ramaphosa, Afrique du SudÌý
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Selon le Programme des Nations Unies pour l'environnement, les coûts annuels d'adaptation dans les pays en développement, actuellement estimés à 70 milliards de dollars, passeront à 300 milliards de dollars d'ici 2030 et à 500 milliards de dollars d'ici 2050.Ìý
Dans le même temps, les gouvernements africains consacrent actuellement entre 2 et 9 % de leur PIB au financement des programmes d'adaptation.
Des besoins uniques
Lors de la COP26 à Glasgow, les pays lanceront un objectif d'adaptation et adopteront une stratégie pour atteindre cet objectif. Glasgow offre donc l'occasion de reconnaître et de prendre en compte les besoins et les circonstances uniques de l'Afrique. Il existe plusieurs façons d'y parvenir, notamment les suivantes :
Tout d'abord, les pays développés doivent éviter de transférer leurs responsabilités climatiques, notamment en ce qui concerne leurs émissions cumulées de GES, aux pays en développement. En outre, les économies développées doivent montrer la voie en fixant des objectifs clairs pour atteindre des émissions nettes nulles d'ici 2050.Ìý
Deuxièmement, sur la base des engagements et obligations découlant de l'article 4 de la CCNUCC, les pays développés doivent mobiliser et fournir des ressources financières adéquates pour le climat et transférer des technologies respectueuses de l'environnement aux pays africains.Ìý
Troisièmement, la crise du COVID-19 ne doit pas faire dérailler l'agenda du financement climatique. Une réponse multilatérale plus progressive et à grande échelle est nécessaire pour faire face à la crise climatique, et le financement en est le cœur. Lors de la COP26, les pays doivent convenir d'une architecture financière, notamment d'un accord sur la poursuite du financement climatique à long terme (LTF) dans le cadre de la CCNUCC. Cela devrait s'ajouter au lancement d'un nouvel objectif de financement dans le cadre de l'accord de Paris sur le climat.
Quatrièmement, les pays développés doivent s'engager à combler leur déficit de financement climatique d'avant 2020, soit 100 milliards de dollars. Ces 100 milliards de dollars par an doivent être le plancher, et non le plafond, et des efforts continus doivent être déployés pour déterminer et satisfaire les besoins et les priorités des pays en développement.
Réunis au Royaume-Uni en juin, les pays du G7 ont renouvelé à juste titre l'engagement qu'ils avaient pris en 2009 de verser 100 milliards de dollars par an pour aider les pays pauvres à réduire leurs émissions. Depuis 2009, cependant, les recherches scientifiques montrent qu'il faut faire davantage en matière d'atténuation et d'adaptation.
Cinquièmement, lors de la COP26, les négociateurs doivent reconnaître que les parties conditionnelles des contributions déterminées au niveau national (CDN) représentent les contributions les plus ambitieuses à l'Accord de Paris sur le changement climatique, et qu'elles nécessitent des ressources de financement climatique qui devraient être accessibles par des canaux bilatéraux et multilatéraux.Ìý
Enfin, l'Afrique a besoin d'un soutien supplémentaire pour ses initiatives, notamment l'Initiative africaine pour les énergies renouvelables (AREI) et l'Initiative africaine d'adaptation (AAI). Le continent a besoin de subventions, et pas seulement de prêts qui aggravent le fardeau de sa dette. L'augmentation de la dette et la pandémie de COVID-19 ont affaibli la capacité des pays pauvres à faire face à la crise climatique.
Nos priorités
En somme, les priorités de l'Afrique pour la COP26 comprennent l'adaptation, le financement climatique, un mécanisme de marché (article 6), des CDN ambitieux, un mécanisme de transparence, le respect des engagements d'atténuation avant 2020 et la reconnaissance des besoins et des circonstances uniques de l'Afrique.Ìý
Les mécanismes de marché prévus par l'Accord de Paris devraient permettre de relever le niveau d'ambition des mesures d'atténuation, de soutenir le développement durable et vert des pays africains et de financer l'adaptation.Ìý
Malheureusement, le mécanisme de transparence de l'Accord de Paris est resté sans résultat lors de la COP25. Il doit progresser lors de la COP26.Ìý
Le mécanisme de transparence doit rendre compte des progrès et des réalisations, tant en matière d'action que de soutien ; il doit être un outil permettant de renforcer l'action et l'ambition en matière de climat, tout en aidant les pays en développement à mettre en place et à maintenir des systèmes nationaux de transparence afin de satisfaire aux exigences de notification énoncées dans l'accord de Paris.
Il est essentiel d'accroître le soutien international aux programmes et initiatives d'adaptation et d'atténuation de l'Afrique. Les réductions actuelles de l'aide publique au développement par les pays développés affaibliront la capacité des pays pauvres à lutter contre la crise climatique.
Nous sommes proches d'une urgence climatique ; par conséquent, la même attention et les mêmes ressources consacrées à la COVID-19 devraient être déployées pour faire face à la menace du changement climatique. Tout comme la pandémie de COVID-19, le changement climatique n'a pas de frontière. Pour l'Afrique, la pandémie présente une opportunité unique de relance verte.Ìý
Le groupe africain a profité des sessions virtuelles des organes subsidiaires des Nations unies sur le changement climatique, qui se sont déroulées du 31 mai au 17 juin 2021, pour mettre en synergie ses positions sur toute une série de questions. Des SB supplémentaires dans ou avant Glasgow pourraient être nécessaires pour permettre de prioriser les points de l'ordre du jour sur l'adaptation, le transfert de technologie, entre autres.
Ce sera au tour de l'Afrique d'accueillir la COP27. Elle aura lieu en novembre 2022 en Égypte. Le succès de la COP26 donnera à l'Afrique l'impulsion nécessaire à la préparation de la COP suivante.Ìý
L'Afrique est désireuse de s'associer aux pays développés pour garantir un résultat ambitieux à la COP26. Nous ne pouvons pas nous permettre d'échouer.
M. Gahouma-Bekale est le président du groupe africain de négociateurs sur le changement climatique dans le cadre de la CCNUCC.