Karim Demb茅l茅, chauffeur de poids lourds, 茅merge de dessous son camion o霉 il faisait la sieste. A Lom茅, la capitale togolaise, il attendait de passer la fronti猫re avec le Ghana voisin avant de parcourir les 720 kms qui le s茅paraient de sa destination finale听: Abidjan, en C么te d'Ivoire.
Comme la plupart des chauffeurs qui avaient gar茅 des deux c么t茅s de la route principale du quartier de Kodjoviakope, sa cargaison 茅tait vide. Il venait de livrer des rouleaux de papier kraft (utilis茅s pour fabriquer des emballages de ciment) 脿 une usine situ茅e dans une zone industrielle 脿 10 km de Lom茅.
"Cela fait maintenant deux jours que j'attends, mais cela peut prendre des semaines avant que mon patron ne me dise qu'il est temps de reprendre la route", explique M. Demb茅l茅 脿 Afrique Renouveau.
En cette journ茅e chaude et humide d鈥檜n mois de mai, 脿 peine temp茅r茅e par la brise de l'oc茅an Atlantique, le trafic routier local 茅tait inhabituellement l茅ger et les environs tr猫s calmes.听
Les vendeurs 脿 la sauvette 茅taient presque absents et les bars qui pars猫ment la plage vides. En raison des restrictions impos茅es par le COVID-19 脿 l'茅poque, pi茅tons et autres v茅hicules n'茅taient plus autoris茅s 脿 traverser, d'o霉 l'accalmie inhabituelle dans les environs.
Tout comme celui de M. Demb茅l茅, la plupart des camions sont vides et 脿 l'arr锚t depuis des jours. Seuls quelques-uns sont charg茅s de marchandises. Certains s鈥檈n allaient vers le port de Tema, d'autres vers Accra puis Abidjan pour livrer ou r茅cup茅rer des marchandises.
Un nombre, sans cesse grandissant, de camions sillonnent le continent mais bon nombre une fois leurs marchandises livr茅es repartent 脿 vide.
Le fait que bon nombre de ces camions soient stationn茅s ici 脿 vide et que les chauffeurs n'aient aucune information ni aucun contr么le sur les mouvements de leur prochaine cargaison montre les d茅fis logistiques auxquels les entreprises de transport routier sont confront茅es dans de nombreux pays du continent.
Un r茅seau mieux coordonn茅 pourrait permettre d'accro卯tre l'efficacit茅, d'acc茅l茅rer le temps de transit et de r茅duire le co没t des marchandises.
Sur tout le continent, des start-ups comme Lori Systems, bas茅e au Kenya, Kobo360 au Nig茅ria, et d'autres, interviennent pour combler ce manque, avec le soutien d'investisseurs internationaux.
Lanc茅e en 2018 au Nig茅ria, Kobo360, se pr茅sente comme une entreprise technologique visant 脿 atteindre l'efficacit茅 - une "entreprise qui agr猫ge les op茅rations de transport de bout en bout pour aider les propri茅taires de cargaisons, les propri茅taires de camions, les conducteurs et les destinataires de cargaisons 脿 atteindre un cadre de cha卯ne d'approvisionnement efficace", selon son site web.
Selon son cofondateur, Obi Ozor, tout a commenc茅 lorsque, 茅tudiant aux 脡tats-Unis, il s'est rendu compte de la lenteur du transit terrestre des marchandises dans son pays, le Nigeria, qui ajoutait un co没t consid茅rable 脿 l'importation de couches, rendant cet article de base inabordable pour beaucoup.
Selon un rapport conjoint de Google et de la Soci茅t茅 financi猫re internationale (SFI),听e-Conomy Africa 2020,publi茅 en novembre dernier, les inefficacit茅s logistiques augmentent de 40 脿 60 % le co没t des marchandises sur le continent.
En Afrique de l'Est, les objectifs de Lori Systems, bas茅 au Kenya, ne sont pas diff茅rents. Fond茅e en 2016 avant de devenir op茅rationnelle en 2019, l'entreprise vise 脿 "connecter de mani猫re transparente les propri茅taires de cargaisons au transport" afin de "r茅duire le co没t des marchandises en Afrique".
"Tant que nous faisons circuler les camions et qu'ils ne parcourent pas de kilom猫tres 脿 vide, ce qui est co没teux, nous pensons que les prix continueront 脿 baisser", a d茅clar茅 Jean-Claude Homawoo, cofondateur de Lori Systems, 脿 CNN Business en d茅cembre dernier.
"Nous g茅rons un r茅seau de dizaines de milliers de camions, expliquait-il, et nous sommes en mesure de les rendre disponibles selon les besoins."
Un camion qui tombe soudainement en panne "n'est pas un probl猫me", pas plus que certaines marchandises qui ne sont pas pr锚tes. Un autre camion peut 锚tre facilement envoy茅 en cas de panne ou r茅achemin茅 lorsque la cargaison n'est pas pr锚te, explique M. Homawoo.
La soci茅t茅 op猫re principalement en Afrique de l'Est, tandis que le r茅seau principal de Kobo360 se trouve en Afrique de l'Ouest.
贰蹿蹿颈肠补肠颈迟茅
Alors que le march茅 de la logistique et de l'entreposage sur le continent devrait atteindre 80 milliards de dollars am茅ricains au cours des deux prochaines ann茅es, ces entreprises bouleversent les anciens mod猫les commerciaux du transport routier en utilisant essentiellement des outils num茅riques pour faire correspondre les besoins avec les disponibilit茅s, et la demande avec les offres de la meilleure fa莽on possible.
Ces entreprises s'inspirent d'une approche semblable 脿 celle d'Uber, o霉 les camionneurs et les conducteurs inscrits sont connect茅s en permanence et mis en relation avec la demande.
En 2019, Kobo360 a 茅t茅 nomm茅 "Disrupteur de l'ann茅e" par l'Africa CEO forum, en reconnaissance de son impact imm茅diat sur le transport longue distance en Afrique de l'Ouest.
Pourtant, aussi disruptif que soit ce mod猫le, les entreprises logistiques innovantes n'ont fait que commencer 脿 gratter la surface. Elles doivent se d茅velopper et rester viables 脿 long terme. Pour ce faire, elles ont besoin d'un apport massif de liquidit茅s. Les investisseurs internationaux sont 脿 leurs portes.
Collectivement, Lori Systems, Sendy, 茅galement kenyan, et Kobo360 ont lev茅 au moins 65 millions de dollars aupr猫s de la SFI et d'autres investisseurs, au cours des deux derni猫res ann茅es environ.
Les start-ups de logistique 茅lectronique sont essentielles 脿 la croissance de l'茅conomie Internet en Afrique, qui pourrait repr茅senter 180 milliards de dollars suppl茅mentaires entre 2023 et 2025, selon le rapport Google-IFC. Cependant, note le rapport, il manque 67 脿 107 milliards de dollars par an pour investir dans les infrastructures.
D'o霉 l'int茅r锚t des investisseurs internationaux et les promesses d'op茅rations 脿 plus grande 茅chelle. Au total, ces entreprises op猫rent dans moins d'un tiers des pays africains.听听Et tous les camionneurs ne sont pas au courant de leurs offres.
M. Demb茅l茅, le camionneur malien, ne semble pas tr猫s au fait des nouvelles m茅thodes de camionnage. Alors qu'il esp茅rait transporter d'autres marchandises sur son chemin pour aller chercher un nouveau chargement de rouleaux de papier de ciment pour le Togo, il comptait sur le bouche-脿-oreille des autres camionneurs le long de sa route pour trouver des opportunit茅s.
En souscrivant aux services de l'une de ces jeunes entreprises, il pourrait simplifier son transport. Pourtant, m锚me s'il le souhaitait, il ne sait pas comment cela pourrait lui 锚tre b茅n茅fique personnellement.
"Je ne suis qu'un chauffeur. Je vais g茅n茅ralement l脿 o霉 le propri茅taire me dit d'aller. C'est lui qui sait o霉 se trouve la cargaison et qui me demande de la prendre ou de la livrer. "
Reste que le march茅 reste largement inexploit茅 et les promesses d'augmentation des 茅changes commerciaux dans le cadre de la Zone de libre-茅change continentale africaine (ZLECAf) pourraient bien 锚tre l'impulsion dont le secteur a besoin pour se d茅velopper.
