La guerre en Ukraine aggrave une « triple crise alimentaire, énergétique et financière » à travers l'Afrique, selon le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres.
S'exprimant à Dakar, la capitale du Sénégal, en Afrique de l'Ouest, lors de sa première visite sur le continent depuis le début de la pandémie de Covid-19, M. Guterres a déclaré que « quand on évoque la situation socio-économique, il est impossible de ne pas aborder la guerre en Ukraine et son impact sur l'Afrique ».
Le chef de l'ONU a fait ces remarques après avoir rencontré le Président du pays, Macky Sall, qui a déclaré que la guerre en Ukraine était « une tragédie humaine » qui peut avoir « un impact dramatique sur les économies, en particulier celles des pays en développement ».
Le conflit en Ukraine fait grimper les prix mondiaux des denrées alimentaires et du carburant. Des hauts responsables de l'ONU craignent que la hausse des coûts ne pousse davantage de personnes au bord de la famine et ne conduise à une instabilité politique et à des troubles sociaux dans certaines régions d'Afrique, où les prix des denrées alimentaires ont augmenté d'un tiers depuis l'année dernière.
Avant le début de la guerre en février de cette année, la combinaison du changement climatique, des conflits et de la pandémie de Covid-19 avait déjà un impact sur la situation socio-économique en Afrique, en particulier dans la région du Sahel qui comprend le Sénégal.
Équité et souveraineté en matière de vaccins
Auparavant, M. Guterres et le Président Sall avaient visité un nouveau site de production de vaccins de haute technologie actuellement en construction par l'Institut Pasteur de Dakar. Une fois terminé, il sera en mesure de produire une gamme de vaccins, dont Pfizer-BioNTech, l'un des vaccins les plus largement utilisés contre la Covid-19. Il pourra également fabriquer des vaccins expérimentaux contre le paludisme et la tuberculose.
S'exprimant à la fin de la Semaine mondiale de la vaccination, M. Guterres a déclaré qu'il était nécessaire de « construire une véritable équité en matière de vaccins à travers le monde » et qu'il était « inacceptable » que près de 80% des Africains ne soient pas vaccinés contre la Covid-19, une situation qu'il a qualifiée d'« échec moral ».
Le Président Macky Sall a appelé à la souveraineté pharmaceutique en soutenant l'émergence d'une industrie pharmaceutique africaine capable de répondre aux besoins fondamentaux et de faire face aux pandémies.
Dans le cadre du plan de relance Covid-19, le Sénégal renforce son secteur pharmaceutique. Le site de production de vaccins devrait produire au moins 50% des besoins en vaccins du pays.
M. Guterres a ajouté que « les pays et les sociétés pharmaceutiques les plus riches du monde devraient accélérer le don de vaccins et investir dans la production locale », du type observé à l'Institut Pasteur.
Réponse à la crise mondiale
L'augmentation des investissements fait partie d'une stratégie mondiale visant à soutenir les pays en développement confrontés à ce que l'ONU a appelé des «Ìýcrises en cascadeÌý». En mars 2022, le chef de l'ONU a créé le Groupe de réponse aux crises mondiales sur l'alimentation, l'énergie et la finance (GCRG) mis en place en réponse à la crise provoquée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Selon lui, l'invasion a produit des effets alarmants sur une économie mondiale déjà meurtrie par la Covid-19 et le changement climatique.
Le Président Macky Sall est l'un des six éminents dirigeants mondiaux qui ont été nommés Champions du groupe et qui soutiennent l'appel du Secrétaire général à une action immédiate pour prévenir, atténuer et répondre à la crise. Il est également Président de l'Union africaine pour 2022.
Le GCRG appelle les pays à trouver des moyens créatifs pour financer l'augmentation des besoins humanitaires et de développement dans le monde et à donner généreusement et immédiatement les fonds qu'ils ont déjà promis.
Alimentation, énergie et finance
S'adressant aux médias à Dakar, M. Guterres a déclaré qu’il fallait « garantir un flux régulier de denrées alimentaires et d'énergie sur des marchés ouverts, en levant toutes les restrictions inutiles à l'exportation ». « Les pays doivent résister à la tentation d’accumulation et au contraire libérer les stocks stratégiques et les réserves supplémentaires pour les pays qui en ont besoin », a-t-il ajouté.
L'ONU estime qu'un quart de milliard de personnes pourraient être plongées dans l'extrême pauvreté cette année, à cause des conséquences du conflit en Ukraine. Les institutions financières internationales ont un rôle clé à jouer et « doivent de toute urgence fournir un allégement de la dette en augmentant les liquidités et l'espace budgétaire », a déclaré le chef de l'ONU, « afin que les gouvernements puissent éviter le défaut de paiement et investir dans les filets de sécurité sociale et le développement durable pour leur peuple ».Ìý