Alors que l'Afrique ne s'est pas encore totalement remise des répercussions socio-économiques de la pandémie de COVID-19, le conflit entre la Russie et l'Ukraine représente une autre menace majeure pour l'économie mondiale et de nombreux pays africains sont directement touchés.
En l'espace de quelques semaines, les prix mondiaux du blé, du tournesol et du pétrole brut ont grimpé à des niveaux sans précédent. L'Afrique dépend fortement des importations alimentaires des deux pays, et le continent subit déjà des chocs de prix et des perturbations dans la chaîne d'approvisionnement de ces produits de base.Ìý
Le conflit aura probablement un impact sur la sécurité alimentaire en Afrique. Tant par la disponibilité et les prix de certaines cultures vivrières, notamment le blé et le tournesol, que par la reprise et la croissance socio-économiques, déclenchées par les incertitudes croissantes sur les marchés financiers mondiaux et les systèmes de chaîne d'approvisionnement.
Au cours de la dernière décennie, le continent a connu une demande croissante de cultures céréalières, notamment de blé et de tournesol, qui a été principalement soutenue par les importations plutôt que par la production locale. Les importations de blé de l'Afrique ont augmenté de 68 % entre 2007 et 2019, pour atteindre 47 millions de tonnes.Ìý
La Russie et l'Ukraine, toutes deux souvent désignées comme le grenier à blé du monde, sont des acteurs majeurs de l'exportation de blé et de tournesol vers l'Afrique. L'Afrique du Nord (Algérie, Égypte, Libye, Maroc et Tunisie), le Nigéria en Afrique de l'Ouest, l'Éthiopie et le Soudan en Afrique de l'Est, et l'Afrique du Sud représentent 80 % des importations de blé. La consommation de blé en Afrique devrait atteindre 76,5 millions de tonnes d'ici 2025, dont 48,3 millions de tonnes, soit 63,4 pour cent, devraient être importées en dehors du continent.Ìý
Les sanctions imposées à la Russie par les pays occidentaux vont encore exacerber les flux commerciaux entre la Russie et l'Afrique en raison de la fermeture d'opérations portuaires vitales en mer Noire. La Russie est l'un des plus grands exportateurs d'engrais au monde.Ìý
On craint de plus en plus qu'une pénurie mondiale d'engrais n'entraîne une hausse des prix des denrées alimentaires, avec des répercussions sur la production agricole et la sécurité alimentaire.Ìý
La Russie est également le troisième plus grand producteur de pétrole au monde, derrière les États-Unis et l'Arabie Saoudite. La perturbation des prix du pétrole sur le marché mondial devrait entraîner une hausse des prix des carburants et des coûts de la production alimentaire.
Certaines régions, notamment la Corne de l'Afrique et le Sahel, sont plus exposées à l'insécurité alimentaire en raison de chocs propres à chaque pays, du changement climatique, des restrictions à l'exportation et de la constitution de stocks, surtout si la hausse des coûts des engrais et d'autres intrants à forte intensité énergétique aura un impact négatif sur la prochaine saison agricole en raison du conflit en cours. Ìý
Une chance de réduire la dépendanceÌý
Bien que les ramifications socio-économiques soient déjà considérables et que la situation reste très imprévisible, l'Afrique doit également considérer la crise géopolitique actuelle comme une opportunité de réduire sa dépendance aux importations alimentaires en provenance de l'extérieur du Continent.Ìý
Les pays africains doivent profiter de leur part de 60 pour cent de terres arables dans le monde pour cultiver davantage de nourriture pour la consommation intérieure et l'exportation vers le marché mondial. Cela permettrait de réduire le nombre de personnes confrontées à l'insécurité alimentaire et nutritionnelle causée par des chocs externes.
Mme Josefa Sacko est la commissaire de la CUA pour l'agriculture, le développement rural, l'économie bleue et l'environnement durable (ARBE), tandis que Dr Ibrahim Mayaki est le directeur général de l'AUDA-NEPAD.