L’Afrique et le “commerce des êtres humains”
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L’Afrique et le “commerce des êtres humains”
Lorsque Isoke Aikpitanyi, âgée de 20 ans, s’est vu offrir en 2000 un emploi en Italie, elle a sauté sur l’occasion. La vie chez elle, au Nigéria, était pénible et les perspectives de travail pour les jeunes femmes rares. Elle savait qu’il lui faudrait entrer illégalement dans le pays et accomplir un travail mal rémunéré et subalterne. Mais cela valait mieux que de rester chez soi et la personne qui lui avait proposé du travail s’engageait à organiser son voyage et à en assumer les frais qu’Isoke rembourserait de ses gains.
Ce n’est qu’après son arrivée en Italie que les choses ont mal tourné, a-t-elle raconté en 2008 à la station de télévision Al-Jazeerah. A peine débarquée, on lui a fait savoir que “les étrangers démunis d’un titre de séjour n’avaient d’autre choix que de faire le trottoir.”
Le refus de travailler ou le fait de ne pas rapporter assez d’argent étaient sanctionnés par des sévices corporels, a-t-elle précisé, soulignant qu’elle était restée trois jours dans le coma après avoir été passée à tabac. Les femmes qui tentaient de s’échapper étaient souvent tuées pour servir d’exemple aux autres. “J’ai été une esclave sexuelle. On m’a trompée en me faisant venir en Italie pour un emploi qui n’existait pas.”
Ce type de commerce illégal des personnes qui repose sur la fraude et la violence est généralement connu sous le nom de “traite des êtres humains” et constitue un sujet de préoccupation partout dans le monde. Après des mois de sévices corporels et d’exploitation sexuelle, Isoke a réussi à échapper à ses ravisseurs et à lancer un organisme d’aide aux victimes de la traite des personnes en Italie, l’Association des filles de Benin City, qui vise à encourager un nombre croissant de femmes à échapper à leur sort.
La plupart n’ont pas les moyens de s’enfuir
Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) affirme que des centaines de milliers de personnes dans les pays en développement, poussées par la pauvreté, les guerres, la discrimination et l’injustice, deviennent tous les ans victimes de réseaux de trafiquants perfectionnés. Craignant les autorités et forcées de travailler comme prostituées ou main d’œuvre non qualifiée sous la menace de violences, la plupart n’ont pas les moyens de s’enfuir.
En réponse aux récits comme celui d’Isoke, les gouvernements africains ont intensifié leurs efforts pour lutter contre la traite des êtres humains et lancé des campagnes d’éducation et de sensibilisation de l’opinion publique.
L’insuffisance des ressources humaines et financières, conjuguée à la carence du système juridique, à la perméabilité des frontières et au réservoir apparemment inépuisable de personnes prêtes à tout pour échapper à la misère freinent les efforts des pays africains et d’autres pays en développement pour empêcher leurs ressortissants de tomber entre les mains des trafiquants.
Il appartient aussi aux pays de destination d’intensifier leurs efforts dans ce domaine. Tant que les gouvernements traiteront les victimes de la traite comme des individus qui enfreignent la loi plutôt que victimes d’une infraction grave, les trafiquants trouveront toujours moyen d’alimenter le marché.
“Enorme sujet de préoccupation”
Le nombre précis des victimes des trafiquants n’est pas connu. La Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, Joy Ezeilo, affirme que les estimations varient énormément car, d’un côté, les contrebandiers cherchent à éviter toute détection et, de l’autre, les gouvernements accordent peu d’importance aux activités de contrôle et de prévention de la traite des personnes. La Rapporteuse estime néanmoins à 2,5 millions environ le nombre de victimes de la traite l’année dernière, dont plus d’un million d’enfants. D’après l’UNICEF, la traite représente en outre une importante source de revenus, rapportant jusqu’à 10 milliards de dollars par an aux groupes de trafiquants.
“Je peux affirmer, a-t-elle dit à Afrique Renouveau lors d’un entretien dans ses bureaux à Lagos, que la traite des personnes est un sujet extrêmement préoccupant pour l’Afrique, elle-même devenue un réservoir important de victimes de la traite dans le monde.” Pour sa part, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime que rien qu’en Italie 10 000 à 15 000 Nigérianes sont forcées de travailler dans l’industrie du sexe.
Mme Ezeilo souligne que, contrairement à la traite des personnes au niveau international, où 80 % des victimes sont utilisées à des fins d’exploitation sexuelle, “les victimes de la traite en Afrique sont forcées d’accomplir des tâches ménagères et de travailler dans les champs et dans la construction, tout en servant comme objets sexuels.
Complexité des facteurs
Un rapport exhaustif publié en 2009 par l’Office de l’ONU contre la drogue et le crime (ONUDC) confirme ce phénomène. Intitulé , le document révèle que la traite des Africains vers l’étranger revêt le plus souvent un caractère simple et brutal, la vaste majorité des jeunes victimes féminines étant envoyées vers l’Europe et les Etats-Unis aux fins de prostitution. En revanche, la traite des personnes à l’intérieur du continent, bien plus complexe, repose sur toute une série de facteurs qui déterminent les choix des trafiquants et la nature des activités qu’on imposera aux victimes à leur arrivée à destination. Ces facteurs prennent en considération la situation économique sur le plan local, les demandes saisonnières de main d’œuvre, les conflits militaires et la dégradation de l’environnement qui bouleversent les conditions de vie, ainsi que les pratiques culturelles et la discrimination à l’égard des femmes et des ethnies qui compromettent les chances de progrès économique et social des femmes, des enfants et des minorités et rendent plus acceptables les atteintes à leurs droits.
Les autorités du Mali ont signalé qu’en 2006 il y a eu 119 cas connus d’enfants (81 garçons et 38 filles) victimes de la traite. Près des deux tiers avaient été envoyés à l’intérieur du pays. La plupart de ceux acheminés hors du Mali ont été retrouvés dans les pays limitrophes. La Rapporteuse spéciale a également fait état de l’arrestation en 2005 par les autorités du Malawi d’un trafiquant qui a tenté de faire passer clandestinement en Zambie 15 enfants, dont un de 10 ans, pour servir comme main d’œuvre saisonnière dans les champs.
Dans le sud-ouest du Nigéria, un millier d’enfants du Bénin voisin ont été découverts alors qu’ils servaient comme main d’œuvre forcée dans les carrières de gravier, malgré les tentatives des deux gouvernements de faire cesser cette pratique. D’après un rapport de 2007 adressé au Conseil des droits de l’homme de l’ONU par l’organisation non gouvernementale Coalition Against Trafficking in Women and Children, les victimes, certaines à peine âgées de six ans, étaient forcées de creuser et de transporter des blocs de pierre huit à dix heures par jour, parfois sept jours par semaine, sans rémunération et sans une alimentation ou un hébergement décents, pendant six ans. Les trafiquants, au service des propriétaires des carrières, versaient pendant ce temps des petites sommes d’argent aux parents des jeunes victimes. Le rapport précise qu’en une occasion au moins, les propriétaires des mines ont forcé des centaines d’enfants à se réfugier dans la campagne environnante pour échapper au contrôle des inspecteurs du travail.
Le Gouvernement mauritanien a signalé en 2006 à l’ONUDC que 22 enfants du pays avaient été acheminés vers plusieurs pays du Moyen-Orient pour y travailler comme jockeys dans les courses de chameaux. Les enfants ont été choisis en fonction de leur petite taille, forcés de vivre dans une enceinte entourée de barbelés et sous-alimentés pour les empêcher de prendre du poids. Ils étaient souvent battus et subissaient des violences sexuelles et parfois étaient victimes de blessures graves causées par des accidents de course.
Exploiter la pauvreté, la tradition
La Rapporteuse spéciale souligne en outre que l’ampleur et la diversité de la traite des personnes en Afrique, conjuguées à la perméabilité des frontières du continent et à la carence des organismes chargés de faire appliquer les lois, rendent ce phénomène pratiquement impossible à arrêter. Il est relativement facile, dit-elle, de répertorier globalement les pays selon qu’ils sont des pays d’origine, de destination ou de transit. Une telle catégorisation permet aux gouvernements de mieux cibler leurs programmes de lutte contre la traite des personnes et d’utiliser plus efficacement leurs capacités coercitives.
“Le problème en Afrique est que la plupart des pays appartiennent aux trois catégories à la fois, explique Joy Ezeilo. Parfois certains pays deviennent des pays de destination par hasard parce que des gens en route vers l’Europe se sont trouvés immobilisés en Afrique du Nord, ils ont été forcés à se prostituer ou à servir comme main d’œuvre bon marché. Les gouvernements ont du mal à savoir comment aborder ce problème et où porter leur attention.”
Pour asservir les gens, les trafiquants profitent également de la tradition de l’apprentissage et des autres pratiques culturelles. Des études menées par l’ONU, l’OIM et le Gouvernement des Etats-Unis indiquent que la pratique vieille de plusieurs centaines d’années qui consiste à envoyer les enfants étudier dans les écoles religieuses, appelées daaras, était désormais viciée. A l’origine, les daaras étaient installées dans les zones rurales où elles dispensaient un enseignement religieux et offraient un hébergement à des garçons âgés de quatre ou cinq ans originaires des communautés environnantes en échange de travaux agricoles. Ces écoles étaient souvent l’unique source d’enseignement accessible aux familles pauvres.
Dans les années 70 et 80, toutefois, la sécheresse et les difficultés économiques ont forcé de nombreuses daraas à s’installer dans la plus grande ville du pays, Dakar, brisant les liens entre les enfants et leurs parents et ouvrant la voie aux mauvais traitements. Les études indiquent que, dans de nombreux cas, les marabouts (enseignants) ne dispensaient qu’un minimum d’instruction religieuse, forçant plutôt les enfants à mendier de longues heures dans les rues, sous la menace de châtiments corporels. Le Gouvernement sénégalais et l’ONU ont réagi en lançant des programmes destinés à améliorer les conditions dans les écoles et à sensibiliser les parents aux dangers possibles, mais les progrès sont lents.
Les trafiquants ont également tiré parti d’une autre pratique courante au Nigéria, au Sénégal, au Togo et dans d’autres pays, à savoir le placement de jeunes filles pauvres comme personnel de maison dans des familles plus aisées moyennant l’hébergement et la scolarisation. Bon nombre d’entre elles ne mettent jamais les pieds dans une école.
“La plupart des familles n’ont pas la moindre idée de la manière dont on traite leurs enfants”, souligne Joy Ezeilo. Les victimes de la traite des personnes sont souvent sollicitées avec des offres de travail fictives faites par des personnes de leur communauté qui gagnent la confiance des victimes et de leurs parents.
Persécution des vulnérables
Mme Ezeilo souligne par ailleurs que la complexité et les différences qui entourent la traite des personnes en Afrique ne peuvent dissimuler certaines similitudes partagées par les victimes. “Elles se retrouvent toutes dans des situations vulnérables. Chez les femmes, les inégalités entre les sexes contribuent à les placer dans ces situations. Certaines, sans instruction et sans un métier, n’ont d’autres choix que de rejoindre les rangs des victimes. D’autres fuient des mariages forcés et des maris abusifs.”
Par ailleurs, les taux de chômage très élevés chez les jeunes contribuent à aggraver leur vulnérabilité. “Regardez l’Afrique. Il y a la pauvreté, les guerres et les crises politiques, la mauvaise gouvernance, les discriminations à l’égard des femmes, les inégalités, le manque d’instruction et l’analphabétisme. Tout cela rend les gens vulnérables, et les trafiquants en profitent.”
Les trafiquants ont des traits communs aussi. La plupart appartiennent à des groupes criminels organisés. “Ceux qui savent comment faire passer des armes et des drogues en contrebande sauront aussi comment faire passer des gens clandestinement. Ils s’y connaissent en technologie. L’internet est devenu un outil de travail pour eux. Ils y affichent des offres d’emploi. Ils exploitent les gens qui cherchent du travail. On est vite embarqué.”
La contrainte et la violence sont des moyens couramment utilisés. “J’ai connu des cas où on a fait jurer les gens devant leurs familles qu’ils savaient qu’ils voyageraient illégalement et qu’ils acceptaient les conditions de remboursement des frais de transport imposées par les trafiquants. A titre d’exemple, des groupes de femmes recrutées en Afrique de l’Ouest s’entendent dire à leur arrivée en Europe occidentale que les frais de leur voyage s’élèvent à 500 000 dollars. Elles devront travailler toute leur vie pour rembourser !”
Mme Ezeilo note que malgré ces méthodes brutales, les victimes craignent le plus souvent davantage la police que les trafiquants, n’ayant que rarement recours à la protection des autorités. Les gouvernements des pays de destination ont en effet tendance à considérer les victimes de la traite comme des immigrants clandestins qu’il faut expulser plutôt qu’aider. Les trafiquants exploitent cette situation, disant à leurs victimes : “Si vous contactez les autorités, vous risquez des ennuis. Vous serez renvoyés chez vous et punis.”
La Rapporteuse spéciale invite les pays de destination à traiter les victimes des trafiquants différemment des “immigrants volontaires”, accordant la priorité au respect de leurs droits.
Bien que les autorités considèrent des victimes comme Isoke Aikpitanyi comme des migrants illégaux, le droit international exige des gouvernements qu’ils reconnaissent ces personnes comme les victimes d’une infraction, une fois qu’il a été prouvé qu’elles ont été soumises à des violences et à la contrainte. Outre la protection de leurs droits fondamentaux, les victimes peuvent prétendre, dans le cadre de la législation et des moyens des pays de destination, à obtenir des informations sur les procédures juridiques et administratives dont elles sont l’objet, à participer aux poursuites judiciaires contre leurs trafiquants, à vivre en sécurité et dans des conditions décentes et demander des indemnisations pour préjudices subis.
En outre, les autorités d’accueil sont invitées à envisager la possibilité d’offrir des soins médicaux et psychologiques aux victimes, à assurer l’éducation des enfants avant leur rapatriement, à les héberger et à leur fournir des conseils juridiques et, le cas échéant, à leur accorder le statut de résident temporaire ou permanent.
Aux prises avec la traite des personnes
Mme Ezeilo trouve encourageants les efforts croissants déployés par de nombreux pays depuis l’entrée en vigueur à la fin de 2003 du Protocole de l’ONU visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes (voir encadré). En effet, une enquête de 2006 menée par l’ONUDC dans 155 pays révèle que le pourcentage des pays ayant adopté des mesures législatives contre la traite des êtres humains a augmenté de 33 % en 2003 à plus de 80 % en 2008. Plus de la moitié de ces pays, y compris certains pays africains, ont créé des sections de police spéciales chargées de faire respecter les nouvelles lois.
Au Burkina Faso, le Parlement a adopté en 2003 une loi qui pénalise la traite de toute personne de moins de 18 ans et a créé une section spéciale des forces de l’ordre chargée d’en assurer l’application. Les condamnations pour traite ont plus que doublé entre 2004 et 2006, bien que leur nombre total reste faible. Une loi pénalisant la traite des adultes est à l’examen. L’Ethiopie a pour sa part adopté en 2004 un train de mesures législatives contre la traite des êtres humains ainsi qu’un plan d’action national. Les autorités de ce pays ont examiné en 2007 37 cas de traite des personnes et prononcé 18 condamnations, dont huit ont débouché sur des peines de prison de 10 ans ou plus.
La Rapporteuse spéciale a mis en évidence l’action du Ghana et du Nigéria dans ce domaine. Ces pays ont passé des lois contre la traite des personnes et établi des sections spéciales de lutte contre ce fléau, tout en procédant à l’examen des cas d’infraction et en poursuivant énergiquement ses auteurs devant les tribunaux. Au Nigéria, indique l’ONUDC, la National Agency for the Prevention of Trafficking in Persons est responsable de la coordination de l’action menée par les forces de l’ordre et les fonctionnaires du ministère chargé de l’immigration, ce qui a permis de faire passer le nombre des condamnations de huit en 2007 à 24 l’année suivante. Le Nigéria offre également des soins médicaux et psychologiques aux victimes de la traite des personnes et leur accorde des visas temporaires, des permis de travail et une aide financière. “La volonté des gouvernements à faire cesser ce type d’activité peut s’avérer payante”, affirme-t-elle.
Des programmes régionaux sont également lancés. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest a mis sur pied un programme visant à encourager l’adoption d’une législation uniforme en matière de lutte contre la traite des personnes et à renforcer la coopération transfrontières. En Afrique australe, où le dispositif législatif et les moyens de répression sont notoirement insuffisants, l’OIM et un groupe de recherche, le Southern African Migration Project, ont convoqué en 2008 la première d’une série de réunions destinées à mieux faire prendre conscience de ce problème.
Pour sa part, l’Union africaine a marqué la Journée 2009 de l’enfant africain, célébrée le 16 juin, par le lancement d’une campagne panafricaine appelée l’Initiative de la Commission de l’UA Contre le trafic d’êtres humains.
Action au niveau local
Les associations de la société civile et les chefs spirituels ont également un rôle important à jouer, a ajouté la Rapporteuse spéciale. “Les interventions au niveau local sont les plus efficaces. Les associations locales ont les moyens de mobiliser les responsables, d’alerter les personnalités religieuses et les chefs traditionnels et de pourvoir des conseils sur les risques encourus”.
Au Swaziland, les activistes de la société civile identifient les personnes et les familles les plus vulnérables. Ils prodiguent des conseils aux victimes potentielles et tentent de remédier aux problèmes qui poussent ces personnes dans les bras des trafiquants.
Des réseaux informels ont par ailleurs été établis au niveau international par des ordres religieux et des associations de femmes pour venir en aide aux victimes de la traite, pour les mettre à l’abri des représailles ou de la détention, pour organiser leur transport et orienter leur rapatriement.
Réduire la demande
Les pays plus riches qui attirent les trafiquants pourraient faire davantage, estime Mme Ezeilo. Tout en continuant à fournir une aide aux pays africains et asiatiques susceptible d’atténuer leurs difficultés économiques et sociales qui contribuent à rendre leurs populations plus vulnérables à l’égard des trafiquants, ces pays devraient s’efforcer de réduire la demande chez eux. “Il n’est pas réaliste de vouloir endiguer l’arrivée des victimes de la traite en provenance des pays pauvres tant qu’on n’aura pas réglé la question de la demande pour ces personnes dans les pays les plus riches”, dit-elle.
Cela impliquerait, à son avis, un changement de priorité. “Les pays de destination ne s’attaquent pas vraiment aux trafiquants”, dont les victimes de la traite ne représentent qu’une part modeste du nombre de résidents illégaux dans les pays de destination. Pourtant le cas de ces personnes est complètement différent dans la mesure où elles font l’objet de violences et de menaces. “Il faudrait donc que les forces de l’ordre des pays de destination aient la formation adéquate pour lutter contre la traite des personnes et détecter ses victimes”.
Dans un discours prononcé en mai au siège de l’ONU, la Directrice générale adjointe de l’OIM, Ndioro Ndiaye, a déclaré que de nombreux pays considéraient la traite des personnes comme un aspect du délicat problème global de la migration illégale. Estimant qu’il était extrêmement difficile de distinguer les migrants qui franchissent les frontières illégalement de leur propre gré de ceux qui sont les victimes de la traite, elle a affirmé qu’un environnement généralement hostile à la migration était préjudiciable aux victimes de la traite des personnes.
Mme Ndiaye a par ailleurs souligné que les causes profondes de la traite des personnes ne s’expliquaient pas uniquement par la pauvreté et le chômage. A présent, a-t-elle indiqué, il est généralement admis que la demande pour une main d’œuvre bon marché ou pour des activités sexuelles “exotiques ou peu communes” dans les pays de destination constitue également une cause profonde de la traite des personnes qu’il faudra examiner.
Mme Ezeilo souscrit à cette théorie, affirmant que la prostitution en particulier demeurait l’une des causes profondes de la traite des femmes et des jeunes filles. Le plus souvent, les autorités et le public ignorent qu’il y a tant de femmes et de jeunes filles victimes de la traite. Les gens ne les voient pascomme les victimes de l’exploitation et de la violence. “Pourtant la traite des personnes n’est pas un aspect de l’immigration. C’est un aspect des droits de l’homme”, conclut-elle.
Le Protocole de l’ONU contre la traite des personnes
Après l’abrogation du commerce international d’esclaves au XIXe siècle, des tentatives ont été faites pour prévenir la traite des personnes, notamment avec l’Arrangement international de 1904 en vue d’assurer une protection efficace contre le trafic criminel connu sous le nom de traite des blanches. En décembre 2003, est entré en vigueur le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, qui s’inscrit dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Le Protocole a été signé à ce jour par 117 gouvernements, dont 41 en Afrique.
Cet instrument vise à combler les lacunes juridiques existantes aux niveaux international et national et à offrir une meilleure protection aux victimes de la traite des personnes. Le Protocole désigne la traite comme “le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil des personnes” par la menace ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie ou abus d’autorité ou par l’offre de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre “aux fins d’exploitation”.
En outre, le Protocole vise à protéger et à aider les victimes “en respectant pleinement leurs droits fondamentaux” et à promouvoir la coopération entre les Etats dans la lutte contre la traite des personnes. L’instrument appelle les gouvernements signataires à adopter des mesures globales de lutte contre la traite des personnes, à fournir une aide, des conseils et une assistance au rapatriement des victimes de la traite, à accélérer l’élaboration de programmes de formation pour les agents de la force publique et des services d’immigration et à améliorer les échanges d’informations et la coopération transfrontières pour prévenir la traite des personnes.