缅北禁地

Des manifestants soudanais au Royaume-Uni r茅clament que les auteurs des atrocit茅s au Darfour passent devant la CPI tandis.

Photo: Alamy / Peter Marshall

En juillet 2008, le Procureur en chef de la Cour p茅nale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, a annonc茅 que des poursuites judiciaires seraient intent茅es contre le Pr茅sident Omar Al-Bashir du Soudan pour les atteintes aux droits de l鈥檋omme li茅es au conflit qui se d茅roule dans la r茅gion du Darfour de ce pays. Le 3 mars 2009, les juges de la CPI ont confirm茅 qu鈥檜n mandat d鈥檃rr锚t avait 茅t茅 d茅livr茅 contre le Pr茅sident soudanais pour crimes contre l鈥檋umanit茅 et crimes de guerre.

L鈥檌nculpation a d茅clench茅 une vive pol茅mique qui a envenim茅 le d茅bat souvent virulent sur le r么le de la CPI en Afrique. Les critiques d茅noncent l鈥檌nt茅r锚t excessif pr锚t茅 par celle-ci 脿 l鈥橝frique, soulignant que l鈥檌nculpation du pr茅sident soudanais en exercice risquait de compromettre le succ猫s du fragile processus de paix dans ce pays. Pour leur part, les partisans de la CPI craignent que de tels arguments minimisent la gravit茅 des crimes commis, notant que les critiques les plus acerbes provenaient d鈥檃utres dirigeants africains inquiets d鈥檃voir 脿 r茅pondre un jour 脿 des accusations similaires.

La signature par 120 脡tats en juillet 1998 du Statut de Rome qui a port茅 cr茅ation de la Cour a 茅t茅 salu茅e comme un grand succ猫s diplomatique, traduisant l鈥檃dh茅sion g茅n茅rale 脿 la disposition du Statut de la CPI qui stipule que les auteurs des crimes les plus graves que connaisse l鈥檋umanit茅 doivent 锚tre punis. A la fin de 2002, le trait茅 avait 茅t茅 ratifi茅 par 60 pays, le minimum n茅cessaire 脿 son entr茅e en vigueur. Aujourd鈥檋ui ce nombre est pass茅 脿 110.

La cr茅ation de la nouvelle juridiction a 茅t茅 bien accueillie partout en Afrique. Son statut a 茅t茅 ratifi茅 par 30 des 54 pays que compte le continent, formant le plus grand bloc r茅gional parmi les pays parties 脿 la cour. De nombreux Africains y travaillent, notamment comme juges.

Chidi Anselm Odinkalu, directeur du programme pour la justice en Afrique de l鈥檕rganisation non gouvernementale Open Society Institute, donne les raisons de cet enthousiasme initial. 鈥淟a plupart des habitants du continent sont des enfants de la guerre, du d茅nuement et des privations, imputables surtout 脿 une mauvaise gouvernance, a-t-il expliqu茅 dans un article publi茅 en ligne par la maison d鈥櫭ヾition Pambazuka. Pour nous, rendre la justice pour les massacres commis est une affaire tr猫s personnelle. Malheureusement, dans la plupart des pays africains, la dignit茅, la paix et la justice se sont r茅v茅l茅es utopiques. C鈥檈st pourquoi nous avons soutenu la cr茅ation d鈥檜ne CPI. On croyait sinc猫rement la Cour capable de mettre fin 脿 l鈥檌mpunit茅 des principaux auteurs de ces massacres鈥�.

L鈥檃ccent sur l鈥橝frique

Le procureur de la CPI a comp茅tence pour mener des enqu锚tes ou pour lancer des poursuites judiciaires dans les affaires qui lui sont d茅f茅r茅es par les gouvernements ou le Conseil de s茅curit茅. La premi猫re affaire soumise 脿 la Cour en 2003 par les autorit茅s ougandaises a permis 脿 celle-ci de prononcer cinq mises en accusation contre les chefs de la tristement c茅l猫bre Arm茅e de r茅sistance du Seigneur (LRA) qui sont toujours en fuite. La Cour a 茅galement fait arr锚ter plusieurs chefs rebelles congolais, et un ancien vice-pr茅sident, accus茅s d鈥檃voir commis des crimes en R茅publique d茅mocratique du Congo (RDC) ou en Centrafrique voisine. Au Soudan, des mandats d鈥檃rr锚t ont 茅t茅 d茅livr茅s non seulement contre le Pr茅sident Bashir, mais aussi 脿 l鈥檈ncontre du ministre de l鈥橧nt茅rieur, du chef d鈥檜ne milice pro-gouvernementale et d鈥檜n chef du Front uni de r茅sistance rebelle (qui s鈥檈st rendu de son gr茅). Le procureur a 茅galement enqu锚t茅 en C么te d鈥橧voire et a 茅t茅 pri茅 de v茅rifier les accusations de nettoyage ethnique au K茅nya.

Des manifestants au Soudan protestent contre le mandat d鈥檃rr锚t 茅mis par la Cour 脿 l鈥檈ncontre de leur pr茅sident.

Photo: Reuters / Mohamed Nureldin Abdallah

Aucune inculpation n鈥檃 cependant provoqu茅 autant de r茅actions que celle du Pr茅sident soudanais. L鈥橴nion africaine (UA) a exprim茅 sa pr茅occupation, 脿 l鈥檕ccasion du sommet de f茅vrier 2009 脿 Addis-Abeba (脡thiopie), quant 脿 l鈥檌ntention du procureur d鈥檕btenir un听 mandat d鈥檃rr锚t. L鈥橴A en a appel茅 au Conseil de s茅curit茅 (qui avait d茅f茅r茅 l鈥檃ffaire) pour surseoir aux proc茅dures en cours, affirmant que le processus juridique risquait de compromettre les efforts de paix au niveau r茅gional dans lesquels M. Bashir 茅tait activement impliqu茅. 鈥淟a recherche de justice devrait 锚tre men茅e de mani猫re 脿 ne pas g锚ner les efforts de promotion d鈥檜ne paix durable, ont d茅clar茅 les dirigeants de l鈥橴A, qui ont r茅affirm茅 leur pr茅occupation devant l鈥檜sage peut-锚tre abusif des proc茅dures de mise en accusation des dirigeants africains鈥�.

Apr猫s le refus du Conseil de s茅curit茅 de reporter l鈥檃ffaire, le Conseil de paix et de s茅curit茅 de l鈥橴A a annonc茅 le 14 juillet 2009 que l鈥橝ssembl茅e de l鈥橴nion africaine ne coop猫rerait pas avec le mandat d鈥檃rr锚t de la CPI. Les dirigeants africains ont exprim茅 leur m茅contentement face 脿 la proc茅dure d鈥檌nstruction du dossier, 脿 la m茅diatisation de l鈥檃ffaire et au refus du Conseil de s茅curit茅 de surseoir 脿 l鈥檌nculpation du Pr茅sident soudanais.

Col猫re et pr茅occupations

Certains dirigeants africains ont 茅t茅 plus virulents. Le Pr茅sident rwandais Paul Kagame a d茅clar茅 aux journalistes que la CPI 鈥渁 茅t茅 cr茅茅e uniquement pour les pays africains, pour les pays pauvres. Les faits me donnent raison avec chaque ann茅e qui passe鈥�le Rwanda refuse de jouer le jeu du colonialisme, de l鈥檈sclavagisme et de l鈥檌mp茅rialisme鈥�. De son c么t茅 Jean Ping, pr茅sident de la Commission de l鈥橴A, a d茅clar茅 脿 la station de radio RFI que 鈥� la CPI semble toujours cibler鈥�..les Africains. Est-ce 脿 dire qu鈥檌l n鈥檡 a rien 脿 signaler 脿 Gaza? Ou dans le Caucase ? Ou sur les militants en Colombie ? Il ne se passe rien en Iraq ? On est amen茅 脿 poser ce type de questions car on n鈥檃ccepte pas les deux poids deux mesures鈥�.

En r茅ponse aux accusations selon lesquelles la Cour 鈥渧ise鈥� les Africains, Sylvia Steiner, juge br茅silienne de la CPI, a soulign茅 que trois des quatre affaires actuellement 脿 l鈥檈xamen de la Cour ont 茅t茅 pr茅sent茅es par des gouvernements africains, pr茅cisant que la d茅cision du Conseil de s茅curit茅 de porter l鈥檃ffaire du Darfour devant la CPI avait 茅t茅 pr茅c茅d茅e d鈥檜ne enqu锚te men茅e par une commission de l鈥橭NU. Les conclusions de l鈥檈nqu锚te ont 茅t茅 v茅rifi茅es par le bureau du procureur avant que la Cour ne soit saisie au sujet des mandats d鈥檃rr锚t. En outre, pendant l鈥檌nstruction, les trois juges saisis de l鈥檃ffaire n鈥檕nt eu connaissance que des seules informations figurant dans le dossier.

Toutefois, l鈥檃ncien procureur des tribunaux internationaux pour le Rwanda et la Yougoslavie, Richard Goldstone, a convenu que la r茅partition g茅ographique des mises en accusation pouvait pr锚ter 脿 confusion. Dans un article publi茅 par l鈥橝ssociation internationale du barreau, il a admis que la CPI semblait accorder une attention d茅mesur茅e 脿 l鈥檌nstruction des crimes commis en Afrique, aux d茅pens de situations semblables ailleurs dans le monde. Il s鈥檈st 茅tonn茅 qu鈥檃ucun mandat d鈥檃rr锚t n鈥檃it 茅t茅 d茅livr茅 contre des criminels pr茅sum茅s 脿 l鈥檈xt茅rieur du continent alors que le bureau du procureur avait examin茅 d鈥檃utres affaires en Afghanistan, G茅orgie, Palestine et Colombie.

D鈥檃pr猫s le Juge Goldstone, ce sentiment d鈥檌njustice serait toutefois facile 脿 dissiper.听 鈥淚l suffirait 脿 la CPI de se montrer impartiale dans la mani猫re de mener les enqu锚tes et d鈥檌ntenter des poursuites, a-t-il conseill茅. Pour corriger l鈥檌mpression que la CPI ne s鈥檌nt茅resse qu鈥櫭� l鈥橝frique ou qu鈥檈lle est au service des pays occidentaux, le procureur devrait mener des enqu锚tes dans d鈥檃utres r茅gions du monde. Ces enqu锚tes devraient aboutir 脿 des inculpations rapides chaque fois que cela se justifie et qu鈥檌l y a des preuves suffisantes鈥�.

Olympia Bekou et Sangeeta Shah, juristes des droits de l鈥檋omme, qui ont consacr茅 de nombreux 茅crits 脿 la Cour, r茅pliquent que la CPI s鈥檌nt茅resserait moins 脿 l鈥橝frique si les gouvernements du continent se montraient plus dispos茅s 脿 traduire en justice les responsables des atrocit茅s commises. A ceux qui s鈥檌nqui猫tent d鈥檜ne intervention d茅mesur茅e de la communaut茅 internationale dans les affaires int茅rieures de ces pays, les juristes r茅pondent qu鈥檌l faudrait renforcer les comp茅tences judiciaires des pays africains, r茅duisant ainsi les chances d鈥檌ntervention de la CPI. Cela devrait constituer, 脿 leur avis, 鈥渓鈥檕bjectif supr锚me de chaque Etat鈥�.

Faiblesse de l鈥檃ppareil judiciaire

Solomon Dersso, chercheur principal 脿 l鈥橧nstitut d鈥櫭﹖udes de s茅curit茅 en Afrique du Sud affirme que l鈥檌nt茅r锚t port茅 par la CPI aux dossiers africains s鈥檈xplique pour deux raisons. La premi猫re est la faiblesse des appareils judiciaires africains qui freine les proc茅dures de mise en examen de personnalit茅s influentes. La deuxi猫me est que听 tous ces pays appartiennent 脿 un syst猫me juridique international au sein duquel les pays faibles n鈥檕nt pas leur mot 脿 dire et passent pour 锚tre de simples ex茅cutants.

Le Procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo. Certains applaudissent ses efforts pour lutter contre l鈥檌mpunit茅, d鈥檃utres l鈥檃ccusent de cibler injustement le continent africain.

Photo: Alamy / Jeff Morgan

Il rappelle par ailleurs qu鈥櫭� l鈥檕rigine la CPI devait 锚tre une juridiction de derni猫re instance, 脿 ne saisir qu鈥檃u cas o霉 les syst猫mes nationaux se montrent r茅ticents ou incapables de traduire en justice les auteurs d鈥檃tteintes graves aux droits de l鈥檋omme. Cette approche n鈥檃 pas bien fonctionn茅 en Afrique, 鈥渙霉 le besoin de se doter d鈥檜n syst猫me judiciaire solide est pourtant le plus pressant 鈥�. Cette carence tranche avec le succ猫s qu鈥檕nt connu des pays comme l鈥橝rgentine et le Chili dans l鈥檌nculpation des auteurs pr茅sum茅s de crimes semblables. Cette diff茅rence s鈥檈xplique par le fait que les pays donateurs ont investi des millions de dollars dans l鈥櫭﹖ablissement de tribunaux sp茅ciaux et de cours internationales, mais n鈥檕nt accord茅 qu鈥檜n soutien infime aux appareils judiciaires des pays africains.

De ce fait, poursuit-il, l鈥橝frique semble se reposer davantage sur le syst猫me听 judiciaire international, ce qui peut donner l鈥檌mpression d鈥檜n engagement excessif de la CPI sur le continent. Cette d茅pendance emp锚che les syst猫mes judiciaires africains de d茅velopper leurs propres capacit茅s 脿 pr茅parer les proc猫s de criminels pr茅sum茅s, compliquant les efforts de promotion des notions de droits de l鈥檋omme et de respect de l鈥櫭﹖at de droit dans les pays africains, 鈥渓脿 o霉 ces notions importent le plus鈥�.

D茅s茅quilibre des pouvoirs

M. Dersso souligne que les d茅s茅quilibres des pouvoirs propres au syst猫me politique international ne font qu鈥檃ggraver le sentiment d鈥檌njustice en Afrique. Il cite notamment l鈥檃rticle 13 du Statut de la CPI qui stipule que le Conseil de s茅curit茅 a comp茅tence pour d茅f茅rer des affaires 脿 la CPI et surseoir aux proc茅dures de la Cour, y compris au nom des pays n鈥檃ppartenant pas 脿 la CPI, comme le Soudan.

Le v茅n茅r茅 professeur de l鈥橴niversit茅 de Columbia, Mahmood Mamdani, d鈥檕rigine ougandaise, estime que 鈥� l鈥檃utorit茅 du Conseil de s茅curit茅 de d茅f茅rer 脿 la CPI des affaires concernant un pays non-signataire va 脿 l鈥檈ncontre du droit des trait茅s, qui stipule qu鈥檃ucun pays n鈥檈st tenu de se conformer aux dispositions d鈥檜n trait茅 qu鈥檌l n鈥檃 pas sign茅.鈥�

Le probl猫me se complique du fait que trois des membres permanents du Conseil de s茅curit茅 dot茅s du droit de veto, la Chine, la Russie et les 脡tats-Unis, n鈥檕nt pas ratifi茅 le Statut de Rome 茅tablissant la CPI. D鈥檃ucuns estiment que ces pays ne permettraient jamais au Conseil de s茅curit茅 de d茅f茅rer des dossiers impliquant leurs ressortissants. 鈥淒onner au Conseil de s茅curit茅 le droit de d茅f茅rer des affaires 脿 la CPI ou de les bloquer est inadmissible, d鈥檃utant que les membres du Conseil n鈥檕nt pas tous sign茅 le Statut de Rome. Cette disposition permet aux suspects pr茅sum茅s de crimes graves mais ressortissants de pays influents 脿 l鈥橭NU de se soustraire 脿 la justice鈥�, souligne le professeur Mamdani.

M. Dersso souscrit 脿 cette analyse, pr茅cisant que les pays puissants, contrairement aux 脡tats africains faibles, sont mieux plac茅s pour prot茅ger leurs dirigeants du bras de la justice. Cette capacit茅 accr茅dite, 脿 son avis, l鈥檌d茅e que la CPI pratique une justice s茅lective, ou qu鈥檈lle est partiale ou discriminatoire 脿 l鈥櫭ゞard des pays faibles de la communaut茅 internationale.

Lutter contre l鈥檌mpunit茅

M. Goldstone, l鈥檃ncien procureur des tribunaux internationaux, souligne que des motivations politiques semblables semblent guider l鈥檃ction des pays africains eux-m锚mes. En effet le nombre excessif de cas soumis 脿 la CPI par les dirigeants africains qui concernent des chefs rebelles fait penser qu鈥檌l s鈥檃git d鈥檜n pr茅texte pour se d茅barrasser de leurs adversaires politiques.

Joseph Otti, l鈥檜n des chefs inculp茅s de la tristement c茅l猫bre Arm茅e de r茅sistance du Seigneur. Les mandats d鈥檃rr锚t de la CPI compromettront-ils les pourparlers tendant 脿 une conclusion pacifique des combats dans le nord de l鈥橭uganda?

Photo: Redux / Vanessa Vick

Il fait aussi remarquer le contraste entre le mutisme observ茅 par les dirigeants africains 脿 l鈥檃nnonce des mises en examen des chefs rebelles et d鈥檃nciens adversaires politiques et leurs protestations v茅h茅mentes contre les inculpations dont ferait l鈥檕bjet l鈥檜n de leurs semblables. 鈥淟a CPI n鈥檈st pas une juridiction de convenance qu鈥檕n soutient uniquement par int茅r锚t politique鈥�, dit-il.

Ancien Secr茅taire g茅n茅ral de l鈥橭NU et membre du Africa Progress Panel, organisation qui soutient le d茅veloppement du continent, M. Kofi Annan affirme que ces motivations politiques n鈥檕nt aucun sens pour les nombreuses victimes des atrocit茅s en Afrique. Dans un article paru en juin dans plusieurs publications, il affirme que la CPI est per莽ue par certains dirigeants africains comme une imposition, voire une cabale des pays听 occidentaux industrialis茅s. Leurs protestations d茅shonorent, dit-il, l鈥檃spiration 脿 la dignit茅 humaine commune 脿 tous les Africains. Il y a peu de chances de pr茅venir les atrocit茅s ou de 鈥渞assurer ceux qui vivent dans la crainte d鈥檜n nouveau cycle semblable si les dirigeants africains transigent avec le principe de sanctions p茅nales contre les auteurs des crimes les plus abjects uniquement parce que l鈥檜n des leurs est dans le box des accus茅s 鈥�, 茅crit-il.

M. Annan, qui en 2008 a facilit茅 la conclusion d鈥檜n accord de paix au lendemain des violences post茅lectorales au K茅nya, poursuit : 鈥� Les adversaires de la Cour internationale affirment qu鈥檈lle fait une fixation sur l鈥橝frique car les quatre affaires qu鈥檈lle a eu 脿 traiter 脿 ce jour portent sur des crimes qui auraient 茅t茅 commis contre des victimes africaines. On doit commencer par se demander pourquoi les dirigeants africains ne salueraient-ils pas l鈥檌nt茅r锚t port茅 aux victimes africaines? Pr茅f猫rent-ils se ranger du c么t茅 des auteurs pr茅sum茅s d鈥檃trocit茅s plut么t que de celui de leurs victimes? La CPI n鈥檃 pas encore r茅pondu aux appels des victimes 脿 l鈥檈xt茅rieur de l鈥橝frique, mais est-ce l脿 une raison pour ignorer les appels des victimes africaines? 鈥�

Les gouvernements africains ne se sont pas tous align茅s sur la position de l鈥橴A 脿 l鈥檕ccasion de l鈥檌nculpation de M. Bashir. Le minist猫re des affaires 茅trang猫res du Botswana a fait valoir que la CPI a 茅t茅 pr茅cis茅ment cr茅茅e pour instruire les dossiers li茅s aux violations des droits de l鈥檋omme commises par des personnes haut plac茅es, qui ont le plus de chances de s鈥檈n tirer autrement. 鈥淟es peuples d鈥橝frique et du Soudan en particulier ont souffert de ces crimes. La position du Botswana est que les peuples d鈥橝frique, et en particulier du Soudan, m茅ritent d鈥櫭猼re prot茅g茅s des auteurs de tels crimes鈥�, a affirm茅 le minist猫re.

Apr猫s l鈥檃nnonce par l鈥橴A de son refus de coop茅rer avec la CPI, plus de 130 associations de la soci茅t茅 civile et des droits de l鈥檋omme de 30 pays africains ont demand茅 脿 leurs gouvernements de revenir sur leur position. 鈥淣ous prions instamment nos gouvernements de r茅affirmer leur engagement dans la lutte contre l鈥檌mpunit茅 en apportant leur soutien 脿 la CPI et en coop茅rant avec elle鈥�, a lanc茅 Oby Nwankwo du Civil Resource Development and Documentation Centre du Nig茅ria. De son c么t茅, Comfort Ero du Centre international pour la justice transitionnelle en Afrique du Sud a affirm茅 que les associations de la soci茅t茅 civile 茅taient unanimes dans leur volont茅 d鈥檈mp锚cher leurs dirigeants de renier leur promesse de rendre la justice.

L鈥檕pinion publique africaine ne partage pas les soucis des dirigeants. D鈥檃pr猫s la soci茅t茅 de sondages internationale World Public Opinion, 77% des K茅nyans interrog茅s ont approuv茅 la mise en accusation du Pr茅sident soudanais, comme 71% des Nig茅rians, alors que 52% des Egyptiens l鈥檕nt r茅prouv茅e.

Paix contre justice ?

Certains critiques estiment que la poursuite du processus de paix doit prendre le pas sur les consid茅rations de justice, affirmant que les mandats d鈥檃rr锚t de la CPI risquent d鈥檃ggraver la situation humanitaire dans les pays qui font l鈥檕bjet d鈥檈nqu锚tes.

Les mandats d鈥檃rr锚t d茅livr茅s contre Joseph Kony et autres chefs de l鈥橝rm茅e de r茅sistance du Seigneur avaient aussi 茅t茅 consid茅r茅s comme des obstacles 脿 l鈥檌ssue pacifique du conflit dans le nord de l鈥橭uganda. Pourtant, malgr茅 les offres d鈥檃mnistie faites 脿 tous les rebelles non-inculp茅s par la CPI et la promesse de faire compara卯tre les chefs de la LRA devant des juridictions nationales plut么t qu鈥檌nternationales, ces rebelles ont poursuivi leurs attaques sur les villages et les enl猫vements d鈥檈nfants en Ouganda, au Soudan et en RDC. Le mandat d鈥檃rr锚t contre le Pr茅sident soudanais est 茅galement jug茅 comme pr茅judiciable au processus de paix dans ce pays.

Mabvuto Hara, pr茅sident de la Southern African Development Community Lawyers Association, affirme que l鈥檃rgument de 鈥� la paix avant la justice鈥� sert 脿 perp茅tuer l鈥檌mpunit茅. 鈥淟orsque nos dirigeants subissent des pressions ou lorsqu鈥檜n gouvernement change, ils arrivent 脿 la table des n茅gociations faisant du chantage 脿 leurs interlocuteurs et demandant l鈥檃mnistie鈥�..Ce qu鈥檌ls disent vraiment est : Oublions le principe de la responsabilit茅 pour les crimes commis鈥�.

M. Annan a lanc茅 un appel 脿 l鈥橴nion africaine pour qu鈥檈lle ne renie pas sa promesse de lutter contre l鈥檌mpunit茅, affirmant que tant que les auteurs inculp茅s de crimes de guerre ne rendront pas compte de leurs actes, il n鈥檡 aura aucun moyen de dissuasion des individus tent茅s de les imiter.

M. Odinkalu de l鈥橭pen Society Institute craint que la pol茅mique devienne nuisible. 鈥淟es critiques formul茅es 脿 l鈥檈ncontre de la Cour, si constructives soient-elles, risquent d鈥櫭猼re interpr茅t茅es comme une expression de soutien 脿 l鈥檌mpunit茅, alors que les d茅clarations en faveur de la CPI, si sens茅es qu鈥檈lles soient, sont trop rapidement qualifi茅es d鈥檌mp茅rialistes. En attendant, les atrocit茅s se poursuivent sans entraves et la cr茅dibilit茅 de la CPI en souffre鈥� dit-il.

D鈥檃utres craignent que la controverse actuelle n鈥櫭ヽlipse les remarquables innovations juridiques apport茅es par la CPI, notamment sur la question de la protection des civils en temps de guerre. Le proc猫s de Thomas Lubanga, chef de milice congolais, est le premier jamais organis茅 sur le plan international 脿 traiter l鈥檜tilisation d鈥檈nfants soldats comme un crime de guerre. Il y a aussi une importante jurisprudence en mati猫re de droits des victimes. Contrairement aux proc猫s qui se sont d茅roul茅s devant les tribunaux internationaux pour le Rwanda et l鈥檈x-Yougoslavie, ceux qui se tiennent devant la CPI permettent aux plaignants d鈥櫭猼re repr茅sent茅s par un avocat et de r茅clamer des indemnit茅s vers茅es par le truchement d鈥檜n fonds international d鈥檃ffectation sp茅ciale pour les victimes.

Plut么t que de d茅noncer la d茅livrance des mandats d鈥檃rr锚t, l鈥橴A ferait mieux de dissiper son malaise en assurant une coop茅ration plus 茅troite entre les gouvernements africains, la CPI et l鈥橭NU de sorte que la Cour fonctionne mieux et soit plus attentive aux pr茅occupations de l鈥橝frique, estime M. Odinkalu. Mais, plus important encore, il incombe 脿 l鈥橴nion africaine de traduire son discours contre l鈥檌mpunit茅 en un programme d鈥檃ction, 鈥減our montrer que les vies africaines ont de l鈥檌mportance et qu鈥檌l n鈥檡 aura pas de sauf-conduit pour ceux, puissants ou faibles, qui portent atteinte aux droits des Africains 鈥�.