Cet article contribue au thème de l’Année internationale de la coopération dans le domaine de l’eau en offrant le point de vue d’un petit ?tat insulaire en développement du Pacifique. Dans le contexte de l’étendue d’eau qui entoure Fidji et les autres petits ?tats insulaires en développement du Pacifique (PEID), l’exploitation durable des ressources biologiques de la mer et, plus récemment, les ressources non biologiques comme les ressources minérales est un sujet de préoccupation vital et de longe date.
Fidji est un archipel comptant plus de 300 ?les qui s’étend sur 1,3 million de km2 dans le Pacifique Sud. En comparaison avec cette vaste étendue d’eau, la superficie de Fidji est de 18 333 km2. L’archipel fait partie du groupe des ?les océaniques. La petite superficie terrestre des ?les Fidji et leur vaste zone économique exclusive ne sont pas uniques. Ensemble, la superficie terrestre totale des 14 ?tats insulaires représente seulement 3 % par rapport à leurs zones économiques exclusives conjuguées (97 % de l’océan). L’océan est la source des moyens de substance des ?les Fidji et des pays insulaires du Pacifique, assure leur sécurité alimentaire et est à la base de leurs économies. Le développement durable dépend véritablement d’une gestion saine et durable de l’océan Pacifique.
En tant que ressource et source de nos moyens de subsistance, l’océan représente à la fois des opportunités et des défis. Entourés par la mer, nous sommes, d’un c?té, à la merci de l’océan et, de l’autre, les gardiens de ses ressources. Nous sommes conscients qu’elles sont indispensables à la survie des générations futures. C’est pourquoi nous luttons contre les pratiques destructrices, nous opposons à la pêche illégale, clandestine et non réglementée et appelons au renforcement des Organisations régionales de gestion des pêches (ORGP).
Les problèmes environnementaux et climatiques auxquels nous faisons face sont en grande partie causés par les océans qui nous entourent. La variation du vent et des courants marins, les ouragans et les tempêtes sont le résultat de l’interaction entre les océans et l’atmosphère.
Cet article met l’accent sur quelques domaines prioritaires et défis auxquels est confronté l’archipel pour assurer l’exploitation durable des ressources de l’océan. En examinant ces questions, il est ici fait référence aux PEID du Pacifique dans leur ensemble car les défis identifiés ne sont pas uniques à Fidji mais concernent tous ces ?tats insulaires du Pacifique.
ASPIRATIONS AU D?VELOPPEMENT
Le développement durable des PEID du Pacifique dépend de la part équitable des revenus qu’ils re?oivent, de la participation de leurs pêcheries à l’économie et de l’exploitation des ressources marines. Les PEID du Pacifique, qui sont pourtant très fortement tributaires des ressources biologiques marines, ne profitent actuellement pas pleinement des avantages économiques et sociaux découlant de l’utilisation de ces ressources.
Les difficultés auxquelles se heurte leur développement durable ont été largement reconnues dans les tribunes multilatérales en place relatives aux océans comme au développement durable, pourtant les progrès accomplis dans l’application de stratégies efficaces pour y remédier demeurent fragmentaires, ne bénéficient pas d’un appui suffisant et sont globalement inadéquats. Le hiatus entre les instruments internationaux régissant, d’une part, les océans et, d’autre part, le développement durable a entravé la pleine réalisation des aspirations au développement des PEID et, dans de nombreux cas, constitue un obstacle majeur à la mise en ?uvre des objectifs nationaux de développement économique.
Un engagement ferme et mesurable est nécessaire pour mieux prendre en compte les aspirations légitimes au développement des PEID conformément aux directives figurant dans l’Accord sur les stocks de poissons de 1995. Les PEID du Pacifique estiment qu’il est impératif de définir pour eux une voie concrète assortie de délais, de cibles et d’objectifs d’étape pour faciliter la gestion durable des ressources océaniques et tirer plus largement parti des avantages découlant de l’utilisation de ces ressources, notamment par une amélioration de la participation économique directe et un renforcement des capacités. Les PEID ont besoin de la collaboration et de l’aide de la communauté internationale pour réaliser leurs aspirations au développement.
LES P?CHERIES
Les stocks de poissons sains sont essentiels à la sécurité alimentaire, à la prospérité économique et au bien-être social et culturel de nombreux ?tats. L’une des graves lacunes dans l’application des décisions pertinentes des grands sommets sur le développement durable concerne les pêches. Malgré le Plan de mise en ?uvre de Johannesburg approuvé par les pays pour restaurer d’ici à 2015 les stocks de poissons mondiaux à un niveau viable, les stocks continuent d’être surexploités. Pour y parvenir, les ?tats devraient s’engager de nouveau à maintenir ou à restaurer les stocks de poissons épuisés à un niveau viable ainsi qu’à appliquer les plans de gestion fondés sur des preuves scientifiques qui prévoient de reconstruire les stocks d’ici à 2105, y compris de réduire ou de suspendre les prises de tous les stocks surexploités ou risquant de l’être.
Pour ce faire, il faut améliorer la transparence et la responsabilisation dans la gestion des pêches. Les efforts louables menés par les ORGP, qui ont entrepris des études de rendement indépendantes, devraient être développés et augmentés par des examens périodiques et transparents menés par l’Assemblée générale des Nations Unies afin que la mise en ?uvre des accords soit conforme aux engagements internationaux. L’examen de la mise en ?uvre des objectifs de gestion des pêcheries par l’Assemblée, comme le moratoire sur la pêche aux fils dérivants et les évaluations de l’impact pour la pêche de fond, a conduit à des réformes positives qui, sinon, n’auraient probablement jamais vu le jour. L’examen par l’Assemblée générale de la performance des Organisations régionales de gestion des pêches devrait permettre d’améliorer leur efficacité et susciter la volonté politique nécessaire pour prendre les mesures qui s’imposent pour restaurer les stocks de poissons à des niveaux viables. Il est dommage que les disciplines proposées à l’Organisation mondiale du commerce quant aux subventions accordées aux pêcheries, qui contribuent à la surexploitation des ressources halieutiques, n’aient pas été approuvées. Pour les PEID du Pacifique, comme Fidji, il est crucial de réduire les subventions accordées au secteur de la pêche commerciale qui donnent lieu à des pratiques destructrices et de donner les moyens aux petites pêcheries artisanales des ?tats c?tiers, où la pêche est un moyen d’existence, d’exercer leurs activités.
Les PEID du Pacifique ont pris des initiatives dans le domaine de la conservation des ressources marines en créant, par exemple, des zones marines protégées et en adoptant des solutions innovantes, comme le Système de contingentement des jours de pêche et la fermeture de la haute mer à la pêche hauturière, afin d’atteindre les objectifs de pêche durable. D’autres stratégies visant à assurer une exploitation durable des ressources marines et océaniques comprennent des mesures plus énergiques pour lutter contre la pêche illégale, clandestine et non réglementée, avec l’introduction d’interdictions saisonnières de l’utilisation des dispositifs de concentration de poissons et l’élimination des pratiques destructrices.
CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET ACIDIFICATION DE L’OCEAN
Le troisième domaine de priorité pour Fidji a trait aux conséquences du changement climatique, y compris l’acidification de l’océan. On ne peut pas parler des océans et des changements climatiques sans tenir compte de ce qui se passe dans les régions c?tières. Les effets conjugués des changements climatiques, à savoir l’élévation du niveau de la mer, la hausse des températures à la surface de la mer et l’intensification de l’activité des tempêtes ainsi que les effets néfastes de l’acidification de l’océan causés par l’absorption du dioxyde de carbone par les océans, sont parmi les menaces les plus graves pour la santé des océans et des régions c?tières.
Les écosystèmes des récifs coralliens sont particulièrement sensibles au changement climatique et à l’acidification des océans et pourraient être les premiers écosystèmes marins à dispara?tre si des initiatives en matière d’atténuation et d’adaptation ne sont pas mises en place. De nombreuses études ont été menées sur les effets de la hausse de la température sur nos récifs coralliens, et l’on commence tout juste à voir comment ils seront doublement affectés par l’acidification. Ces coraux sont des trésors mondiaux qu’il faut protéger de l’influence des facteurs culturels, sociaux, économiques et environnementaux. Il est impératif de réduire les émissions à effet de gaz de serre à l’échelle mondiale.
En outre, étant donné les niveaux dangereux de dioxyde de carbone déjà dans l’atmosphère et les océans, l’augmentation des capacités de résistance des écosystèmes marins vulnérables devrait figurer en bonne place dans un nouveau paradigme du développement durable tourné vers l’action. Il s’agit d’un nouveau problème qui requiert une attention immédiate et des résultats concrets. Il est, en particulier, essentiel de fournir un appui international pour donner aux nations en développement les moyens d’augmenter la résistance des écosystèmes marins à l’acidification de l’océan et aux changements climatiques. Nous devons aussi améliorer le suivi et le partage d’informations au niveau mondial sur les effets de l’acidification des océans et de veiller à ce que les organisations internationales et les ORGP tiennent compte des changements climatiques et de l’acidification des océans dans leurs décisions, y compris en améliorant les études d’impact sur l’environnement.
LES RESSOURCES MIN?RALES DES FONDS MARINS
Le dernier domaine de priorité est l’exploration et l’extraction durable des ressources minérales des grands fonds marins. Alors que les poissons et les autres ressources marines biologiques ont été cruciales pour le développement économique des ?les Fidji, nous pensons que les efforts que nous menons pour explorer les fonds marins et exploiter ses ressources minérales présentent un grand potentiel. Avec les nombreuses le?ons tirées de l’extraction minière terrestre et les dispositifs sur les pêcheries, nous pensons qu’une approche prudente permettra de ne pas sacrifier la conservation de l’environnement à la poursuite de bénéfices économiques. La demande en métaux terrestres rares pour les besoins de l’industrie, comme les téléphones portables et les puces informatiques, est telle que nous devrions formuler des politiques pour exploiter les minéraux marins.
Bien que l’extraction minière des fonds marins soit en grande partie à un stade d’exploration, cette activité ouvre de nouvelles perspectives de croissance et de développement économiques pour les ?les Fidji et de nombreux PEID du Pacifique. ? ce sujet, nous sommes conscients qu’il faut protéger l’environnement marin contre les effets environnementaux négatifs, préserver la biodiversité, maintenir l’intégrité de l’écosystème marin et réduire les risques à long terme ou les effets irréversibles de l’exploitation des fonds marins.
Toutes ces questions sont à la base de la campagne de sensibilisation menée par les ?les Fidji et les PEID du Pacifique pour qu’une plus grande volonté politique soit mobilisée pour assurer la santé des océans et des pêcheries et renforcer la relation entre océans et développement. Afin de passer de la rhétorique à l’action pour sauver la santé des océans, la communauté internationale ne peut plus se contenter de fondre ses engagements dans les paragraphes obscurs d’instruments distants. Nous devons nous attaquer aux causes profondes de manière globale, directe et honnête.
?
La?Chronique de l’ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privilège d’accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingués ne faisant pas partie du système des Nations Unies dont les points de vue ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Organisation. De même, les frontières et les noms indiqués ainsi que les désignations employées sur les cartes ou dans les articles n’impliquent pas nécessairement la reconnaissance ni l’acceptation officielle de l’Organisation des Nations Unies.?