21 septembre 2015

L'environnement ¨¦tait absent de la Charte fondatrice des Nations Unies, sign¨¦e en 1945. Le mot n'y figure pas, ni celui d'¨¦cologie. Pourtant, la d¨¦fense de l'environnement, concerne, dans la plupart des cas, la protection de la plan¨¨te toute enti¨¨re. C'est aussi une question profond¨¦ment li¨¦e aux enjeux?de la Charte, car prot¨¦ger l'environnement, c'est contribuer de mani¨¨re d¨¦cisive ¨¤ assurer le bien ¨ºtre de ses habitants. Il y a ainsi peu de sujets ¨¦cologiques sur lesquels l'action des Nations Unies ne soit indispensable. Au fil des ann¨¦es, le th¨¨me a pris de l'importance dans les d¨¦bats et les r¨¦solutions de l'Assembl¨¦e. Et je m'en r¨¦jouis, bien entendu.

Tout un ensemble de conventions sur ce th¨¨me ont vu le jour?:?sur le trafic des esp¨¨ces menac¨¦es (CITES,?1973), le transport des d¨¦chets?dangereux?(B?le,?1989), sur le climat (UNFCCC), la biodiversit¨¦, la lutte contre la d¨¦sertification?(toutes trois en 1992), les polluants persistants (Stockholm,?2001), ¡­ pour n'en citer que quelques unes.?Le Programme des Nations Unies pour l'environnement a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦, et j'ai l'honneur d'en ¨ºtre l'ambassadeur de bonne volont¨¦.

Le?nombre?de ces conventions?et souvent?leur importance montrent combien les Nations Unies ont su, avec succ¨¨s, s'emparer du sujet.

La d¨¦monstration la plus forte et,?¨¤ mon sens, le?succ¨¨s le plus marquant?des Nations Unies?sur le terrain de l'¨¦cologie est illustr¨¦e par l'histoire de le protocole?de Montr¨¦al sur la protection de la couche d'ozone, en 1987. Avec une rapidit¨¦ exemplaire ¨¤ l'¨¦chelle des n¨¦gociations internationales (juste quelques ann¨¦es), les Nations Unies ont mis en place un dispositif pour supprimer l'essentiel des gaz destructeurs de la couche d'ozone?et supervis¨¦ son application. Il est vrai que la disparition de?la couche d'ozone?mettait en danger rien moins que l'existence de la vie sur notre plan¨¨te.?Aujourd'hui, le ??trou de la couche d'ozone?? comme on dit parfois se r¨¦sorbe doucement, et on peut esp¨¦rer que le probl¨¨me?soit?r¨¦solu.

Mais ces succ¨¨s, nombreux,?ne doivent pas dissimuler les deux enjeux majeurs qui s'offrent d¨¦sormais?¨¤ nous.

Le premier est, bien s?r, le changement climatique. Chacun sait qu'en d¨¦cembre prochain se tiendra ¨¤ Paris une r¨¦union essentielle?: la 21e?conf¨¦rence des parties de l'UNFCCC. Les espoirs et les efforts de tous sont tendus vers un succ¨¨s ¨¤ cette ¨¦tape cl¨¦. Mais les r¨¦unions pr¨¦c¨¦dentes ont ¨¦t¨¦ d¨¦cevantes, en tout cas en comparaison des enjeux?et l'incapacit¨¦ de la communaut¨¦ mondiale ¨¤ r¨¦soudre ce probl¨¨me pose question.?Mais le climat est clairement?l'enjeu environnemental du XXIe si¨¨cle.?Aussi,?quelque soit les r¨¦sultats de la conf¨¦rence de Paris, ce ne sera qu'un d¨¦but, ou qu'une ¨¦tape, d'un processus amen¨¦ ¨¤ se poursuivre sur les d¨¦cennies ¨¤ venir.

Les difficult¨¦s des n¨¦gociations climatiques?trouve de nombreuses explications. Changement des ¨¦quilibres g¨¦opolitiques, contexte et implication ¨¦conomique majeure, etc.?De mani¨¨re g¨¦n¨¦rale, elle tiennent au fait que le changement climatique?interpelle nos soci¨¦t¨¦s dans presque toutes leurs dimensions.?Et cela?nous am¨¨ne, ¨¤ mon avis, ¨¤ repenser notre relation avec l'¨¦cologie.?L'enjeu?n'est pas seulement prot¨¦ger les fleurs et les animaux. C'est assurer aux ¨ºtres humains les meilleures conditions possibles sur la plan¨¨te ¨C et c'est revenir ainsi aux racines des Nations Unies?: au texte de la charte de 1945. Et cela m'am¨¨ne ¨¤ mon deuxi¨¨me point ¨C peut-¨ºtre plus important encore que le premier.

Car d'une certaine mani¨¨re, vivre ensemble est le d¨¦fi de ce si¨¨cle. Et cela commence par apprendre ¨¤ se conna?tre les uns les autres, dans nos diff¨¦rences. Car trop de haines ou de conflits se nourrissent d'une image falsifi¨¦e de l'autre. Et conna?tre l'autre, c'est aussi lui reconna?tre la qualit¨¦ d'¨ºtre humain, et donc faire un pas vers la r¨¦conciliation, la tol¨¦rance ou la paix. A ce titre, les Nations Unies, en cr¨¦ant un espace de dialogue permanent, jouent un r?le de premier plan.

D'une certaine mani¨¨re, et bien plus modestement, c'est aussi l'un des objectifs de mon travail. Et en particulier, celui de mon dernier film, HUMAN, qui est comme l'aboutissement de mon ?uvre. Or, ce film croise l'histoire des Nations Unies en deux moment principaux?: en 1992, au sommet de la Terre ¨¤ Rio, et en 2000, avec les Objectifs du mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement (OMD).

HUMAN s'appuie en effet sur le projet photographique portant sur la beaut¨¦ du monde que j'ai commenc¨¦ ¨¤ la suite du premier sommet de Rio il y a 20 ans d¨¦j¨¤ avec?La Terre Vue du Ciel?-un travail pour lequel j'ai ¨¦t¨¦ nomm¨¦ ambassadeur de bonne volont¨¦ du PNUE. On le sait, ce sommet a pos¨¦ les bases du d¨¦veloppement durable et du combat ¨¦cologiste pour les ann¨¦es qui ont suivi. M¨ºme si le terme de d¨¦veloppement durable a ¨¦t¨¦ galvaud¨¦, il a d¨¦fini de mani¨¨re fondatrice la d¨¦pendance entre enjeux environnementaux et sociaux, qui ne peuvent pas aller l'un sans l'autre. Il ne s'agit pas seulement de sauver les papillons et les fleurs, mais les hommes et les femmes qui habitent la plan¨¨te. Hommes et femmes qui sont ¨¤ la fois cause des probl¨¨mes et porteurs des solutions.

HUMAN s'appuie ¨¦galement sur les OMD. Ces objectifs fondamentaux, pos¨¦s par Kofi Annan ¨¤ la veille du passage au XXIe si¨¨cle, inscrivaient r¨¦solument l'action des Nations Unies dans le quotidien des (¨¤ l'¨¦poque) 6 milliards d¡¯habitants de notre plan¨¨te. Dans leurs pr¨¦occupations, dans leurs difficult¨¦s, leurs esp¨¦rances. J'ai voulu donner ¨¤ ces 6 milliards d'habitant un visage, une voix. Ce fut le d¨¦but de mon projet intitul¨¦ ??6 milliards d'Autres?? (aujourd'hui?rebaptis¨¦ 7 milliards d'Autres) qui est all¨¦ interroger des milliers de personnes sur tous les continents pour dresser un portrait vivant de l'humanit¨¦.

HUMAN est en quelque sorte la synth¨¨se de ces deux projets. Il voit le jour ¨¤ un moment o¨´ les OMD se transforment en ODD. C'est ¨¤ dire o¨´ les Nations Unies tentent de r¨¦aliser une synth¨¨se entre les enjeux environnementaux et les enjeux sociaux ou d¨¦veloppementaux. Et les deux ne s'opposent pas mais au contraire se rejoignent. Je suis persuad¨¦ que l'¨¦cologie est une nouvelle forme d'humanisme.

Dans le processus autour des OMD et des ODD, j'ai pu constater l'¨¦mergence d'une pr¨¦occupation?: rapprocher le processus onusien des citoyens. C'est ¨¤ mon avis l'un des enjeux majeurs des ann¨¦es ¨¤ venir. J'esp¨¨re que les Nations Unies vont trouver un contact plus simple plus direct avec les milliards d'habitants de notre plan¨¨te ¨C m¨ºme si je sais combien la t?che est difficile.

Car le dialogue ne doit pas se cantonner ¨¤ des discussions entre dirigeants ou ??d¨¦cideurs??, il doit impliquer l'ensemble des populations. Or, souvent, on n'entend que ceux qui ont le talent ou le rang social pour se faire ¨¦couter. Combien d'autres voix restent inaudibles?? Combien gagneraient ¨¤ se faire entendre?? Dans HUMAN comme dans le projet 7 milliards d'Autres, mon objectif est de donner la parole ¨¤ des gens que l'on n'entend pas habituellement?: des sans-voix, des sans-nom, des personnes qui ne font pas la une des magazines mais qui sont pourtant exceptionnelles. Souvent, bien qu'elles soient m¨¦connues, ou plut?t parce qu'elles le sont, elles portent un message d'un force explosive, proportionnelle ¨¤ leur authenticit¨¦ : leur parole ne s'est pas encore ¨¦rod¨¦e au travers du filtre m¨¦diatique.

Pour que ces paroles ne se perdent pas, il faut qu'elles trouvent un ¨¦cho. Il faut que chacun s'empare des mots qui l'auront marqu¨¦ pour les r¨¦fl¨¦chir, les r¨¦p¨¦ter, y r¨¦pondre ou les contredire, peut-¨ºtre.?

Mais j'esp¨¨re que chacun prolongera aussi ces conversations par des actes, en s'engageant, chacun ¨¤ sa mani¨¨re, pour un monde meilleur.?Chacun peut le faire ¨¤ sa mani¨¨re?: en souriant ¨¤ des inconnus, en parlant ¨¤ sa voisine ?g¨¦e ou en lui portant ses courses, en soutenant financi¨¨rement telle ou telle cause, en s'engageant pour une association,¡­ C'est l¨¤ aussi une ¨¦volution fondamentale des Nations Unies?: le lien de plus en plus fort qu'elles ont li¨¦es avec la soci¨¦t¨¦ civile, et le monde des ONG en particulier. En reconnaissant leur expertise, leur r?le, et leur importance, les Nations Unies contribuent ¨¤ dynamiser un pan essentiel de notre soci¨¦t¨¦. Elles permettent ¨¤ des voix nouvelles de s'exprimer et de s'¨¦panouir. J'ai pu le mesurer dans toutes les actions que ma fondation a men¨¦es avec les Nations Unies. Et je sais que cette relations aux ONG ne va que s'affirmer dans les ann¨¦es ¨¤ venir.

Pour conclure, je voudrais citer Paul Claudel. Il a ¨¦crit que ? Ce ne sont pas mes ¨¦pines qui me prot¨¨gent, dit la rose. C¡¯est mon parfum ? De la m¨ºme mani¨¨re, ce n¡¯est sont pas les terribles pr¨¦dictions des Cassandre de tous bords qui sauveront le monde. C¡¯est notre capacit¨¦ ¨¤ nous ¨¦mouvoir. C¡¯est notre capacit¨¦ ¨¤ voir la beaut¨¦ qui habite en chacun d¡¯entre nous. Et, parfois, ¨¤ la faire ¨¦clore en nous ouvrant aux autres et en laissant notre c?ur parler d¡¯amour. L¡¯amour, entendu au sens large comme une forme d¡¯empathie et de bienveillance, est le ciment de toute vie sociale, la pierre de vo?te d¡¯un ? vivre ensemble ?. L¡¯amour est r¨¦volutionnaire. L'amour est la force qui changera notre monde. C¡¯est ce que j¡¯essaie de dire dans HUMAN. C¡¯est ce que j¡¯ai toujours essay¨¦ de dire.

?

La?Chronique de l¡¯ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privil¨¨ge d¡¯accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingu¨¦s ne faisant pas partie du syst¨¨me des Nations Unies dont les points de vue ne refl¨¨tent pas n¨¦cessairement ceux de l¡¯Organisation. De m¨ºme, les fronti¨¨res et les noms indiqu¨¦s ainsi que les d¨¦signations employ¨¦es sur les cartes ou dans les articles n¡¯impliquent pas n¨¦cessairement la reconnaissance ni l¡¯acceptation officielle de l¡¯Organisation des Nations Unies.?