L’espace francophone célèbre chaque année le 20 mars, la Journée Internationale de la Francophonie, qui est également la Journée de la langue fran?aise à l’ONU. Cette date fait écho à la naissance de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), qui a vu le jour en Afrique, à Niamey (Niger), le 20 mars 1970. La philosophie des quatre pères fondateurs (Président du Sénégal, Leopold Sédar Senghor et ses homologues tunisien, Habib Bourguiba et nigérien, Hamani Diori, ainsi que le Prince Norodom Sihanouk du Cambodge) est parfaitement reflétée dans une formule du poète Sédar Senghor?: ??dans les décombres du colonialisme, nous avons trouvé cet outil merveilleux, la langue fran?aise?? consistant à mettre à profit le fran?ais au service de la solidarité, du développement et du rapprochement des peuples.
Aux domaines originels de la coopération francophone, la langue fran?aise, la culture et l’éducation, se sont ajoutés, au fil des Sommets des Chefs d’Etat et de gouvernement, instance suprême de la Francophonie institutionnelle se réunissant tous les deux ans, le champ politique (paix, démocratie, droits humains), le développement durable, l’économie, les technologies numériques, soit quatre missions définissant la raison d’être de la Francophonie.
Dans ses interventions, l’OIF privilégie trois thématiques prioritaires transversales : enseignement/apprentissage du fran?ais, égalité Femmes-Hommes, initiatives en faveur de la jeunesse.
Car l’espace francophone est jeune?! Il compte en son sein 765 millions de jeunes, un potentiel incroyable. 70% de la population de certains pays est composée de jeunes.
Fondée sur les valeurs et la vision des pères fondateurs, que nous venons d’exposer, la mission de la Francophonie revêt une pertinence toujours renouvelée, au service des populations, avec agilité, solidarité et efficacité, particulièrement dans le contexte des défis mondiaux que nous traversons et de la remise en cause du multilatéralisme.
La Francophonie regroupe 88 ?tats et gouvernements venant du Nord et du Sud, réunis par une langue et des valeurs communes, elle est un creuset de la diversité culturelle. Ses membres sont profondément attachés au multilatéralisme.
Nommée en 2021 en qualité de Représentante de l’OIF auprès des Nations Unies, j’ai le privilège de porter aux Nations Unies l’action politique et diplomatique conduite par Madame la Secrétaire générale de la Francophonie Louise Mushikiwabo, en coordination étroite avec les Missions permanentes des pays membres de l’OIF réunis au sein du Groupe des Ambassadeurs francophones. Pleinement engagée dans la promotion et la défense du statut du fran?ais, langue officielle des Nations Unies et langue de travail du Secrétariat, la Représentation de l’OIF porte une ambition plus large, la défense du multilinguisme dans l’enceinte onusienne.?
Dans les enceintes onusiennes en effet, la tendance au monolinguisme qui s’est renforcée depuis plusieurs décennies au bénéfice de l’anglais s’est accélérée pendant la pandémie du COVID-19. Le déclin du fran?ais dans les activités et le fonctionnement du système onusien est, il faut le regretter, une réalité. Paradoxalement, les organes de l’ONU n’ont jamais autant délibéré sur l’enjeu du multilinguisme. Un volume important de résolutions, décisions et cadres stratégiques visant à promouvoir le multilinguisme a été adopté sans pour autant enrayer le recul du fran?ais et des autres langues officielles. ?
Cette dynamique négative ne doit pas saper notre espoir de voir la position du fran?ais et de la diversité linguistique s’améliorer dans les programmes et processus des Nations Unies, en particulier dans l’après COVID-19.
En premier lieu, le multilinguisme a été consacré à de nombreuses reprises par l’Assemblée générale comme une valeur fondamentale de l’ONU. Les ?tats veillent à sa mise en ?uvre et le Groupe des Ambassadeurs francophones est particulièrement mobilisé. En sentinelle du multilinguisme et de la langue fran?aise, ils documentent les entraves au régime linguistique de l’Organisation, interpellent les hauts cadres dirigeants de l’ONU sur les manquements observés en particulier eu égard aux négociations majeures qui se déroulent sans interprétation. Les Ambassadeurs francophones rappellent systématiquement leur attachement au respect du multilinguisme et au statut du fran?ais à l’ONU dans le cadre des déclarations présentées à l’ouverture des travaux des instances onusiennes. Ils soulignent le lien étroit entre le plein respect du multilinguisme et la revitalisation du multilatéralisme.
Deuxièmement, le renforcement du cadre normatif et des dispositifs institutionnels destinés à faire progresser le multilinguisme à l’ONU est une avancée positive pour un rééquilibrage des langues. Les Nations Unies se sont dotées d’instruments essentiels. Evoquons à titre d’exemples , lancé en 2020, qui a vocation à fournir un référentiel commun pour l’ensemble des langues officielles, dans les domaines de l’évaluation et du recensement des compétences linguistiques, de la détermination des exigences linguistiques pendant le recrutement, de la gestion et de la planification stratégique des ressources humaines, de l’enseignement des langues. Le Secrétariat adoptera prochainement un cadre stratégique sur le multilinguisme, qui permettra l’intégration systématique du multilinguisme à l’action des Nations Unies. Cette action, pilotée par le Bureau du Coordonnateur pour le multilinguisme des Nations Unies, re?oit le soutien de l’OIF.
Troisièmement, les équipes dirigeantes des Nations Unies sont bien conscientes que le multilinguisme est un vecteur d’efficacité et de confiance dans l’action onusienne, de mobilisation des ?tats, de transparence et d’appropriation nationale des décisions et recommandations du système des Nations Unies. Le Secrétaire général est pleinement engagé pour le plus grand respect du multilinguisme. Il en a fait une priorité de son mandat. Il s’est clairement exprimé en faveur d’un renforcement de la présence des hauts fonctionnaires francophones au sein des Nations Unies, tant au siège que sur le terrain. L’OIF travaille dans ce sens avec le Secrétariat de l’ONU pour promouvoir les appels à candidatures auprès de ses réseaux.
La Représentation de l’OIF est la cheville ouvrière des différents réseaux de veille et d’influence en faveur de la langue fran?aise à l’ONU. Elle assure la coordination du Groupe des Ambassadeurs francophones et approfondit le partenariat avec le Secrétariat pour un plus grand rayonnement de la langue fran?aise, à tous les niveaux.
Le champ politique et diplomatique n’est pas en reste. Forte de ses principes directeurs de la coopération et de la solidarité, l’OIF déploie une action pour prévenir et répondre aux crises et conflits dans les pays de l’espace francophone en étroite coopération avec nos partenaires internationaux, au premier rang desquels l’ONU.
Quelques illustrations?:
L’OIF contribue directement au renforcement des capacités de ses ?tats membres et de leurs personnels afin d’optimiser la contribution francophone aux opérations de paix onusiennes, et de faire vivre le fran?ais dans ces opérations. Les plus vastes opérations de maintien de la paix sont en effet déployées dans des pays francophones — la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO), la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour?la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA). Cette coopération débouche sur nombre de résultats tangibles (formations développées pour la première fois en fran?ais au bénéfice des chefs de missions ainsi que des officiers militaires féminins?; projet pilote développé avec la MINUSMA au Mali pour le renforcement des compétences linguistiques en fran?ais des troupes non francophones).
L’OIF mène également des actions de prévention et de gestion des crises par des initiatives diplomatiques et politiques s’inscrivant dans des dynamiques collectives, pour plus d’efficacité.
Enfin, la Francophonie accompagne les processus démocratiques des ?tats membres, en mettant à disposition une expertise s’appuyant sur un dispositif unique, ses réseaux institutionnels, regroupant des institutions judiciaires, de régulation et de médiation, de promotion et de protection des droits de l’Homme. L’OIF est également très engagée en appui aux processus électoraux.
Le thème choisi pour la Journée internationale de la Francophonie 2023 est ??321 millions de francophones, des milliards de contenus culturels?? afin de célébrer la création culturelle francophone, sa diversité, mais aussi la nécessité de valoriser l’accès aux contenus culturels francophones en ligne, leur découvrabilité. Une vaste programmation culturelle sur les cinq continents marquera ainsi la célébration de la Journée internationale de la Francophonie?().?
Notre diplomatie culturelle vient constamment renforcer l’action politique et technique présentée dans cet article. Elle est la marque de notre Organisation, des valeurs universelles et de l’humanisme qu’elle promeut, et illustre son engagement inlassable pour le plein respect de la diversité.
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La?Chronique de l’ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privilège d’accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingués ne faisant pas partie du système des Nations Unies dont les points de vue ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Organisation. De même, les frontières et les noms indiqués ainsi que les désignations employées sur les cartes ou dans les articles n’impliquent pas nécessairement la reconnaissance ni l’acceptation officielle de l’Organisation des Nations Unies.?