05 mai 2015

Les objectifs de développement durable (ODD) proposés par le Groupe de travail ouvert de l’Assemblée générale des Nations Unies reconna?t l’importance de l’environnement naturel et de ses ressources pour le bien-être humain. Dans son ensemble, c’est une charte importante pour le XXIe siècle, car elle aborde les défis auxquels nous faisons face en tant que communauté internationale. L’ODD 7, qui vise à ? garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes à un co?t abordable ?, est un défi auquel sont confrontés tous les pays et qui touche tout le monde. Pour comprendre l’importance de cet objectif et ce qu’il faut faire pour le réaliser, nous devrions examiner l’énoncé de l’objectif. Les quatre dimensions de l’ODD 7 sont le co?t abordable, la fiabilité, la durabilité et la modernité. Elles sont différentes, mais ne s’excluent pas mutuellement. Elles se chevauchent et, dans certains cas, se superposent.

Que signifie avoir accès à des services énergétiques à un co?t abordable ? L’hétérogénéité énergétique dans le monde est, en grande partie, due aux richesses naturelles et au pouvoir d’achat. Par exemple, un pays possédant des gisements de charbon importants aura probablement recours à cette ressource pour industrialiser son économie. Les populations de ce pays l’utiliseront comme moyen principal de production d’énergie. En revanche, les populations qui vivent dans des pays ne possédant pas de stocks de combustibles fossiles auront probablement recours à des méthodes de combustion plus primitives, comme les fibres de bois ou, parfois même, les bouses d’animaux. C’est, en effet, la condition qui a prévalu tout au long de l’histoire de l’humanité et qui continue de l’être pour un grand nombre de pays en développement. Par exemple, environ 2,7 milliards de personnes (près de 40 % de la population mondiale) dépendent de la biomasse, un combustible traditionnel, pour la cuisson des aliments1. Ces combustibles de mauvaise qualité peuvent être une cause majeure de pollution de l’air intérieur. Même avec le développement de l’accessibilité à l’énergie, le nombre de décès annuel d? à la pollution de l’air intérieur s’élève à plus de 1,5 million – un nombre plus élevé que celui d? au paludisme et à la tuberculose2.

Alors que la mondialisation continue de lier le monde à des réseaux de commerce de plus en plus denses et complexes, les pays peuvent augmenter et diversifier leurs ressources énergétiques au moyen de l’importation. Toutefois, si le niveau de développement d’un pays est bas et que les co?ts énergétiques, qui sont de plus en plus déterminés par le marché financier mondial, sont élevés, les populations n’auront pas accès à l’énergie quelles que soient l’importance ou la diversité des ressources énergétiques du pays. Pour que les co?ts restent abordables, il faut donc augmenter le niveau des revenus (et donc le pouvoir d’achat) et contr?ler l’impact que les forces impersonnelles des marchés mondiaux ont sur les co?ts auxquels sont confrontés les gens dans la vie quotidienne.

Offrir des co?ts abordables n’a cependant aucun sens si l’approvisionnement énergétique n’est pas fiable. Dans de nombreuses parties du monde en développement, les sources énergétiques sont souvent rares et leur approvisionnement est intermittent. Aujourd’hui, 20 % de la population mondiale n’a toujours pas accès à l’électricité et une grande partie est victime de pannes de courant3. En Inde, en 2012, une panne importante a privé près de 700 millions de personnes d’électricité, paralysant les systèmes de transports et de communications et causant un nombre inconnu de morts4. Cette catastrophe n’a pas été seulement causée par un problème d’approvisionnement, mais aussi par une mauvaise gestion des infrastructures énergétiques ainsi que par le manque de développement de ces services. L’activité économique de base dépend donc d’un approvisionnement régulier, d’une gouvernance fiable, et d’un système de distribution stable. Les dimensions socio-économiques de la fiabilité énergétique sont multiples.

L’électricité, les systèmes de transports et d’information automatisés sont essentiels au développement économique. Ce sont aussi des caractéristiques de base d’une société moderne. Les sources et les systèmes énergétiques qui satisfont aux besoins de fa?on fiable et à un co?t abordable devraient donc aussi être considérés comme ? essentielles à la vie moderne ?. La croissance démographique continuera d’augmenter en Inde, en Afrique subsaharienne et dans d’autres parties du monde en développement. La consommation par habitant augmentera aussi, créant une plus grande demande pour les services décrits ci-dessus et, donc, pour l’accès à des services énergétiques modernes. Au cours des 25 prochaines années, environ 90 % de la croissance de la demande énergétique viendra des pays qui ne sont pas membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), c’est-à-dire des pays qui ne font pas partie des économies occidentales riches, et du Japon5. Satisfaire à cette croissance de la demande énergétique sera l’un des grands défis du XXIe? siècle. C’est pourquoi ce point occupe une place centrale dans les ODD. Il nous conduit aussi à la dimension finale de l’ODD 7 : la durabilité.

L’énergie devrait être produite en quantité suffisante pour satisfaire les besoins fondamentaux des êtres humains, maintenir et améliorer les fonctions sociales et relever le niveau de vie. Elle devrait aussi remplir ces fonctions de fa?on aussi durable que possible, c’est-à-dire que la quantité d’énergie produite devrait être supérieure à celle des déchets et de la pollution qui en résulte. Toutes les énergies durables doivent être modernes même si toutes les formes d’énergie moderne ne sont pas durables comme, par exemple, le charbon. Historiquement, le charbon a joué un r?le fondamental dans l’industrialisation et le progrès. Si un plus grand nombre de personnes jouissent d’un niveau de vie inimaginable auparavant, c’est en grande partie gr?ce au charbon. Si cette ressource présente de nombreux atouts – par exemple, l’abondance, une vaste distribution et une grande facilité d’utilisation, la liste des problèmes qu’elle cause est longue. Et avec la croissance démographique et la dégradation de l’environnement, elle continue de s’allonger.

Aujourd’hui, le charbon fournit 40 % de l’électricité mondiale et à peu près la même quantité d’émissions de dioxyde de carbone6. Avec un faible ratio énergie/masse, il est aussi inefficace et pollue considérablement l’atmosphère. Il est donc ni durable au niveau mondial en raison de sa contribution au changement climatique anthropique ni au niveau local, car il menace la santé publique et les conditions écologiques (en plus des produits polluants issus de la combustion, l’exploitation du charbon crée de nombreux problèmes environnementaux). Face à une utilisation répandue du charbon et?à l’émergence d’une économie mondiale reposant pour l’essentiel sur les combustibles fossiles, que pouvons-nous faire ?

Ces défis requièrent une approche pragmatique, multidimensionnelle. Les solutions doivent être recherchées au niveau mondial où les gouvernements et les institutions doivent travailler ensemble. Les accords internationaux sur les changements climatiques sont le fruit le plus visible de ces efforts. Les ODD ont aussi défini le cadre de la coopération et contribué à un nouveau consensus sur les priorités. En termes de politiques, le transfert des technologies énergétiques propres aux pays en développement est un exemple important. En effet, les accords internationaux sur les changements climatiques, comme le mécanisme pour un développement propre (MDP), prévoient ces transferts de manière explicite. Ce n’est, cependant, pas suffisant. Les solutions doivent être aussi élaborées au niveau local. Il s’avère que les populations locales et, en particulier, les régions rurales pauvres, ne bénéficient pas toujours des avantages apportés par le MPD, alors qu’ils sont nécessaires et qu’ils ont un impact positif7. Le développement devrait prendre en compte les conditions locales et déterminer les conséquences imprévues des politiques énergétiques. L’utilisation à grande échelle des combustibles fossiles peut avoir des conséquences imprévues, mais graves sur l’environnement. Les nombreux hectares de terres déboisées pour l’huile de palme compromettent le bien-être local et rappellent avec force la complexité des problèmes énergétiques auxquels nous sommes confrontés.

L’accès à une énergie abordable, fiable, durable et moderne fait partie intégrante du développement mondial au XXIe? siècle. Les solutions nécessaires pour relever ce défi ne sont encore pas toutes disponibles et celles qui le sont ne sont peut-être pas encore visibles. Trouver des solutions et les conformer aux différentes situations ne sera pas une t?che aisée. C’est cependant possible si les organisations internationales ont une vision à long terme, si les gouvernements travaillent ensemble et si les incitations appropriées et les moyens nécessaires sont offerts aux communautés et aux individus. L’ODD?7 est, tout au moins, un pas important dans cette direction. ?

Notes

1??? Agence internationale de l’énergie, Pauvreté énergétique : Comment rendre universel l’accès à l’énergie moderne ? Special early excerpt of the World Energy Outlook (WEO) 2010 pour l’Assemblée générale sur les objectifs du Millénaire pour le développement. (Paris, 2010) p. 9, 20. ?Disponible sur le site?.?

2??? Agence internationale de l’énergie, World Energy Outlook 2010 (Paris, 2010), p. 237. Disponible sur le site .

3??? Agence internationale de l’énergie, Pauvreté énergétique : Comment rendre universel l’accès à l’énergie moderne ? p. 9.?Disponible sur le site?.?

4??? Helen Pidd, ? India blackouts leave 700 million without power ?, The Guardian, 31 juillet 2012. Disponible sur le site .

5??? Agence internationale de l’énergie, World Energy Outlook 2011 Fiche d’information : How will global energy markets evolve to 2035? (Paris, 2011). Disponible sur le site .

6?? ?Michelle Nijhuis, ? Can Coal Ever Be Clean? ?, National Geographic Magazine, vol. 225, numéro 4 (avril 2014), p. 30-40. Disponible sur le site

7? Srikanth Subbarao et Bob Lloyd, ? Can the Clean Development Mechanism (CDM) Deliver? ?, Energy Policy, vol. 39, numéro 3 (mars 2011), p. 1600-1611.

?

La?Chronique de l’ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privilège d’accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingués ne faisant pas partie du système des Nations Unies dont les points de vue ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Organisation. De même, les frontières et les noms indiqués ainsi que les désignations employées sur les cartes ou dans les articles n’impliquent pas nécessairement la reconnaissance ni l’acceptation officielle de l’Organisation des Nations Unies.?