Tirer profit de l'essor de la noix de cajou
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Tirer profit de l'essor de la noix de cajou
La saison annuelle de «récolte de sousÌý» -- de février à juin -- bat son plein en Côte d'Ivoire. La culture de l’anacarde a tant amélioré la vie de certains fermiers – ils gagnent maintenant bien plus d'argent qu’ils n’obtiendraient des cultures vivrières ou du coton et leur vie en a été si transformée -- qu’ils en sont venus à considérer leurs vergers comme des lieux où «l'argent pousse sur les arbres.Ìý»
Ìý«Ces fermiers ne cultivent pas du cacao comme ailleurs dans le pays. La noix de cajou est la seule culture de rente sur laquelle ils peuvent compter tout au long de l'annéeÌý» explique Ga Koné du Conseil du coton et de l’anacarde (CCA), «on peut donc comprendre qu’ils leurs vergers en ces termes», a-t-il déclaré à Afrique Renouveau.
La Côte d'Ivoire a produit 550 000 tonnes de noix de cajou brutes en 2014,, soit environ 22% de la production mondiale. A la fin de la saison 2015, la production devrait atteindre le chiffre record de 600 000 tonnes, plaçant ainsi le pays parmi les grands producteurs mondiaux. La production annuelle n'a cessé de croître à un taux moyen de 11%, d’après le CCA, l'office de commercialisation du secteur composé de représentants du gouvernement, d'agriculteurs et d'associations bancaires. Le CCA veille également à ce que les agriculteurs soient payés à des prix décents. Pour chaque 10 dollars de noix de cajou brutes exportés par la Côte d'Ivoire, par exemple, les agriculteurs devraient Ìýen recevoir6 dollars.
L'essor du secteur de la noix de cajou représente pour l'économie ivoirienne une occasion inattendue, néanmoins bienvenue, de diversifier les exportations agricoles au-delà du cacao et du caoutchouc. IlÌý permettra également de développer l’agro-industrie du pays. Cependant, la Côte d’Ivoire ne pourra en tirer vraiment profit que si elle transforme et ajouteÌý de la valeur à ses noix de cajou brutes. Le pays dispose d’une capacité de transformation annuelle de 65 000 tonnes de noix brutes mais il n’en transforme actuellement que 40 000 tonnes, selon le CCA. Pour autant, la transformation se limite bien souvent au triage desÌý noix brisées et des noix entières et à leur empaquetage pour l’exportation.
Lutte contre la désertification
Les anacardiers ont été introduits en Afrique de l'Ouest en provenance de l’Inde au début des années 1960 pour lutter contre la désertification et l'érosion des sols à travers l'agroforesterie et le développement d’aires forestières protégées. Cet arbre tropical à feuillage persistant Ìýpeut survivre dans des conditions difficiles, y compris dans les sols sableux et peut atteindre jusqu'à 12 mètres de haut.
Dans les années 70, la Côte d'Ivoire n’avait produit que 300 tonnes environ de noix de cajou. La production commerciale restera modeste durant les 30 années suivantes. Un cap a été franchi en 2002, lorsque la production dépassa les 100 000 tonnes. Et à l’exception d’une courte baisse enregistrée en 2003, la production commerciale n'a cessé de croître depuis lors.
L'essor de la noix de cajou en Côte d'Ivoire est remarquable. «La croissance est plus qu'impressionnante. Elle est stupéfiante», Jim Fitzpatrick, un expert en noix de cajou, confiait-il l’an dernier à Reuters. «On n'a jamais vu un pays augmenter sa production comme l’a fait la Côte d'Ivoire au cours de la dernière décennie.»
La facilité avec laquelle les arbres poussent, la baisse de la culture du coton (culture de rente traditionnelle de la région) et l’augmentation de la demande mondiale de noix de cajou transformées sont parmi les raisons qui expliquent la performance impressionnante de ce pays. Les besoins croissants de l'Inde et du Vietnam en noix de cajou brutes ont également favorisé l’augmentation de la culture de la noix de cajou en Côte d'Ivoire. En tant que premier exportateur mondial de noix de cajou transformées, l'Inde importe 50% à 60% des noix de cajou brutes d’Afrique et d’Asie .
Les pays africains produisent environ 45% du volume annuel mondial de noix de cajou soit 1,2 million de tonnes. Cependant, ainsi que le révèle l’Initiative pour le cajou africain - un projet financé par le gouvernement allemand et la Fondation Bill & Melinda Gates, et regroupant cinq pays producteurs africains seule 10% de cette production est transformée localement.
Cependant, le remarquable essorÌý de la noix de cajou n’a eu que peu de retombées pour les régions productrices. Seul un petit nombre de petits agriculteurs en récoltent les bénéfices. En 2014 par exemple, 250 000 agriculteurs ivoiriens ont contribué à la production de noix de cajou dont les revenus ont bénéficié à 1,5 million de personnes. Pourtant, dans le district de Zanzan situé au nord-est de la Côte d'Ivoire, l'une des régions de production les plus florissantes, les niveaux de pauvreté restent parmi les plus élevés du pays. Six personnes sur 10 y vivent en dessous du seuil de pauvreté, et les trois quarts de la population n'ont pas accès à l'eau potable.
Vers l’industrialisation
Selon une étude commandée par le gouvernement, la Côte d'Ivoire pourrait gagner jusqu'à 127 millions de dollars en recettes d'exportation si elle doublait à l’horizon 2020 son volume d’exportation actuelleÌý: – 500 000 tonnes brutes. Les bénéfices pourraient même être plus importants et stimuler une véritable industrie de la noix de cajou capable de rivaliser sur les marchés internationaux avec l'Inde et d'autres pays producteurs tel que le Vietnam.
Pour commencer, et au-delà de garantir un prix d'achat minimum aux producteurs, le défi pour la Côte d'Ivoire est d'investir davantage dans les usines de transformation. Sa principale usine de transformation, la plus grande d'Afrique, ne dispose actuellement que d’une capacité de transformation annuelle de 30 000 tonnes de noix de cajou brutes . Une autre usine, ouverte l'année dernière avec une capacité de transformation initiale de 2 000 tonnes, devrait bientôt atteindre sa pleine capacité de 20 000 tonnes par an.
La maturité du marché de la noix de cajou ne pouvait mieux tomber pour la Côte d’Ivoire. Les investisseurs, prétendument inquiets de la domination du marché par l’Inde et le Vietnam, pourraient choisir de diversifier l'offre et commencer à investir dans la production africaine.
Si elle y réussit, la Côte d'Ivoire pourrait donnerÌý un bon exemple de la manièreÌý dont la valeur ajoutée générée localement peut générer des recettes publiques supplémentaires tout en créant des emplois. Selon une étude réalisée par le CCA, chaque 100 000 tonnes de capacité de transformation développée par la Côte d'Ivoire permettra de créer 12 300 emplois en usine et 10 000 autres ailleurs dans le secteur.
Le marché mondial de la noix de cajou était évalué à 7,8 milliards de dollars l'an dernier et devrait augmenter de 15% cette année. Si la demande croissante de la Chine venait à Ìý soutenir le dynamismeÌý du marchéÌý; l'argent pourrait alors Ìýcontinuer à «Ìýpousser sur les arbresÌý» et à bénéficier à un plus grand nombre d’Ivoiriens.