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Microfinance: Une aubaine pour les pauvres ?

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Microfinance: Une aubaine pour les pauvres ?

Pour aider les pauvres de la pauvreté, il faut des emplois et non des emprunts
Afrique Renouveau: 
A MicroEnsure agent talks to microfinance clients about microinsurance at a group meeting in Nairobi, Kenya.  Alamy/David Dorey
Photo: Alamy/David Dorey
Un agent de MicroEnsure parle de micro assurance à des clients à Nairobi, Kenya. Photo : Alamy/David Dorey

En 2005, les Nations Unies ont déclaré l''année «Année internationale du microcrédit ». À une époque où l''on réclamait avec force&nbsp l''inclusion financière, cette déclaration a déplacé la microfinance de la périphérie de la finance et offert à environ 2,5 milliards de personnes la possibilité&nbsp de «&nbspdévelopper des entreprises florissantes et, par là même , de subvenir aux besoins de leurs familles, en créant des économies locales fortes et florissantes.&nbsp»

A cette époque, beaucoup pensaient&nbsp qu''il serait pratiquement impossible de réduire l''extrême pauvreté&nbsp si la majorité des pauvres ne pouvaient&nbsp avoir accès à l’épargne ni au crédit. Les petits prêteurs avaient à peine accès au secteur financier traditionnel. Leurs prêts étaient limités à moins de 200 dollars à un taux d''intérêt élevé. La rigidité des banques commerciales signifiait que les Établissements de microfinance (EMF) représentaient le seul espoir d''inclusion financière pour les pauvres du monde. Le&nbsp Secrétaire général de l''ONU à cette époque, Kofi Annan, a reconnu ce fait&nbsp en déclarant&nbsp que la microfinance pourrait servir&nbsp «d''&nbsparme contre la pauvreté et&nbsp la faim&nbsp».

Dix ans&nbsp plus tard, le monde a la possibilité de déterminer&nbsp si le microcrédit «&nbspaméliore&nbsp vraiment la vie des gens &nbsp», comme M. Annan l''avait affirmé. En juillet de cette année, l''ONU tiendra la troisième Conférence internationale sur le financement du développement, à Addis-Abeba, en Éthiopie. La conférence se penchera sur tout l’éventail de&nbsp mécanismes efficaces de mobilisation des ressources pour le développement et la microfinance sera sans doute&nbsp l''un des sujets clés.

Le moment est critique parce que la contribution du microcrédit à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement, un ensemble de références mondiales pour les États membres de l''ONU qui doit expirer en 2015, a été minime. Les OMD seront remplacés par les Objectifs de développement durable (ODD) proposés, qui doivent&nbsp être approuvés lors du sommet des dirigeants du monde en septembre 2015 au siège de l''ONU.

Sans doute, le mouvement en faveur au de la microfinance est-il essentiel au programme&nbsp de développement. Le succès du mouvement dans un pays comme le Bangladesh, qui compte le&nbsp nombre impressionnant&nbsp de 20 millions de micro-emprunteurs, a montré que la microfinance peut sortir des millions de personnes de l''extrême pauvreté.

La Chine, qui, en une seule génération est devenue la deuxième&nbsp économie du monde, a également prouvé que la microfinance peut aider les entreprises à prospérer. Jusqu''en 2005, la Chine n''autorisait pas d''EMF.&nbsp Une décennie plus tôt, le gouvernement avait commencé à expérimenter la microfinance comme&nbsp outil de réduction de la pauvreté, et en 2005, il a autorisé la commercialisation de la microfinance. Cela a ouvert les vannes des ressources qui permettent de lutter contre la pauvreté et de stimuler la croissance des entreprises dans les zones rurales où la majorité des 400 millions d''habitants du pays qui vivent avec moins de 2 dollars par jour sont concentrés. Depuis l''approbation du microcrédit, le secteur a connu une croissance exponentielle.

En Afrique subsaharienne, les gouvernements apprécient maintenant l''impact de la microfinance et ont promulgué des lois favorables,&nbsp encouragé les investissements, t ouvert le secteur aux capitaux étrangers et amélioré les mécanismes de contrôle afin de&nbsp protéger les clients. La croissance du secteur témoigne de la forte demande de microcrédit.

«&nbspLe microcrédit est un catalyseur efficace dans la lutte contre la pauvreté en Afrique. Les gens doivent avoir accès à des capitaux pour développer leurs activités formelles et informelles qui leur offrent un revenu régulier et leur permettent de mener une vie décente&nbsp», explique Mads Kjaer, Directeur exécutif de MYC4, une plate-forme en ligne basée au Danemark qui aide les personnes à prêter de l''argent aux petites entreprises d''Afrique subsaharienne. Le prêt moyen s''élève à environ 150 dollars par mois.&nbsp

La croissance de la microfinance en Afrique depuis 2000 est une source d''inspiration. Les données émanant de&nbsp Microfinance Information Exchange, une organisation à but non lucratif qui assure le suivi du secteur, montrent que de 2002 à 2012 l''industrie a connu une croissance&nbsp de plus de 1&nbsp300&nbsp%. Pendant cette période, le portefeuille de prêts bruts s''est envolé, passant de 600 millions à 8,4 milliards de dollars . Le nombre de clients ou déposants &nbspde la microfinance a bondi de 3 millions à 20&nbspmillions , avec une augmentation des emprunteurs actifs de 3 à 7 millions.

Dans des pays comme le Bénin, le Rwanda, le Sénégal et la Tanzanie, la microfinance est devenue une bouée de sauvetage pour les personnes à faible revenu, qui sont en grande partie dans les secteurs informels. Au Bénin, où un tiers de la population vit avec moins de 1,25 dollar par jour, les paysans, les transformateurs d''aliments et les petits commerçants dépendent entièrement du microcrédit pour survivre . Cela a même forcé le gouvernement à intégrer&nbsp le secteur en mettant en place le Fonds National de la Microfinance, qui est conçu spécifiquement pour lutter contre la pauvreté dans les zones rurales grâce à&nbsp l''octroi de petits prêts. Au Rwanda, la croissance du secteur de la microfinance est plus rapide que celle du secteur bancaire officiel.

«&nbspLa microfinance ne reçoit pas tout le crédit qu''elle&nbsp mérite, mais elle sauve la vie de ceux qui sont au bas de la pyramide&nbsp», affirme James Mugambi, le directeur général de Premier Kenya, un organisme micro-prêteur dont les clients se trouvent dans toute&nbsp l''Afrique de l''Est.

Malgré la croissance impressionnante de la microfinance en Afrique, son impact en matière de réduction de&nbsp la pauvreté demeure relativement marginal, estiment certains critiques. Le secteur sert encore une petite fraction de la population et offre des prêts qui sont coûteux et à court terme. Son impact a donc été en grande partie perceptible sur les ménages, où les petits prêts offrent aux familles la possibilité de gagner un revenu régulier à travers de petites entreprises, de régler certains frais tels que les frais de scolarité, d''investir dans le bétail&nbsp ou d''acheter un système d''éclairage solaire, entre autres choses.

«&nbspLe microcrédit n''est pas un moyen efficace de&nbsp réduire la pauvreté&nbsp», constate&nbsp Aneel Karnani de la Ross School of Business de l''Université du Michigan aux États-Unis. «&nbspLa meilleure façon de réduire la pauvreté est de créer de nombreux emplois&nbsp convenant&nbsp aux pauvres. Le meilleur moteur pour ce faire est la création de petites et moyennes entreprises, et non de micro-entreprises&nbsp».

Conférence d''Addis

La troisième Conférence internationale sur le financement du développement sera donc confrontée au défi inédit de libérer le potentiel entravé&nbsp de la microfinance afin de garantir un impact durable. Elle se déroulera alors que le secteur de la microfinance est à la croisée des chemins. Aujourd''hui, la microfinance risque d’être anéantie&nbsp dans de nombreux pays d''Afrique subsaharienne où&nbsp les banques commerciales ajustent leurs modèles commerciaux pour accueillir les petits épargnants et emprunteurs. Mais sans doute, la plus grande menace pour les EMF émane des sociétés de télécommunication, qui ciblent les clients de micro-prêteurs en leur proposant&nbsp des services bancaires mobiles.

Un nouveau rapport de la Banque mondiale affirme que les services bancaires mobiles sont devenus la panacée au Kenya pour favoriser l''inclusion financière. Ce Rapport qui mesure&nbsp l''inclusion financière dans le monde révèle&nbsp qu''un pourcentage impressionnant&nbsp de la population kényane (75%) est bancarisé, la majorité via les téléphones mobiles. Les services bancaires mobiles sont désormais considérés&nbsp comme étant plus viables que la microfinance. «&nbspLa banque mobile aidera les pauvres à transformer leur vie&nbsp», a déclaré Bill Gates, un des hommes les plus riches au monde, en faisant allusion&nbsp à M-Pesa, un produit bancaire mobile au Kenya.

Selon M. Kjaer de MYC4, la conférence d''Addis-Abeba doit examiner&nbsp les goulots d''étranglement qui ont empêché&nbsp la microfinance de réaliser son plein potentiel en termes de réduction de la pauvreté. «&nbspLa microfinance est un outil dont l''Afrique ne peut pas se passer,&nbsp» affirme-t-il. Ce qu''il nous faut , ce sont des modèles commerciaux novateurs pour la rendre plus attrayante.

La&nbsp microfinance pourrait peut-être retrouver son attrait grâce à&nbsp la capitalisation. Dans la configuration actuelle, la majorité des EMF en Afrique sont très sous-capitalisés. Beaucoup fonctionnent juste au-dessus du seuil exigé par les régulateurs. En raison de cette sous-capitalisation, les EMF sont obligés de répartir le risque en ne proposant que de petits prêts à beaucoup de gens à des taux d''intérêt absurdes.

Diriger des capitaux vers&nbsp la microfinance afin de permettre aux prêteurs d''offrir&nbsp des prêts plus importants à des taux plus faibles et assortis d''échéances longues&nbsp permettrait au secteur de contribuer plus&nbsp efficacement à réduire la pauvreté. Même si&nbsp les sources naturelles de capital sont les bailleurs de fonds et les investisseurs privés, le secteur peut aussi puiser dans les capitaux bon marché détenus par les fonds souverains et les fonds de pension. À la fin de 2013, le total des actifs des fonds souverains s''élevait à 5 000 milliards de dollars&nbsp dans le monde .

«&nbspIl y a des ressources qui peuvent être mises à la disposition des EMF, mais il faut un contrôle approprié,&nbsp» note M. Kjaer.

Une autre stratégie possible consiste à changer l''objectif principal du microcrédit. Traditionnellement, la microfinance est perçue comme un guichet d''urgence&nbsp pour les prêts nationaux d''urgence. Il conviendrait davantage&nbsp de changer la mentalité&nbsp du secteur afin qu''il devienne une source de fonds pour les entreprises susceptibles de se&nbsp développer et d''employer plus de personnes.

Positionner le microcrédit comme un outil de développement face à un monde de plus en plus sceptique lors de la réunion d''Addis peut être un objectif difficile à atteindre. Cependant, le refus des parties prenantes de reconnaître l''importance de la microfinance en matière&nbsp de&nbsp réduction de la pauvreté pourrait sonner le glas pour le secteur. Il est impératif de noter que la croissance de la microfinance au cours de la dernière décennie a été propulsée en grande partie par le capital de sympathie fourni&nbsp principalement par les partenaires du développement et le Comité Nobel norvégien, qui a attribué le Prix Nobel de la Paix 2006 à Muhammad Yunus et la Grameen Bank en raison des&nbsp prêts octroyés aux entrepreneurs trop pauvres pour intéresser les banques traditionnels. 

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