Droits fonciers : le combat des femmes
Get monthly
e-newsletter
Droits fonciers : le combat des femmes
Felitus Kures est veuve et vit à Kapchorwa, dans le Nord-Est de l’Ouganda. Depuis la mort de son mari, elle est entièrement responsable de leurs enfants. Pour subvenir aux besoins de ces derniers, elle dépendait d’une petite parcelle de terre que sa belle-famille a vendue à son insu quelques mois après la disparition de son mari. “ Ce n’est que quand l’acheteur est venu nous expulser que nous l’avons appris”, explique Mme Kures. Elle a réussi à récupérer l’usage de cette parcelle grâce à l’assistance juridique de l’Uganda Land Alliance, groupe de la société civile qui défend les droits fonciers.
Ce genre de situation n’est pas rare en Afrique, bien que Mme Kures ait eu plus de chance que la plupart des autres femmes qui, après un divorce ou la mort de leur époux, sont nombreuses à ne jamais recouvrer l’accès ou les droits aux terres détenues en commun.
Les Africaines sont à l’origine de 70 % de la production alimentaire. Elles représentent également près de la moitié de la main-d’oeuvre agricole et prennent en charge de 80 à 90 % de la transformation, du stockage et du transport des aliments, ainsi que des travaux de sarclage et de désherbage.
Mais les femmes ne disposent souvent d’aucuns droits fonciers, note Joan Kagwanja, chargée de la sécurité alimentaire et du développement durable à la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), dont le siège se trouve à Addis-Abeba (Éthiopie). Ces droits sont souvent détenus par des hommes ou des groupes de parenté contrôlés par des hommes, et les femmes n’y ont généralement accès que par l’intermédiaire d’un parent de sexe masculin. Elles sont également fréquemment tenues de remettre à cet homme l’argent provenant de la vente de produits agricoles et ne peuvent décider de l’usage qui en sera fait.
Cet accès restreint aux terres est en outre très précaire. Une étude réalisée en Zambie révèle que plus du tiers des veuves sont privées d’accès aux terres familiales à la mort de leur mari. “C’est cette dépendance à l’égard des hommes qui place de nombreuses Africaines en situation de vulnérabilité”, déclare à Afrique Renouveau Mme Kagwanja.
Des militants tentent donc d’introduire ou de renforcer des lois qui garantissent les droits fonciers des femmes et combattent les normes et pratiques sociales préjudiciables. Malgré les nombreux obstacles auxquels ils se heurtent, ils réalisent certains progrès ici et là.
Les conséquences du sida
La progression du VIH/sida et les préjugés qui entourent cette maladie n’ont fait qu’affaiblir les droits fonciers des femmes. Les veuves d’hommes qui meurent du sida sont souvent accusées d’avoir introduit la maladie dans leur famille et risquent ainsi de voir leurs terres et autres biens confisqués. Elles sont alors contraintes de vivre, avec leurs enfants, en marge de la société. “Elles sont souvent privées du droit de cultiver leurs terres et doivent survivre en vendant des aliments dans la rue”, explique Kaori Izumi, chargée de la lutte contre le VIH et du développement rural à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). “Elles n’ont pas où dormir. Cela crée des problèmes de sécurité alimentaire."
Il arrive souvent que ces femmes perdent la garde de leurs enfants, finissent par se prostituer ou par squatter. Comme elles ne peuvent subvenir elles-mêmes à leurs besoins, elles sont plus vulnérables face à la violence et à d’autres formes de maltraitance. La FAO étudie ces situations depuis 2001, ajoute Mme Izumi, appuyant ainsi l’action menée dans l’un des domaines prioritaires du Groupe de travail du Secrétaire général sur les femmes, les filles et le VIH/sida.
La FAO a constaté qu’il était possible d’améliorer la qualité de vie des femmes en leur accordant un plus grand pouvoir de décision sur les terres. “Au Botswana et au Swaziland, explique Mme Izumi à Afrique Renouveau, nous avons observé que la prostitution et d’autres comportements à risque diminuaient considérablement lorsque les femmes disposaient de véritables droits de propriété sur les biens et les terres. Les droits fonciers et droits de propriété sont donc essentiels pour assurer l’égalité sexuelle et la sécurité alimentaire."
Malheureusement, après plusieurs décennies de travail, les militants et les organismes des Nations Unies ont à peine réussi à améliorer les droits fonciers des femmes, observe Mme Izumi. “Nous devons faire le bilan de nos connaissances, de ce qui a été efficace ou non, et définir précisément l’action à mener pour garantir les droits fonciers et les droits de propriété des femmes.”
Le poids de l’histoire
Les chercheurs de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) de Washington notent que l’insuffisance des droits fonciers des femmes est un problème de longue date en Afrique. Avant la colonisation, la propriété et l’accès aux terres revêtaient diverses formes mais revenaient essentiellement aux lignées, clans et familles, et étaient placés sous le contrôle de chefs de sexe masculin. Les membres d’une lignée ou d’un clan particulier devaient demander à ces chefs communautaires ou familiaux la permission d’utiliser ces terres.
Sauf dans quelques communautés où l’héritage passait par la mère, les droits fonciers revenaient généralement aux seuls fils. Les femmes avaient rarement de véritables droits fonciers. Leurs revendications se faisaient indirectement, par le biais d’un parent de sexe masculin. Avant de se marier, une femme pouvait dans certains cas avoir accès aux terres de son père.
Mais dans de nombreuses communautés, elle perdait ce droit en se mariant, en vertu du principe selon lequel elle aurait alors accès aux terres de son mari ou de la famille de celui-ci. Lors du décès du mari, ces terres étaient transmises à ses fils, ou s’il n’en avait pas, à des parents de sexe masculin.
Benjamin Cousins, chercheur à l’IFPRI explique que, si par le passé, les femmes n’avaient pas de droits fonciers directs, elles étaient cependant protégées par des traditions qui leur permettaient de continuer à avoir accès aux terres même après une séparation, un divorce ou la mort de leur époux. Il existait également des moyens d’arbitrage traditionnels auxquels les femmes pouvaient avoir recours si l’accès aux terres leur était refusé.
Mais la colonisation a introduit les régimes occidentaux d’occupation des terres. En Afrique orientale et australe, les nombreux colons blancs ont encouragé la privatisation et la division des terres et l’octroi de titres individuels de pleine propriété.
En Afrique de l’Ouest, les formes de propriété collective ont continué de s’appliquer à une grande partie des terres, gérées par les chefs traditionnels.
A l’indépendance, certains gouvernements nouvellement formés ont proclamé, par exemple en Tanzanie, au Mozambique et au Bénin, que toutes les terres appartenaient à l’État. Au Kenya et en Afrique du Sud, la propriété privée a subsisté aux côtés de la propriété par lignée ou par clan. Au Nigéria, ces trois formes de propriété ont coexisté, notamment en milieu urbain.
Au fil des ans, l’accroissement rapide de la population a contribué à l’exploitation excessive des terres et à l’épuisement des sols. Les terres fertiles ont ainsi pris de la valeur et fait l’objet d’une concurrence accrue. Ces difficultés ont, conjointement à l’évolution des structures familiales et des relations entre clans, affaibli les mécanismes sociaux traditionnels qui garantissaient aux femmes un certain accès aux terres. Si le droit coutumier continue d’être appliqué à de nombreux conflits fonciers en Afrique, note M. Cousins, “de nombreux mécanismes de protection des femmes ne subsistent pas dans leur intégralité” à l’époque moderne. Il existe en outre aujourd’hui, dit-il à Afrique Renouveau, de nombreuses situations, comme la cohabitation sans mariage, auxquelles les normes traditionnelles ne s’appliquent pas. Par conséquent, “un grand nombre de femmes n’ont plus accès aux terres”.
Doubles systèmes
Bon nombre de pays africains reconnaissent aujourd’hui à la fois les régimes “traditionnels” de propriété foncière et les lois écrites suivant le modèle occidental. Au Nigéria, l’État a pris possession de toutes les terres après l’indépendance acquise en 1960. Bien que cela ait affaibli le régime coutumier d’occupation des sols, le gouvernement a continué de reconnaître les lois traditionnelles dans les régions où les terres étaient depuis longtemps la propriété des clans et des lignées. La reconnaissance des lois islamiques dans les États du Nord du Nigéria n’a fait que compliquer la situation.
Dans le Sud-Ouest du Nigéria, note l’IFPRI, la complexité des lois a permis à de riches élites de s’associer à des chefs tribaux pour acheter des terres qui appartenaient officiellement à des groupes de parenté, sans que quiconque, et surtout pas les femmes, puisse les en empêcher.
Ces doubles systèmes, qui associent le droit occidental et les lois coutumières, ont souvent défavorisé les femmes. Les auteurs d’une étude réalisée en 2000 sur les femmes et l’agriculture par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et la Banque mondiale donnent l’exemple de la loi sur la succession au Kenya. Cette loi stipule que les hommes et les femmes ont les mêmes droits en matière d’héritage. Mais elle indique que si un homme meurt sans testament, la transmission des terres est régie par la loi coutumière du groupe auquel il appartient. Très peu d’hommes ayant un testament et la plupart des communautés kenyanes ne permettant pas à une femme d’hériter des biens de son mari ou de son père, l’égalité que prévoient les dispositions de la loi sur la succession ne s’applique généralement pas. En pratique, estiment les auteurs de l’étude, les femmes n’ont aucun droit en matière d’héritage.
Titres de propriété
L’une des solutions préconisées à l’origine par les experts du développement pour remédier aux lacunes du droit coutumier consistait à donner des titres de propriété aux individus. Esther Mwangi, spécialiste de la question à l’université d’Harvard, observe que les gouvernements d’Afrique orientale et australe ont suivi cette approche afin de donner aux habitants la maîtrise de leurs terres sur le plan juridique. Cela devait permettre aux femmes de devenir légalement propriétaires des biens qu’elles possédaient ou dont elles héritaient.
“Dans les régions où je fais des recherches, la privatisation a en réalité privé les femmes de leur accès aux terres”, explique Mme Mwangi à Afrique Renouveau. Lorsque les titres de propriété ont été octroyés, ce sont principalement les hommes qui ont fait mettre leur nom sur les documents, car ils étaient considérés comme les “chefs de famille”. Les veuves qui ont eu la chance d’obtenir des terres n’ont eu que les plus petites parcelles.
Le nombre de foyers polygames en Afrique a encore compliqué la situation. Il arrive souvent que les femmes de différents âges, leurs enfants et plusieurs belles-familles se disputent l’accès aux terres. “En tant que titulaire officiel du titre de propriété, l’homme peut faire ce qu’il veut”, explique Mme Mwangi. “Certains d’entre eux vendent même leurs terres sans en informer leur femme."
Pour garantir l’accès des femmes aux terres, les militants du droit à la terre proposent de séparer la propriété officielle des terres de la possibilité d’en faire usage. Le titre de propriété d’une parcelle pourrait ainsi être établi au nom d’un homme mais celui-ci n’aurait pas le droit de la vendre sans l’accord de sa ou de ses femmes ou d’autres héritiers. Le Ghana dispose d’une loi qui fait obligation au chef de famille de rendre compte de ses actes, afin que les biens d’une famille ne puissent être vendus sans que les autres membres en soient informés, aient donné leur accord ou en perçoivent les bénéfices.
“Une autre solution consisterait à établir le titre de propriété au nom des familles ou des hommes et des femmes, propose Mme Mwangi. Lorsque les ressources telles que l’eau, l’assainissement et les pâturages doivent être partagées, on pourrait déclarer propriétaires de la terre des communautés entières, tout le monde bénéficiant ainsi d’un accès égal.”
Résistance à la réforme
Mais de telles idées sont plus faciles à proposer qu’à mettre en oeuvre. Il faut, en premier lieu, modifier les lois. Les militants du droit des femmes à la terre ont essayé de faire adopter des lois dans de nombreux pays, avec des résultats mitigés, note Mme Izumi. En Ouganda, où l’Uganda Land Alliance a fait pression pour que les titres de propriété soient établis à la fois au nom des hommes et des femmes, en tant que copropriétaires, le projet de loi a été présenté à de nombreuses reprises au Parlement sans être adopté, situation qui s’explique en partie, d’après Mme Izumi, par la résistance du secteur privé.
En Tanzanie, où les terres appartiennent à l’État mais font l’objet de baux de longue durée (généralement de 99 ans), les entreprises ont fait valoir qu’il serait difficile, avec un régime de propriété collective, de se servir des terres comme garanties aux prêts bancaires ou comme sources de revenus. “Elles ont déclaré que si les acheteurs devaient obtenir l’accord des membres de leur famille avant de vendre des terres ou de les utiliser à certaines fins, la situation serait très complexe et ne favoriserait guère le marché foncier”, explique Mme Izumi.
Cet argument, poursuit-elle, ne tient pas compte du fait qu’il est rare que les femmes bénéficient de ces transactions foncières ou se servent de terres comme de garanties à un prêt. Car elles ne sont généralement pas maîtres des ressources financières de leur famille et n’ont pas les moyens d’acheter des terres. Ou bien elles ont du mal à obtenir un prêt car dans de nombreux pays elles doivent obtenir l’accord de leur mari avant de faire une demande de crédit.
Là où des lois favorables aux femmes ont été adoptées, la situation ne s’améliore pas nécessairement. Au Mozam-bique, des groupes de la société civile ont fait adopter en 1997 une loi qui garantit aux femmes un accès aux terres et aux biens. “L’adoption de cette loi constitue une victoire”, a déclaré à un journaliste Lorena Magane de la Rural Association of Mutual Support.
Mais Rachael Waterhouse, coordinatrice d’un rapport sur les femmes et les terres au Mozambique, dit que si la loi est appréciable en théorie, elle s’est avérée difficile à mettre en oeuvre car les tribunaux traditionnels, auxquels la plupart des femmes font appel en milieu rural, considèrent encore l’homme comme le chef de famille qui a donc pleine maîtrise sur les terres.
De même, au Zimbabwe, le gouvernement a modifié la loi sur l’héritage de façon à ce que le conjoint survivant, qu’il s’agisse du mari ou de la femme, soit l’héritier légitime. Mais, explique Mme Izumi, “de nombreuses femmes des régions rurales ne sont pas au courant de cette loi”.
Au Ghana, la loi de 1985 sur la succession ab intestat et la loi relative à la responsabilité du chef de famille ont toutes les deux été adoptées dans le but d’améliorer la situation des veuves et des enfants. Lorsqu’un homme meurt sans testament, la loi sur la succession stipule que ses biens seront répartis également entre sa veuve, ses enfants et les autres membres de la famille élargie. Mais il est ressorti d’une étude réalisée par la FAO dans la région ghanéenne de la Haute Volta que peu de femmes étaient au courant de ces lois et que les successions continuaient de s’effectuer selon les pratiques coutumières. Bon nombre de femmes n’avaient ainsi plus accès aux terres après la mort de leur conjoint.
En général, résume Mme Izumi, “les lois progressistes adoptées en Afrique ne sont pas correctement appliquées. Dans les pays où des groupes de pression essaient de faire adopter des lois progressistes, ils se heurtent à une résistance importante”.
Agir sur de multiples fronts
Selon Mme Kagwanja, les femmes ont besoin que leurs droits fondamentaux soient inscrits dans la constitution et que l’égalité des droits en matière de propriété soit explicitement reconnue par la loi. Lorsque cela est déjà fait, il faut harmoniser toutes les lois sur la succession et les terres avec la constitution, afin qu’elles aillent toutes dans le même sens. En outre, les institutions juridiques chargées de l’application des lois foncières doivent fonctionner équitablement, respecter les femmes et ne pas œuvrer seulement dans les villes.
“À présent, dit-elle, nous avons des institutions très centralisées. En outre, ce sont les hommes qui sont chargés du système de règlement des conflits et le système judiciaire est très coûteux et intimidant.”
Il faut en particulier repenser les régimes fonciers traditionnels, ajoute-t-elle. Les chefs locaux autorisés à répartir les terres les confient généralement aux hommes. “Comment démocratiser les systèmes d’allocation des terres ?”, s’interroge Mme Kagwanja. “Faut-il instaurer de nouveaux conseils d’administration foncière, dont les membres seront élus et qui traiteront les femmes aussi équitablement que les hommes, comme en Tanzanie et en Ouganda ? Ou faut-il démocratiser l’ancien système ? Voilà des questions auxquelles il nous faut répondre.”
Répondre à ces questions, suggère Mme Izumi, nécessite d’agir sur plusieurs fronts à la fois. “L’accent a été mis sur la réforme juridique. Les lois et politiques sont importantes et il faut continuer d’essayer de parvenir à les modifier. Nous devons cependant également aider les gouvernements à améliorer les moyens techniques et financiers dont ils disposent pour faire appliquer les lois.”
Des militants tentent d’introduire ou de renforcer des lois qui garantissent les droits fonciers des femmes et combattent les normes et pratiques sociales préjudiciables.
Les responsables du système judiciaire et les chefs traditionnels doivent également être formés, ajoute-t-elle, à aider l’ensemble de la communauté à reconnaître les droits fonciers des femmes. On peut aussi instaurer des tribunaux communautaires qui jouent un rôle d’arbitrage. Le plus important, ajoute Mme Izumi, est d’informer les femmes “de leurs propres droits et de ce qu’elles pourraient faire ou à qui elles pourraient s’adresser pour obtenir de l’aide”.
Combattre les normes négatives
Il est aussi essentiel de faire évoluer la culture, explique Mme Mwangi. Ceux qui décident de l’allocation des terres ont une perception du rôle des femmes dans la société qui dépend de leur culture. Il faut donc, de manière plus générale, remédier à la répartition inégale du pouvoir sur le plan économique et politique.
Elle a passé un certain temps à discuter avec des hommes et des femmes du partage de la propriété foncière. “Je pense que les hommes n’y sont pas prêts”, fait-elle observer. “Ils ne semblent pas très réceptifs à l’idée que les femmes puissent jouer un rôle de décision lorsqu’il s’agit des terres.” C’est un paradoxe, ajoute-t-elle. “Le travail des femmes est essentiel pour la productivité, mais les terres sont véritablement hors de leur portée. Les hommes ne semblent pas voir là de problème."
M. Cousins est du même avis. “Pour améliorer la situation, il faut remédier aux relations de pouvoir inégales au sein des familles. Tant que l’on ne changera pas ces relations de pouvoir, peu importe à qui la loi conférera des droits”, indique-t-il à Afrique Renouveau.
“Nous avons observé une forte résistance”, relate Mme Izumi. “Ces normes sont profondément ancrées. Les relations entre les sexes sont, de toutes les relations sociales, les plus difficiles à faire évoluer.”
Des progrès
Mais certains progrès ont été réalisés. Au Swaziland, les femmes ne peuvent être propriétaires de terres car elles sont mineures au regard de la loi. Mais des femmes séropositives qui n’avaient plus accès à leurs terres après la mort de leur mari ont réussi à inciter une femme-chef à convaincre d’autres chefs de donner aux veuves des terres qu’elles pourraient exploiter pour subvenir à leurs besoins. Elles ont ainsi obtenu 13 parcelles collectives dans différentes régions, raconte Mme Izumi.
Au Kenya, des organisations communautaires et d’autres groupes qui fournissent des soins à domicile aux personnes vivant avec le VIH/sida interviennent. Lorsque des terres sont saisies, ils négocient, le plus souvent avec les hommes de la famille, pour que les femmes et les filles puissent continuer d’avoir accès aux terres et autres biens.
Au Rwanda, le gouvernement a adopté en 1999 une loi qui donne aux femmes les mêmes droits d’héritage qu’aux hommes, contrairement à la tradition selon laquelle seuls les enfants de sexe masculin pouvaient hériter de biens. Les veuves et orphelines du génocide de 1994 ont ainsi pu obtenir des terres.
Au Ghana, d’après l’IFPRI, la production de cacao fait évoluer la situation. Cette culture fait appel à une main-d’œuvre importante et, de plus en plus, les hommes et les femmes échangent du travail contre des terres. Selon cette approche, la femme mariée reçoit une parcelle en échange de son travail. Ce don est considéré comme irrévocable par la communauté et la femme reste propriétaire de la parcelle même en cas de séparation.
A l’heure actuelle, des organismes des Nations Unies comme la FAO, le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) et le PNUD s’efforcent, en collaboration avec les organisations non gouvernementales, d’informer les femmes de leurs droits et d’appuyer la reconnaissance dans les lois nationales de l’égalité d’accès aux terres.
Mais Mme Izumi estime qu’il faut intensifier l’action menée à cette fin. “Il faut mettre en œuvre à plus grande échelle les petites initiatives. Un petit groupe ne dispose que d’un pouvoir d’action restreint. Nous avons diffusé de l’information sur ce que font les autres et demandé à différents groupes d’essayer de faire de même. Il faut appuyer ces efforts. Le problème est de plus en plus reconnu comme tel, et il y a lieu de rester optimiste.”