缅北禁地

Des peintres d茅corent un mur 脿 Juba, au Sud- Soudan, tout en conversant avec un mutil茅 de la guerre civile qu'脿 connue le pays. M锚me si la plupart des longs conflits africains ont pris fin au cours de la derni猫re d茅cennie, certains pays sont encore en guerre et la paix demeure fragile dans beaucoup d'autres.

Photo: Panos / Sven Torfinn

Gr芒ce aux efforts africains et au renforcement du soutien international, le continent est davantage pacifi茅 aujourd'hui qu'il ne l'茅tait il y a une douzaine d'ann茅es, estime le Secr茅taire g茅n茅ral de l'ONU Ban Ki-moon. En 1998, lorsque l'ONU publiait son premier grand rapport sur les "causes des conflits" en Afrique, 14 pays 茅taient en guerre. Aujourd'hui, seuls quatre pays le sont.

Mais en plus de ces pays toujours victimes de conflits arm茅s, d'autres sont encore politiquement fragiles, constate M. Ban. Leurs institutions sont faibles, leurs 茅conomies vuln茅rables et les jeunes sans emploi y sont de plus en plus nombreux. Une multitude de d茅fis nouveaux surgissent, allant du changement climatique aux crimes transfrontaliers. Ces probl猫mes, s'ils ne sont pas r茅solus, peuvent entra卯ner la reprise d'anciens conflits ou provoquer de nouvelles crises. Le Secr茅taire g茅n茅ral estime dans un nouveau rapport* qu'afin d'茅viter la r茅surgence des guerres, les pays africains et leurs partenaires 茅trangers doivent "offrir un minimum de conditions pour la subsistance au quotidien et mener une politique de s茅curit茅 ax茅e sur la population, le d茅veloppement et les questions sociales".

Les dirigeants africains sont du m锚me avis. L'an dernier, un sommet de l'Union africaine (UA) a proclam茅 2010, "Ann茅e de la paix et de la s茅curit茅". Selon Jean Ping, pr茅sident de la Commission de l'UA, ils ont ainsi manifest茅 leur d茅termination "de mettre un terme d茅finitif au fl茅au des conflits et de la violence sur le continent. Les dirigeants d'aujourd'hui ne doivent pas l茅guer le fardeau des conflits aux g茅n茅rations 脿 venir", ajoute M. Ping.

Solutions africaines

Le rapport de M. Ban qui a 茅t茅 pr茅sent茅 脿 l'Assembl茅e g茅n茅rale de l'ONU le 14 octobre, examine en d茅tail les d茅veloppements qui ont suivi la parution du premier rapport publi茅 par le pr茅c茅dent Secr茅taire g茅n茅ral, Kofi Annan. Outre l'茅valuation des succ猫s et des erreurs des 12 derni猫res ann茅es, il aborde les nouveaux d茅fis auxquels est confront茅 le continent. Ce rapport se base sur les consultations avec les 脡tats africains ainsi qu'avec d'autres 脡tats Membres de l'ONU, avec l'UA, d'autres institutions r茅gionales africaines, des groupes de la soci茅t茅 civile, des universitaires, et divers d茅partements et organismes des Nations Unies. Le message principal du rapport de 1998 reste vrai aujourd'hui, estime M. Ban : "seule l'Afrique peut trouver des solutions aux probl猫mes de l'Afrique".

De fait, l'Afrique peut revendiquer l'essentiel des progr猫s enregistr茅s au cours de la d茅cennie 茅coul茅e. Parmi les initiatives africaines, on compte la cr茅ation en 2002 de l'UA sur les d茅combres de l'Organisation de l'unit茅 africaine. L'UA a mis en place une s茅rie d'institutions et de m茅canismes visant 脿 pr茅venir et 脿 g茅rer les conflits. On peut citer le Conseil de paix et de s茅curit茅, un groupe comprenant de hauts dignitaires et plusieurs op茅rations de maintien de la paix de l'UA. Une force africaine de r茅serve de maintien de la paix se met 茅galement en place.

L'ONU a r茅pondu en r茅affirmant son engagement avec l'UA. Il y a quatre ans, elle a mis en route un programme d茅cennal en vue d'aider au d茅veloppement des capacit茅s de l'UA. En juillet, elle a cr茅茅 脿 Addis-Abeba un bureau des Nations Unies aupr猫s de l'UA que dirige le Sous-Secr茅taire g茅n茅ral Zachary Muburi-Muita. En ao没t, l'ONU et l'UA ont tenu la premi猫re r茅union d'une 茅quipe sp茅ciale conjointe pour une strat茅gie 脿 long terme favorisant la paix et la s茅curit茅.

Actuellement, l'ONU assure le soutien logistique de 6 200 soldats de l'UA en Somalie et collabore aux c么t茅s de l'organisation 脿 une op茅ration conjointe de la r茅gion du Darfour au Soudan occidental (voir Darfour, laboratoire africain du maintien de la paix). Au fil du temps, les organisations africaines r茅gionales de l'Ouest, de l'Est et du Sud de l'Afrique ont 茅galement entrepris des efforts de maintien de la paix et de m茅diation, avec le soutien de l'ONU.

Des casques bleus de l'ONU en compagnie de villageois en R茅publique d茅mocratique du Congo. D茅sormais, en plus des t芒ches proprement militaires, les soldats de la paix s'impliquent dans d'autres activit茅s, aupr猫s des populations civiles.

Photo: ONU / Marie Frechon

Faire mieux

L'accent que met l'ONU sur un partenariat avec les organisations r茅gionales refl猫te une 茅volution g茅n茅rale de la fa莽on de penser dans les efforts de maintien de la paix de l'organisation mondiale. Comme l'a fait remarquer M. Ban en juin, lors d'un d茅bat de l'Assembl茅e g茅n茅rale consacr茅 au maintien de la paix, le succ猫s des op茅rations tient souvent 脿 une "responsabilit茅 partag茅e". Lakhdar Brahimi, ancien Ministre des affaires 茅trang猫res de l'Alg茅rie a d茅clar茅 lors du m锚me d茅bat que "l'ONU ne peut aller partout ni tout faire". L'Organisation ne devrait s'engager que lorsqu'elle dispose de ressources suffisantes et d'un soutien politique lui permettant d'accomplir un bon travail, a pr茅cis茅 M. Brahimi, qui en 2000 a dirig茅 un groupe d'茅tude sp茅cial sur la r茅forme du maintien de la paix.

L'ONU n'a pas cess茅 de s'impliquer directement m锚me avec des capacit茅s limit茅es. En 2010, l'Afrique a 茅t茅 le th茅芒tre de sept des 16 missions de maintien de la paix de l'ONU (voir carte) dont les effectifs ont totalis茅 63 300 hommes, soit les trois quarts du total mondial.

Depuis les ann茅es 1990, le cadre des op茅rations de l'ONU s'est 茅largi bien au-del脿 des activit茅s militaires traditionnelles comme la mise en 艙uvre d'accords de paix, la protection du personnel de secours et le d茅sarmement et la d茅mobilisation d'anciens combattants. Les sept missions de maintien de la paix de l'ONU en Afrique se composent 茅galement de 9 320 fonctionnaires de police et d'un peu plus de 15 000 membres du personnel civil international et local. Aux c么t茅s des militaires, elles aident les r茅fugi茅s et les d茅plac茅s 脿 rentrer chez eux, elles veillent au respect des droits de l'homme, soutiennent les r茅formes de la police locale et des tribunaux, renforcent les m茅dias (voir Apr猫s la guerre, quel avenir pour les 鈥渞adios de la paix鈥� ?), aident les communaut茅s 脿 reconstruire les 茅coles et les dispensaires endommag茅s et jettent les bases du redressement 茅conomique et social.

Insuffisance des ressources

Lors de discours au Conseil de s茅curit茅 notamment, les pays riches insistent sur l'importance d'assurer la s茅curit茅 en Afrique. Cependant, note M. Ban dans son rapport, il y a souvent un monde entre les beaux discours et les contributions financi猫res. Cet 茅cart se refl猫te dans l'insuffisance des r茅ponses aux appels lanc茅s par l'ONU pour l'octroi d'une aide humanitaire et dans les difficult茅s 脿 trouver des donateurs pour le financement des projets de consolidation de la paix. Les g茅n茅reuses promesses de doubler l'aide 脿 l'Afrique n'ont abouti qu'脿 des augmentations modestes.

M锚me les op茅rations de maintien de la paix ont souffert de probl猫mes de financement. Dans une certaine mesure, les missions de l'ONU ont acc猫s 脿 des budgets importants parce qu'elles sont financ茅es par des contributions "fixes", les paiements obligatoires que l'ONU impose aux 脡tats Membres mieux dot茅s. Mais l'importance des effectifs de maintien de la paix de l'ONU d茅ploy茅s en Afrique et ailleurs entra卯ne souvent des tensions budg茅taires excessives et limite parfois l'ampleur et la dur茅e des missions.

Le probl猫me se pose davantage pour les op茅rations de maintien de la paix men茅es par les Africains. Les pays africains qui fournissent des contingents sont g茅n茅ralement pauvres, disposent d'un 茅quipement militaire ou logistique insuffisant et sont d茅pendants des contributions incertaines que leur versent des puissances ext茅rieures, nord-am茅ricaines ou europ茅ennes.

L'Union africaine et la Communaut茅 茅conomique des 脡tats de l'Afrique de l'Ouest ont d茅montr茅 leur engagement en montant plusieurs op茅rations de maintien de la paix, dans des d茅lais souvent tr猫s courts, a not茅 le Ministre des affaires 茅trang猫res du Nig茅ria, Henry Odein Ajumogobia, lors du d茅bat que le Conseil de s茅curit茅 a consacr茅 le 22 octobre au maintien de la paix en Afrique. Bien trop souvent, a-t-il ajout茅, "elles doivent faire face au manque de mat茅riel et d'appui logistique", ce qui entra卯ne l'茅chec de certaines missions.

Adekeye Adebajo, Directeur ex茅cutif du Centre pour le r猫glement des conflits bas茅 au Cap, en Afrique du Sud, en d茅duit que l'UA ne devrait pas s'empresser de mener des missions de maintien de la paix. L'UA devrait "cesser de servir de cobaye", note-t-il.

Reprenant une proposition faite il y a deux ans par un groupe d'茅tudes UA-ONU, plusieurs participants aux d茅bats du Conseil de s茅curit茅 ont propos茅 que les op茅rations de maintien de la paix de l'UA, autoris茅es par l'ONU, b茅n茅ficient des fonds fixes de l'Organisation.

Au Lib茅ria, d'anciens combattants participent 脿 un programme de formation agricole. Les conflits arm茅s ayant pris fin dans plusieurs pays africains, les missions de paix se consacrent davantage 脿 la reconstruction.

Photo: Afrique Renouveau / Ernest Harsch

Reconstruction d'apr猫s-guerre

Apr猫s les conflits des ann茅es 1990, l'heure est aux accords de paix et l'attention se porte d茅sormais sur les t芒ches complexes du rel猫vement et de la reconstruction d'apr猫s-guerre.

Une recommandation clef du rapport de 1998 a 茅t茅 d'茅tablir une structure de "consolidation de la paix". La Commission de consolidation de la paix de l'ONU a 茅t茅 cr茅茅e en 2005. Elle mobilise le soutien international en faveur des efforts de redressement au Burundi, en Guin茅e-Bissau, en R茅publique centrafricaine et en Sierra Leone. M. Ban a d茅clar茅 que huit autres pays africains pouvaient b茅n茅ficier de ce soutien (les Comores, la C么te d'Ivoire, la Guin茅e, le Kenya, le Lib茅ria, la R茅publique d茅mocratique du Congo, la Somalie et le Soudan).

Qu'ils soient mis en place par la Commission de consolidation de la paix, le Programme des Nations Unies pour le d茅veloppement, le D茅partement des affaires politiques ou d'autres organismes de l'ONU, les projets de consolidation de la paix couvrent un large 茅ventail d'activit茅s. Parmi elles, on peut citer l'assistance en mati猫re 茅lectorale, la r茅forme judiciaire, les mesures de renforcement des syst猫mes de sant茅 et d'茅ducation, la relance des march茅s int茅rieurs, le soutien 脿 l'agriculture et 脿 la cr茅ation d'emplois, notamment pour les jeunes.

Pour que ces initiatives soient couronn茅es de succ猫s, elles ne doivent pas 锚tre impos茅es de l'ext茅rieur. "Elles doivent 锚tre prises en main et dirig茅es par les collectivit茅s concern茅es et jouir de la pleine participation des institutions et organisations locales, en particulier du secteur priv茅, de la soci茅t茅 civile, des femmes, des jeunes et des enfants", indique M. Ban.

Un meilleur leadership

De mani猫re g茅n茅rale, constate le Secr茅taire g茅n茅ral, l'Afrique prend en main les d茅fis auxquels elle est confront茅e. Le Nouveau Partenariat pour le d茅veloppement de l'Afrique (NEPAD), que les dirigeants africains ont adopt茅 en 2001, d茅finit les priorit茅s principales du continent dans les domaines politique, 茅conomique, social et de la s茅curit茅 et donne "plus de voix et de responsabilit茅 脿 l'Afrique dans le choix de ses politiques 茅conomiques et sociales". En 2010, le secr茅tariat du NEPAD est devenu l'agence de planification et de coordination du NEPAD, d茅sormais incorpor茅e aux structures centrales de l'UA. Cette transformation devrait faciliter une meilleure coordination des efforts de s茅curit茅 et de d茅veloppement.

Le Secr茅taire g茅n茅ral estime qu'afin d'茅viter une reprise du conflit dans les pays sortant de guerre 鈥� et de pr茅venir le d茅clenchement de nouveaux conflits ailleurs sur le continent 鈥� la gouvernance et les capacit茅s doivent s'am茅liorer. Bien que la derni猫re d茅cennie ait vu une multiplication des transferts pacifiques du pouvoir 脿 l'issue d'茅lections d茅mocratiques, de nombreux probl猫mes de gouvernance subsistent.

Pour que l'Afrique puisse s'attaquer aux nombreux probl猫mes qui engendrent les conflits 鈥� tels que la corruption g茅n茅ralis茅e, les in茅galit茅s 茅conomiques et l'exclusion de certains groupes ethniques et sociaux - il est essentiel d'avoir des 脡tats d茅mocratiques et bien gouvern茅s, affirme le Secr茅taire g茅n茅ral. En conclusion, pr茅cise Ban Ki-moon : "Les chances de paix et de d茅veloppement de l'Afrique d茅pendront de l'aptitude des 脡tats africains 脿 s'acquitter efficacement de leur r么le".鈥�