Passer “du discours à l’action”
Get monthly
e-newsletter
Passer “du discours à l’action”
L’Afrique mérite et nécessite une aide extérieure plus importante pour garantir le succès de son Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), affirme les membres du Groupe consultatif spécial pour l’appui international à l’Afrique. “Le NEPAD n’a aucune chance de réussir sans une augmentation substantielle du soutien de la communauté internationale”, a estimé le Chef Emeka Anyaoku, Président du Groupe, qui a soumis ses recommandations au Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, le 3 juin.
Les pays développés ne doivent pas se contenter de renforcer leur soutien dans des domaines aussi variés que l’aide, l’allégement de la dette, l’accès aux marchés et les flux de capitaux, affirme le Groupe consultatif; ils doivent également s’assurer que ce soutien est coordonné et que des progrès accomplis dans un domaine ne sont pas compromis par des carences dans un autre.
D’autres appels similaires pour une aide accrue à l’Afrique ont déjà été lancés, admet le Chef Anyaoku dans un entretien à Afrique Renouveau. Toutefois, le Groupe consultatif ne se limite pas à inviter les différents acteurs à passer “du discours à l’action”, qui est aussi le titre du rapport; il privilégie aussi la qualité de l’aide: “La part de dons dans les apports de capitaux devrait être bien supérieure aux 25% qui semblent être la norme."
Le Rapport du Groupe consultatif accorde également une place prioritaire au rôle de catalyseur du secteur privé dans le développement du continent. “L’esprit d’entreprise est répandu en Afrique, explique M. Anyaoku. Les petites et moyennes entreprises ont besoin de plus d’aide de l’Etat et des partenaires exté-rieurs pour décoller."
Dans la préface du rapport, M. Anyaoku souligne que le développement de l’Afrique “exige que la créativité et le dynamisme du secteur privé se concentrent sur un certain nombre de domaines, comme l’agriculture, l’industrie, la science et la technologie, et le développement des infrastructures”. Il précise en outre que le renforcement de l’initiative privée présuppose l’existence “d’un secteur public efficace, porteur et compétent”.
De surcroît, explique M. Anyaoku, le Groupe consultatif insiste pour que “les dirigeants afri-cains honorent leurs engagements relatifs au NEPAD et à l’amélioration de la gouvernance économique et politique dans leurs pays”.
“Une nouvelle occasion”
L’Afrique et la communauté internationale ont déjà élaboré des stratégies de développement pour le continent, mais “aucune des parties n’a tenu ses engagements”, souligne le Rapport, qui estime, toutefois, que le NEPAD représente “une nouvelle occasion”. A présent, la plupart des dirigeants africains sont élus par voie démocratique et plus de 24 gouvernements ont accepté de soumettre leurs politiques en matière de gouvernance au Mécanisme d’évaluation intra-africaine. En outre, un large consensus s’est dégagé sur les orientations à suivre et l’aide extérieure tend à récompenser les pays qui mènent des politiques judicieuses.
A l’issue de consultations avec de nombreuses personnalités africaines, des orga-nismes de donateurs et des institutions multilatérales, le Groupe a recommandé le lancement d’une série d’actions-clés externes efficaces en vue de réaliser les priorités du NEPAD et d’aider l’Afrique à se rapprocher des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) fixés par la communauté internationale.
Parmi ces recommandations figurent:
Octroi d’une aide plus substantielle et plus ciblée: Le Groupe consultatif “appuie sans réserve” les récents appels du Groupe des Huit pays industrialisés, de l’Equipe de l’ONU chargée du Projet du Millénaire, de la Commission britannique pour l’Afrique et d’autres instan-ces en faveur d’une augmentation sensible de l’aide globale au développement, la moitié au moins de cette aide étant réservée à l’Afrique subsaharienne. De l’avis du Groupe consultatif, l’aide devrait viser les pays africains qui instaurent un climat propice aux investissements. Les donateurs devraient mieux coordonner leurs interventions, les adapter aux stratégies de réduction de la pauvreté, fournir une part bien supérieure de l’aide sous forme de dons et s’engager sur plusieurs années.
Allégement plus généralisé de la dette: Les versements effectués par les pays afri-cains pauvres au titre du service de la dette demeurant bien trop élevés et les mécanismes d’allégement de la dette n’ayant pas réussi à régler le problème, le Groupe consultatif propose l’annulation totale de la dette de tous les pays à faibles revenus d’Afrique, y compris les pays qui ne remplissent pas les conditions actuelles de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). De plus, les membres du Groupe proposent que les pays très endettés à moyens revenus bénéficient d’un “allégement important”. Il faudrait également s’assurer que les sommes ainsi dégagées servent à faire avancer la réalisation des OMD.
Libéralisation du commerce: Le Groupe convient que la libéralisation du commerce peut contribuer au développement du continent, et estime que les pays africains et leurs partenaires commerciaux doivent faire plus dans ce domaine.
Les pays africains exportateurs agricoles profiteraient des diminutions des subventions agricoles que les pays de l’Union européenne et les Etats-Unis accordent à leurs fermiers. Cependant les importateurs de ces produits seraient lésés à court terme et auraient besoin d’une aide pour s’adapter, affirme le Groupe. De l’avis de M. Anyaoku, les pays importateurs “devraient bénéficier de certaines mesures exceptionnelles pour les protéger contre l’envolée soudaine des cours qui suivrait l’élimination des subventions agricoles”. En attendant, la communauté internationale devrait accorder une aide plus substantielle à la création d’infrastructures sur le continent, contribuant ainsi à relancer le commerce et les exportations.
Flux accrus de capitaux privés: L’Afrique a besoin de plus de capitaux privés, estiment les membres du Groupe consultatif, citant l’un des objectifs du NEPAD. Les pays développés devraient promouvoir des politiques susceptibles d’encourager les investissements étrangers directs et capitaux privés à destination de l’Afrique. Les pays africains eux-mêmes devraient favoriser l’instauration d’un climat propice aux investissements, et les pays industrialisés et les institutions multilatérales peuvent fournir à cette fin une assistance technique et financière.
Coordination extérieure plus étroite: Le Groupe d’experts note que le manque de coordination qui freine l’action des institutions d’aide multilatérale “tend aussi à compromettre les opérations du système des Nations Unies en Afrique”. Le Groupe invite les différentes composantes des Nations Unies à coopérer davantage afin d’offrir un appui soutenu et coordonné au NEPAD. De l’avis du Chef Anyaoku, il serait souhaitable de renforcer le rôle du Bureau du Conseiller spécial de l’ONU pour l’Afrique. L’ONU et l’Union africaine devraient aussi renforcer leur partenariat afin de mieux suivre les annonces de contributions de la communauté internationale et versements de fonds à l’Afrique.
Le Groupe se propose d´établir un nouveau rapport début 2006 pour évaluer les progrès accomplis par la communauté internationale dans son soutien au développement de l’Afrique, en examinant en particulier les résultats des prochains sommets internatio-naux, tels que le Groupe des Huit, l’Union européenne et le Sommet d’évaluation des OMD de l’Assemblée générale de l’ONU.
Le succès ne se mesurera pas seulement par le nombre de consultations, réunions et programmes, mais aussi et surtout par des résultats concrets, conclut le Chef Anyaoku. “Il faut changer la vie des gens, dit-il.L’appui de la communauté internationale doit entraîner une action basée sur des résultats qui permette d’exploiter à la fois les capacités humaines de l’Afrique et les perspectives économiques du secteur privé institutionnel et non institutionnel.”
Les membres du Groupe consultatif
Les membres du Groupe consultatif du Secrétaire général de l’ONU pour l’appui international au Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique ont été nommés en juillet 2004. Outre son Président, le Chef Emeka Anyaoku, ancien Secrétaire général du Commonwealth, 12 personnalités éminentes d’Afrique et d’ailleurs composent ce Groupe:
M. Jagdish Bhagwati (Inde), économiste renommé
M. Kwesi Botchwey, ancien Ministre des finances du Ghana
M. Richard Jolly, ancien Directeur général adjoint du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF)
Mme Anna Kristin-Sydnes, ancienne Ministre de la coopération économique de la Norvège
M. Michel Camdessus (France), ancien Directeur général du Fonds monétaire international
M. Cyril Ramaphosa, ancien combattant de l’apartheid en Afrique du Sud
M. Misaki Miyaji, Vice-Président de Mitsubishi Corporation (Japon)
M. Fantu Cheru (Ethiopie), professeur à l’American University à Washington
M. Ricardo Hausmann, ancien Ministre des finances du Venezuela et ancien économiste en chef de la Banque inter-américaine pour le développement
Mme Carol Lancaster, ancienne Sous-Secrétaire d’Etat américaine pour l’Afrique
Mme Julienne Ngo Som, ancienne Ministre des affaires sociales du Cameroun
M. Ismail Serageldin (Egypte), ancien Vice-Président pour le développement durable à la Banque mondiale.