Lutte contre le sida en Afrique : à la croisée des chemins
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Lutte contre le sida en Afrique : à la croisée des chemins
Un quart de siècle après les premiers cas établis de sida, quelques pays d’Afrique et d’ailleurs montrent qu’il est possible, en faisant preuve de détermination, de réduire les taux d’infection. Au Kenya et au Zimbabwe, ainsi que dans les zones urbaines de quelques autres pays, la proportion de personnes porteuses du VIH, le virus à l’origine du sida, a baissé depuis deux ans.
“La lutte mondiale contre le sida est à la croisée des chemins”, a indiqué le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, lors d’une réunion spéciale de haut niveau de l’Assemblée générale tenue du 31 mai au 2 juin. Pour qu’elle soit couronnée de succès, il faudra tirer parti des progrès récents, a déclaré M. Annan, en faisant des efforts “sans précédent” pour renforcer les politiques nationales de lutte contre la maladie et pour élargir l’accès aux programmes de traitement et de prévention. Faute de quoi, la pandémie continuera de se propager et de faire de nombreuses nouvelles victimes. “Les pays dont le développement est déjà en perte de vitesse en raison du sida continueront de voir leur situation s’aggraver et la stabilité sociale et la sécurité nationale menacées."
Les délégations africaines ont largement souscrit à ce constat. “Nous devons lutter beaucoup plus activement si nous voulons enrayer cette pandémie et y mettre fin”, a déclaré le Ministre zambien des affaires étrangères, Ronnie Shikapwasha. Et malgré quelques signes de progrès, a-t-il rappelé aux participants, “chaque vie perdue du fait du sida représente un échec retentissant”.
A l’issue de la réunion, les participants se sont engagés à concilier prévention, soins et traitement, à renforcer les stratégies nationales et à mettre fin aux inégalités fondées sur le sexe. Les représentants ont relevé que, selon les estimations de l’ONU, il faudra que les crédits alloués aux programmes de lutte contre le sida triplent au cours des cinq prochaines années, passant de 8,3 milliards de dollars (toutes sources confondues) en 2005 à 20-23 milliards de dollars d’ici à 2010. Ils se sont engagés à mobiliser des “ressources nouvelles et supplémentaires”, provenant des donateurs et des pays touchés.
‘Contre l’oppression des femmes’
Mme Nkhensani Mavasa, vice-présidente de l’organisation non gouvernementale sud-africaine ‘Treatment Action Campaign’, a témoigné sans détour de la détresse et du sentiment d’urgence des personnes vivant avec le VIH. C’est la première personne séropositive à avoir jamais pris la parole à une séance plénière de l’Assemblée générale. Indiquant qu’elle a elle-même été victime d’un viol et que les femmes sont particulièrement vulnérables au virus en cas de violence sexuelle, Mme Mavasa a rappelé que les femmes représentent près de 60% des 40 millions de personnes séropositives dans le monde. Cette réalité, a-t-elle déclaré, “doit nous faire rager contre l’oppression des femmes”.
Par le passé, a dit Mme Mavasa, les dirigeants politiques ont hésité, ont débattu sans fin et n’ont su protéger les personnes les plus vulnérables, alors que l’épidémie ne cessait de se propager. S’adressant particulièrement aux représentants de son continent, elle a ajouté : “J’exhorte les dirigeants africains ici présents à protéger et promouvoir les droits fondamentaux de tous et surtout des groupes vulnérables, en particulier des femmes et des filles. Nous vous demandons de ne pas de nouveau faillir à votre devoir à notre égard.”
Des signes d’espoir
Juste avant la réunion, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a publié un rapport sur l’épidémie mondiale de sida, qui montre que le nombre de nouveaux cas a baissé dans plusieurs pays. Etabli à partir des données nationales les plus exhaustives jamais rassemblées sur le VIH/sida, le rapport révèle que les programmes de prévention commencent à porter leurs fruits. Le Directeur exécutif d’ONUSIDA, Peter Piot, a ainsi résumé la situation : “2005 a été l’année la moins mauvaise dans l’histoire de l’épidémie de sida”.
Au Zimbabwe, l’un des pays où les taux d’infection sont les plus élevés d’Afrique, le taux de prévalence du sida chez les adultes (de 15 à 49 ans) est passé de 22,1% en 2003 à 20,1% en 2005.
“Toute nouvelle action mondiale contre l’épidémie de sida doit se fonder sur ce que nous avons fait et appris.”
Le rapport a confirmé que les programmes d’éducation et de prévention contribuaient aux changements de comportement chez les jeunes Zimbabwéens, lesquels ont leurs premières relations sexuelles plus tardivement, ont moins de partenaires ponctuels et utilisent plus fréquemment des préservatifs (voir Afrique Renouveau, janvier 2006).
Le taux de prévalence a aussi baissé au Kenya, passant de 6,8% à 6,1% pendant la même période. Le taux d’infection au Burkina Faso, déjà relativement faible — 2,1% en 2003 — est resté pratiquement inchangé. Toutefois, le taux d’infection chez les femmes enceintes de 15 à 24 ans est tombé à 1,8% en 2005 dans la capitale, contre 3,3% en 2002. En outre, selon ONUSIDA, le taux de prévalence est en baisse dans les zones urbaines du Burkina Faso, tout comme en Ethiopie et au Rwanda et dans la capitale du Burundi.
Dans son rapport, le Secrétaire général de l’ONU a aussi indiqué que des progrès ont été réalisés à l’échelle mondiale dans la lutte contre le sida. Entre 2001 et 2005, a déclaré M. Annan, le budget des programmes de lutte contre le sida dans les pays en développement a plus que quadruplé. Le nombre de personnes traitées aux antirétroviraux a quintuplé, tout comme le nombre de tests de dépistage effectués.
Ne pas baisser les bras
“Pourtant, l’épidémie continue de se propager à un rythme plus rapide que la riposte mondiale”, poursuit M. Annan. En 2005, le nombre de nouveaux cas d’infection a atteint un nouveau sommet et 2,8 millions de personnes sont mortes du sida, dont quelque 2 millions en Afrique subsaharienne.
M. Piot a tenu à faire savoir que le ralentissement des taux d’infection à l’échelle mondiale n’était pas encore une victoire. “Le nombre de personnes infectées continue en fait d’augmenter en raison de l’accroissement de la population”, a-t-il fait remarquer, tandis que dans la plupart des pays d’Afrique australe — l’épicentre de la maladie — les taux de prévalence déjà très élevés continuent d’augmenter.
Au sommet extraordinaire de l’Union africaine tenu du 2 au 4 mai au Nigéria, les dirigeants africains ont réaffirmé leur engagement à lutter contre l’épidémie, qui demeure “une situation d’urgence sur le continent”. Compte tenu des ressources limitées de l’Afrique, ils ont lancé un appel à la communauté internationale afin qu’elle fournisse une assistance financière et technique plus importante. Mais les chefs d’Etat africains se sont également engagés à “renforcer leur rôle concret de dirigeant” en mobilisant des ressources locales, en renforçant les systèmes de santé en Afrique, en luttant contre l’exclusion et la discrimination à l’égard des femmes, en élargissant l’accès aux antirétroviraux et en investissant beaucoup plus dans la prévention. Les mesures de prévention, ont-ils déclaré, devraient être axées en particulier sur les jeunes, les femmes, les filles et les autres groupes vulnérables et avoir pour but d’assurer “à toutes les personnes sexuellement actives l’accès aux préservatifs masculins et féminins”.
Mme Mavasa, la militante sud-africaine, convient avec l’ONU et l’Union africaine que “toute nouvelle action mondiale contre l’épidémie de sida doit se fonder sur ce que nous avons fait et appris”.