Non à la violence contre les femmes
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Non à la violence contre les femmes
Le fait divers qui suit n’est pas rare en Afrique. En décembre 1998, un policier kényan, Felix Nthiwa Munayo, rentre tard chez lui et exige de manger de la viande pour dîner. Il n’y en a pas. Pris d’une rage soudaine, il bat sa femme, Betty Kavata. Paralysée et atteinte de lésions cérébrales, Mme Kavata mourra cinq mois plus tard, le jour de son vingt-huitième anniversaire.
Mais contrairement à de nombreuses autres affaires de ce type, la mort de Mme Kavata ne passa pas inaperçue. Les médias kényans en parlèrent abondamment. Les photos de la femme mortellement blessée et l’annonce de sa mort suscitèrent un débat de portée nationale sur la violence conjugale. Il s’ensuivit cinq ans de protestations, de manifestations et de pressions orchestrées par des organisations non gouvernementales (ONG). Finalement, le gouvernement adopta un projet de loi sur la protection de la famille, qui faisait de la violence conjugale et d’autres formes de violence familiale un crime relevant du droit pénal.
D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), des millions d’Africaines sont victimes de violences. Dans le cadre d’une étude réalisée en 2005 sur la santé des femmes et la violence familiale, l’OMS a déterminé que 50 % des Tanzaniennes et 71 % des Ethiopiennes des régions rurales déclaraient avoir été battues ou avoir subi d’autres formes de violence infligées par leur mari ou partenaire.
Amnesty International estime qu’en Afrique du Sud, toutes les six heures en moyenne, une femme est tuée par son mari ou son compagnon. Au Zimbabwe, parmi les affaires de meurtres dont a été saisie la Cour supérieure de Harare en 1998, six sur dix avaient trait à la violence conjugale. Au Kenya, le Procureur général a déclaré en 2003 que la violence familiale était à l’origine de 47 % des homicides.
Aucune frontière
La violence familiale est un problème de portée mondiale. Selon l’OMS, la violence au sein des foyers est la première cause de blessures et de décès en Europe pour les femmes de 16 à 44 ans, devant les accidents de la route et les cancers. De fait, a déclaré en 1999 le Secrétaire général de l’ONU de l’époque, Kofi Annan, “la violence à l’égard des femmes se retrouve dans toutes les régions du monde, dans toutes les cultures et à tous les niveaux de la société. C’est peut-être la violation la plus honteuse et la plus répandue des droits de la personne humaine”.
La violence à l’égard des femmes ne se limite pas à la violence conjugale. Entrent également dans cette catégorie les mariages forcés, les violences liée à la dot, le viol conjugal, le harcèlement sexuel, l’intimidation sur le lieu de travail et dans les établissements d’enseignement, les grossesses forcées, les avortements forcés ou la stérilisation forcée, la traite des femmes et la prostitution forcée.
Ces pratiques sont sources de traumatismes, de blessures et de décès. Les mutilations génitales des filles et des femmes sont par exemple courantes dans certaines régions d’Afrique. D’après l’OMS, elles peuvent cependant entraîner “des saignements et infections, l’incontinence urinaire, des difficultés pendant l’accouchement et même la mort”. L’OMS estime que 130 millions de filles ont subi cette intervention de par le monde et que 2 millions risquent d’en être victimes chaque année, malgré les accords internationaux interdisant de telles pratiques.
La violence sexuelle est un autre problème. Une organisation locale de Zaria (é) a constaté que 16 % des patients atteints d’infections sexuellement transmissibles (IST) étaient des filles de moins de cinq ans, qui avaient donc été victimes d’agressions sexuelles. Pendant la seule année 1990, le Centre génito-urinaire de Harare (Zimbabwe) a traité plus de 900 filles de moins de 12 ans atteintes d’IST.Du fait de ces agressions sexuelles, constatent les auteurs d’une publication de l’OMS, “les femmes et filles africaines risquent davantage que les hommes et les garçons de contracter des maladies sexuellement transmissibles [y compris le VIH/sida]”.
Ancrage culturel
D’après une étude réalisée en 1999 sur la violence envers les femmes par l’école de santé publique Johns Hopkins Bloomberg située près de Baltimore (Etats-Unis),les auteurs d’actes de violence envers les femmes ont tendance à considérer que la violence est le seul moyen de résoudre les conflits familiaux. Ils ont souvent des antécédents violents, ou ont grandi dans une famille où régnait la violence et consomment alcool et drogue de façon excessive.
Le cas de Janet Akinyi, au Kenya, en est un parfait exemple. En 2006, elle a demandé le divorce et la garde de ses enfants après que son mari eut tenté de la tuer avec un couteau. Elle avait été violemment battue pendant ses 10 ans de mariage. “Ça allait à peu près bien jusqu’à ce qu’il se mette à boire, a-t-elle raconté à Afrique Renouveau. Il se mettait alors en colère pour un rien et me battait.”
La violence à l’égard des femmes, indique l’étude de Johns Hopkins, dépasse le cadre des brutalités. Le phénomène “se produit dans toutes les situations socio-économiques et est profondément ancré dans les cultures du monde entier — à tel point que des millions de femmes le jugent normal”.
Dans un rapport établi en 2000, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a constaté qu’il ressortait d’entretiens réalisés en Afrique et en Asie que “le droit d’un mari de battre sa femme ou de l’intimider par des moyens physiques” relevait d’une “conviction profondément ancrée”.
Ces normes culturelles placent les femmes en situation d’infériorité par rapport à leur mari ou aux autres hommes. Les femmes sont alors “sous-évaluées, non respectées et risquent de subir la violence de leurs homologues masculins”, observent les auteurs d’un rapport du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) publié en 2003.
Etudiant particulièrement la situation en Afrique, Mme Heidi Hudsona constaté dans une étude menée en 2006 pour l’Institut sud-africain d’études sur la sécurité que “la situation d’infériorité des femmes de nombreux pays africains, notamment en milieu rural, est profondément ancrée dans la tradition”.
Femmes objets
La situation est telle, ajoute Mme Hudson, que les femmes sont parfois considérées comme des objets ou des biens, ce qui est particulièrement manifeste lorsqu’on considère des pratiques comme lelévirat et le versement de dots.
Les répercussions de ces pratiques ont été analysées dans une étude sur la violence familiale réalisée en 2003 en Ouganda par l’organisation américaine Human Rights Watch. Les familles interrogées justifiaient l’héritage forcé de veuves par d’autres hommes de la famille en arguant que tous les membres de la famille “avaient participé au coût de la mariée” et que la femme faisait donc partie “des biens de la famille”. Après avoir été transmise en héritage, une veuve perd les biens de son mari, qui appartiennent désormais au nouveau conjoint. Les auteurs de l’étude ont constaté que souvent “la famille d’une femme ne peut ou ne veut” rembourser la dot et il arrive que ses frères la battent jusqu’à ce qu’elle accepte de retourner chez son mari ou sa belle-famille.
Le premier Président tanzanien, Julius Nyerere, s’est très tôt insurgé contre de telles pratiques culturelles. Il a noté en 1984 que le fait de priver les femmes du droit d’hériter et de posséder des biens les place dans une situation de vulnérabilité et de dépendance économique.
Depuis la présidence de M. Nyerere, le déclin économique de l’Afrique a encore aggravé la situation des femmes. D’après une étude de l’OMS et du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), la situation de bon nombre de femmes est telle que celles-ci estiment ne pas avoir d’autre possibilité que de rester avec un mari qui les bat régulièrement. Elles restent car les hommes “contribuent de façon essentielle à leur sécurité financière et sociale, ou à la satisfaction de leurs aspirations matérielles”.
L’OMS a constaté que les femmes ayant suivi au moins des études secondaires étaient davantage en mesure de négocier une plus grande autonomie et un meilleur contrôle des ressources du ménage, avaient un plus grand choix de partenaires et pouvaient davantage décider de se marier ou non et à quel moment le faire. Ces possibilités s’accompagnent souvent d’un moindre risque de violence dans les foyers.
Le militantisme des femmes
Les femmes ne sont pas seulement des victimes. Elles se mobilisent activement en faveur du changement. Au Sénégal, après le viol en 1996 d’une fillette de neuf ans par une personnalité locale et politique importante, l’Association pour la promotion de la femme sénégalaise (APROFES) a organisé des manifestations et des distributions de tract pour ébruiter l’affaire. Le violeur et ses défenseurs ont ainsi dû renoncer à forcer la famille de la fillette à retirer sa plainte. L’APROFES a également apporté une aide juridique lors de la procédure judiciaire qui a suivi. Au terme du procès suivi par des milliers de personnes, l’auteur des faits a été condamné à dix ans de prison, première condamnation pour un tel crime au Sénégal.
Les femmes ont également fait pression sur le plan international pour instituer de meilleurs mécanismes de protection. Leurs efforts ont conduit à l’adoption de traités et instruments internationaux, comme en 1979 la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (voir encadré). Cette convention fait obligation aux gouvernements de réformer les pratiques et lois discriminatoires, qui autorisent par exemple les mariages précoces, empêchent les femmes d’hériter de biens ou leur confèrent un statut inférieur.
La Convention est entrée en vigueur en 1981 et a conduit à la création du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. En 1992, le Comité a affirmé que la violence à l’égard des femmes constituait une “violation de leurs droits fondamentaux reconnus sur le plan international” et “une forme de discrimination” qui “réduit à néant leur droit à la liberté, à la sécurité et à la vie”.
Le Comité a demandé aux gouvernements d’identifier les coutumes et pratiques qui perpétuent la violence envers les femmes. Il les a instamment priés de mener des campagnes d’information, de créer des lieux sûrs pour les femmes, de mettre en place des programmes d’aide psychologique et de réinsertion à l’intention des victimes, de sensibiliser les forces de l’ordre au problème et d’élaborer des lois permettant de protéger les femmes contre toutes les formes de violence.
En 2003, UNIFEM a malheureusement constaté que peu de pays s’étaient acquittés de ces obligations. Beaucoup ne rassemblent pas d’informations sur la violence envers les femmes, si bien que l’on dispose de peu de données pour déterminer si les mesures prises ont un quelconque effet. Pire encore, rares sont les pays qui ont adopté des lois visant à prévenir la violence.
En 2007, sur les 179 pays qui sont parties à la Convention, seuls 89 ont des lois interdisant expressément la violence familiale. Quatre vingt dix gouvernements ont adopté des lois contre le harcèlement sexuel. En Afrique, seule l’Afrique du Sud a promulgué les lois nécessaires pour réprimer la violence envers les femmes.
Une lente évolution
Lors d’un forum organisé à New York en 2007 par la Commission de la condition de la femme de l’ONU, la parlementaire kényane Njoki Ndugu a décrit les obstacles auxquels se heurtent les femmes lorsqu’elles essaient d’amener des parlements majoritairement masculins à adopter des lois en faveur des femmes. “L’amendement de la loi sur la violence sexuelle a été présenté plusieurs fois depuis l’indépendance sans être adopté, a-t-elle expliqué. A chaque fois, les parlementaires de sexe masculin ont considéré que cet amendement donnerait trop de pouvoir aux femmes."
Au Kenya, la loi sur la violence sexuelle n’a été adoptée qu’après avoir été expurgée de certaines dispositions, dont celle qui aurait interdit le viol conjugal. En Ouganda, des projets de lois similaires présentés il y a plus d’une dizaine d’années n’ont toujours pas été adoptés. Des participants de Tanzanie et du Zimbabwe ont déclaré se heurter à la même opposition.
Il y a eu quelques exceptions. Au Rwanda, UNIFEM a collaboré avec le gouvernement pour instaurer une loi qui oblige tous les partis à présenter un nombre égal d’hommes et de femmes aux élections parlementaires. Aujourd’hui, 49 % des membres du parlement du Rwanda sont des femmes, la proportion la plus élevée du monde. Le parlement a adopté plusieurs lois progressistes, dont une qui donne aux filles et aux femmes le droit d’hériter des terres et des biens de leurs parents, droit auparavant réservé aux hommes.
Cette avancée a été particulièrement importante pour les rescapées du génocide rwandais de 1994. Sans cette nouvelle loi, elles auraient été dépendantes des hommes de leur famille et vulnérables. Elles peuvent dorénavant contrôler les ressources de leur famille et subvenir à leurs besoins.
En Afrique du Sud, des parlementaires des deux sexes ont fait adopter en 1998 la loi sur la violence familiale, à un moment où le nombre de femmes ministres et parlementaires était pourtant au plus bas depuis la fin de l’apartheid en 1994. Des dispositions législatives imposant des peines minimales pour les violeurs et restreignant les conditions de libération sous caution ont été promulguées en 1997 et des directives sur la prise en charge des crimes sexuels ont été adoptées l’année suivante.
Application des lois
Il ne suffit pas d’adopter de nouvelles lois. Il faut aussi que les mécanismes d’application des lois et les procédures judiciaires soient accessibles et adaptés aux femmes, explique Mme Mary Wandia, coordonnatrice des droits des femmes africaines pour l’organisation non gouvernementale Action Aid International. “Souvent, la police ne s’intéresse pas aux affaires de violence familiale, observe-t-elle. A moins qu’une femme ne puisse montrer les traces de la violence qu’elle a subie, la police et les forces de l’ordre refusent souvent de la croire et de l’aider."
En outre, poursuit Mme Wandia, “de nombreuses communautés sont complices, en excusant ou en tolérant la violence envers les femmes et donc en l’approuvant implicitement”. Il arrive que les voisins et les amis hésitent à intervenir en cas de mauvais traitements car les relations conjugales sont considérées comme “une affaire privée”.
D’après Mme Thoraya Ahmed Obaid, Directrice exécutive du FNUAP, il est nécessaire de “veiller à ce que tous ceux qui sont confrontés à la violence envers les femmes — que ce soient les policiers, les juges, les avocats, les agents de l’immigration, les membres du personnel de santé ou les travailleurs sociaux — soient sensibilisés au problème et aient été formés à réagir avec compassion et à adopter une approche globale”.
Au Rwanda, des “bureaux de femmes” ont été créés dans les postes de police. Ils emploient principalement des femmes ayant suivi une formation, qui aident les victimes de la violence sexuelle et d’autres formes de violence. Ils enquêtent et font en sorte que les preuves à conviction soient présentées lors des procédures judiciaires. Résultat: en 2006, la police rwandaise a porté devant les tribunaux 1 777 affaires de viol, qui se sont soldées par 803 condamnations. Ces bureaux en faveur des femmes “ont amélioré la déclaration aux autorités et la prise en charge de ces crimes”, a expliqué à Afrique Renouveau Mme Joséphine Odera, Directrice pour l’Afrique centrale à UNIFEM. “Nous devons maintenant étendre cette approche à un plus grand nombre de pays."
En 1996, le Gouvernement du Burkina Faso a adopté une loi interdisant les mutilations sexuelles féminines. Pour la faire appliquer, les autorités ont mené une campagne d’information, ont inscrit la question au programme d’études des écoles et ont mis en place une ligne téléphonique pour aider les filles en danger. D’après Plan International, 400 condamnations ont été prononcées entre 1996 et 2005, avec des peines allant jusqu’à trois ans de prison et des amendes de l’ordre de 1 800 dollars des Etats-Unis. Les mutilations génitales sont maintenant moins acceptées par l’opinion publique.
Cependant, même des lois adéquates peuvent rester sans effet lorsque les démarches judiciaires sont trop coûteuses. Lorsque, au Kenya, Mme Akinyi a demandé le divorce après que son mari eut tenté de la tuer, elle a dû emprunter de l’argent à des amis pour payer les frais juridiques. “J’ai déjà dépensé 35 000 shillings kényans” — l’équivalent de 500 dollars des Etats-Unis — a-t-elle déclaré à Afrique Renouveau. “J’ai essayé d’obtenir une aide juridique mais on m’a dit qu’il y avait de nombreuses affaires beaucoup plus graves que la mienne. Il y a des femmes qui attendent une décision des tribunaux depuis cinq ans parce qu’elles dépendent d’avocats commis d’office qui s’occupent d’un trop grand nombre d’affaires. Je comprends maintenant pourquoi autant de femmes ne quittent jamais leur mari. Comment pourraient-elles se le permettre?"
“Il faut qu’il y ait des services juridiques gratuits”, estime Mme Saran Daraba Kaba, ancienne ministre guinéenne qui est maintenant directrice générale du Réseau des femmes du fleuve Mano, opérant en Guinée, en Sierra Leone et au Libéria. “Il faut qu’il y ait des avocats dûment formés, capables d’aider la victime à prendre une décision en connaissance de cause. Nous avons créé des centres d’assistance juridique gratuite et avons formé des avocats locaux à cette fin. C’est un tout nouveau modèle, mais qui est très prometteur.”
Faire évoluer les mentalités
Pour Mme Kaba, le plus grand défi consiste à faire évoluer les mentalités et les croyances qui maintiennent les femmes en situation d’infériorité. “Il faut que davantage de femmes aient conscience de leurs droits. Nous devons expliquer à notre peuple pourquoi il est important de protéger les femmes et en quoi cela bénéficie à la société entière lorsque les femmes sont mieux protégées”.
Il est essentiel de sensibiliser les hommes aussi bien que les femmes. D’après l’étude de l’OMS, 80 % des femmes interrogées dans les régions rurales de l’Egypte estimaient qu’il était légitime de battre une femme qui refusait d’avoir des relations sexuelles avec son compagnon. Au Ghana, les femmes étaient plus nombreuses(50 %) que les hommes (43 %) à penser qu’un homme avait raison de battre sa femme si elle utilisait des contraceptifs sans son accord.
En Tanzanie, l’ONG Kivulini organise des réunions en plein air, des sessions de percussions, de chansons et de danses traditionnelles pour amener la population à parler de la violence familiale, du VIH/sida et de la santé en matière de procréation. En Guinée, des ONG locales et des imams unissent leurs efforts pour expliquer que l’islam ne tolère pas les mauvais traitements infligés aux femmes.
En faisant participer les hommes et les femmes, ces groupes de la société civile indiquent clairement que la violence familiale n’est pas seulement un problème pour les femmes, mais pour l’ensemble de la communauté. “Il faut que les mentalités évoluent”, a déclaré Mme Safiye Cagar, directrice de l’information du FNUAP, à des représentants des gouvernements et de la société civile lors du forum de 2006 de la Commission de la condition de la femme. Cette évolution, a-t-elle indiqué, ne peut être obtenue que par le dialogue et les débats, la sensibilisation, la participation des communautés et la mobilisation concertée de la société civile.
La véritable honte, a déclaré Mme Cagar à l’occasion de la Journée internationale de la femme, est que le monde laisse de tels crimes se perpétrer. “Il incombe aux gouvernements et à l’ensemble de la société de condamner la violence envers les femmes et d’y mettre fin.”
Une action mondiale, des progrès inégaux
En plus de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Déclaration de Vienne de 1993 sur les droits de l’homme et la Déclaration issue de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de Beijing de 1995 ont défini des mesures à prendre pour protéger les femmes de la discrimination et de la violence. De même, en 1993, dans la Déclaration sur l’élimination de la violence contre les femmes, l’Assemblée générale des Nations Unies a demandé aux gouvernements de condamner cette violence et de ne pas invoquer les coutumes, traditions ou convictions religieuses pour se soustraire à l’obligation d’y mettre fin. Le mandat du Rapporteur spécial de l’ONU sur la violence contre les femmes se fonde sur ces différents accords.
En 2003, les gouvernements africains ont adopté un protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, dans lequel ils se sont engagés à mettre un terme à la discrimination et la violence à l’égard des femmes. Ce protocole est entré en vigueur en novembre 2005 après avoir été ratifié par 15 Etats.
Aujourd’hui, le Rapporteur spécial de l’ONU et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) constituent les deux principaux mécanismes permettant de combattre la violence à l’égard des femmes à l’échelle internationale. Le CEDAW encourage les Etats à établir des rapports sur l’ampleur, les causes et conséquences de la violence et sur les mesures qu’ils ont prises pour y remédier. Les organisations non gouvernementales (ONG) peuvent présenter des rapports complémentaires. Cette méthode a remporté certains succès mais se heurte à de nombreux défis.
Ouganda — En 2002, le CEDAW s’est déclaré préoccupé par le manque de lois visant à lutter contre la fréquence élevée de la violence envers les femmes en Ouganda. En l’absence d’une loi sur la violence familiale, la police et les tribunaux ont recours aux lois portant sur les agressions et homicides. Le Comité a fortement recommandé de promulguer dans les plus brefs délais deux projets de loi dont le parlement a été saisi il y a plus de dix ans: le projet de loi sur les relations familiales, qui vise à renforcer les lois sur le mariage et le divorce, et le projet de loi sur les infractions sexuelles. Mais les dirigeants politiques estiment que ces projets de loi ne sont “pas urgents”.
é — En 1998, le CEDAW s’est également inquiété de la prévalence de la violence à l’égard des femmes et des filles au é, “y compris de la violence familiale et du harcèlement sexuel sur le lieu de travail”. Le ministre de la condition féminine et du développement social a répondu que le gouvernement avait eu du mal à remédier au problème car “les femmes signalent rarement à la police les violences qu’elles subissent, par peur des représailles de leur mari et du reste de la famille”. Cinq ans plus tard, il ressort d’une étude réalisée par Amnesty International à Lagos que les poursuites judiciaires pénales restent très rares dans ce type d’affaires.
Maroc — En 1997, le CEDAW a demandé au gouvernement marocain de lutter contre la violence envers les femmes et de mettre en place des services d’aide aux victimes. L’année suivante, l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), basée à Genève, a décrit dans un autre rapport plusieurs lois qui rendaient les femmes vulnérables. A la suite des pressions de l’OMCT et d’associations de femmes internationales et locales, les lois marocaines ont été amendées en février 2004. L’âge minimum au mariage a été porté de 15 à 18 ans pour les filles. L’obligation pour une femme d’obéir à son mari n’est plus inscrite dans la loi et les femmes ont le droit de décider elles-mêmes de leur mariage et de demander plus facilement le divorce.