缅北禁地

Protestations contre les accords de partenariat 茅conomique (APE) au Forum social mondial de Nairobi (Kenya).

Photo: Reuters / Antony Njuguna

Les pr茅visions sont sombres. Les recettes d鈥檌mportation du Cap-Vert risquent de chuter de 80 % ; les trois-quarts des activit茅s 茅conomiques du Ghana sont en danger d鈥檈xtinction. Et les pays africains pourraient finir par d茅pendre encore plus de leurs 茅changes commerciaux avec l鈥橢urope que de leurs 茅changes entre eux. De telles craintes, provoqu茅es par les cons茅quences 茅ventuelles des n茅gociations de 鈥渓ibre 茅change鈥� qui se d茅roulent actuellement entre l鈥橢urope et ses anciennes colonies d鈥橝frique, des Cara茂bes et du Pacifique (ACP), commencent 脿 attirer l鈥檃ttention des pays de la r茅gion.

Des gouvernements africains, des experts politiques, des repr茅sentants de groupes 茅conomiques r茅gionaux et d鈥檃ssociations de la soci茅t茅 civile s鈥檃ccordent de plus en plus 脿 dire que les accords de partenariat 茅conomique (APE) mis au point actuellement par l鈥橢urope et les pays ACP devront subir d鈥檌mportantes modifications si l鈥檕n entend pr茅server les perspectives de d茅veloppement de ces derniers.

鈥淪i les APE sont maintenus en l鈥櫭﹖at, ce sera la fin de notre agriculture鈥�, a lanc茅 Jules Zongo, pr茅sident des chambres d鈥檃griculture r茅gionales du Burkina Faso, lors d鈥檜ne manifestation de 2 000 agriculteurs qui a eu lieu en d茅cembre 脿 Ouagadougou, capitale du pays. Quelques mois auparavant, des repr茅sentants de la soci茅t茅 civile s鈥櫭﹖aient rassembl茅s au S茅n茅gal, dans le cadre d鈥檜ne campagne internationale de d茅nonciation des APE, exhortant leur gouvernement 脿 retarder la conclusion des pourparlers tant que ces accords n鈥檃uront pas 茅t茅 profond茅ment modifi茅s.

Les dirigeants africains ont entendu ces appels. Lors du sommet des chefs d鈥橢tat de l鈥橝frique de l鈥橭uest qui s鈥檈st tenu en janvier 2007 脿 Ouagadougou, le Pr茅sident burkinab茅 Blaise Compaor茅 a soulign茅 la n茅cessit茅 de tenir compte des 鈥減r茅occupations l茅gitimes鈥� des agriculteurs et autres producteurs dans toutes les n茅gociations commerciales avec l鈥橴nion europ茅enne (UE).

L鈥檋ostilit茅 aux APE s鈥檈st 茅galement exprim茅e lors du Forum social mondial qui s鈥檈st tenu en janvier 脿 Nairobi (Kenya), au cours duquel des dizaines de milliers de repr茅sentants de la soci茅t茅 civile ont d茅fil茅 avec des pancartes portant l鈥檌nscription : 鈥淟uttez contre la pauvret茅鈥�Dites non aux APE.鈥� En avril, la Coalition de la jeunesse africaine contre la faim a mobilis茅 un millier de militants de 20 pays en Gambie pour lancer une 鈥渃ampagne bruyante鈥� destin茅e 脿 lancer un d茅bat sur les accords propos茅s.

Ces n茅gociations n鈥檕nt pas seulement suscit茅 l鈥檌nt茅r锚t en raison des ramifications concr猫tes qu鈥檃urait leur issue sur l鈥檈xistence quotidienne des populations, mais aussi parce qu鈥檈lles ont d茅but茅 au moment o霉 les pourparlers sur une lib茅ralisation plus large du commerce international 鈥� le cycle de Doha de l鈥橭rganisation mondiale du commerce (OMC) 鈥� semblaient pi茅tiner.

L鈥檋茅sitation des pays plus riches 脿 lib茅raliser leur secteur agricole, accompagn茅e de leurs appels r茅p茅t茅s en direction des pays en d茅veloppement pour qu鈥檌ls ouvrent davantage leurs march茅s aux produits du Nord, a contribu茅 l鈥檃n dernier 脿 la suspension pour une dur茅e ind茅termin茅e du cycle de Doha. Certains experts sont persuad茅s que les n茅gociations actuelles sur les APE constituent une man艙uvre de la part de la puissante Union europ茅enne pour obtenir, par d鈥檃utres voies, de ses partenaires commerciaux plus faibles de l鈥橝CP les concessions qu鈥檈lle n鈥檃 pas r茅ussi 脿 arracher dans le cadre de l鈥橭MC. Le produit national brut total des 27 pays membres de l鈥橴E s鈥櫭﹍猫ve 脿 14 milliards de dollars des Etats-Unis, alors que 39 des 79 pays ACP figurent parmi les pays les moins avanc茅s (PMA) de la plan猫te.

Situation nouvelle

Les changements intervenus 脿 l鈥橭MC ont profond茅ment modifi茅 la nature des rapports entre l鈥橴nion europ茅enne et les pays ACP, bien avant l鈥檈nlisement des n茅gociations du cycle de Doha. De 1975 脿 1994, les deux parties ont collabor茅 dans le cadre d鈥檜ne s茅rie d鈥檃ccords de coop茅ration pour le d茅veloppement de cinq ans, connus au d茅part sous le nom de Conventions de Lom茅. Au terme de ces accords, l鈥橴nion europ茅enne a consenti des avantages commerciaux aux exportations des pays ACP sans clause de r茅ciprocit茅.

Vente de produits textiles africains 脿 Bamako (Mali). Les fabricants locaux seront frapp茅s de plein fouet si les produits europ茅ens envahissent leurs march茅s.

Photo: Reuters / Antony Njuguna

Les n茅gociations commerciales, qui se sont d茅roul茅es dans le cadre de ce qu鈥檕n a appel茅 le cycle d鈥橴ruguay et se sont achev茅es en 1994, ont fix茅 de nouvelles r猫gles, les parties aux accords commerciaux r茅gionaux 茅tant tenues de supprimer les droits de douane et d鈥檃utres mesures contraignantes pour pratiquement tous leurs 茅changes commerciaux. L鈥檃pplication de cette disposition a toutefois 茅t茅 report茅e pour certaines r茅gions, en vertu d鈥檜ne d茅cision de l鈥橭MC, n茅e des n茅gociations d鈥橴ruguay en 1995, qui a accord茅 une d茅rogation exceptionnelle 脿 l鈥橴E, l鈥檃utorisant 脿 pr茅server le r茅gime de pr茅f茅rences 鈥渘on-r茅ciproques鈥� pour les exportations des pays ACP jusqu鈥檈n d茅cembre 2007.

Ayant l鈥櫭ヽh茅ance de l鈥橭MC 脿 l鈥檈sprit, les deux groupes ont conclu en 2000 un nouvel accord de coop茅ration 鈥� l鈥橝ccord de Cotonou 鈥� dans les domaines de l鈥檃ide, du commerce et de la coop茅ration politique.

Certains pays en d茅veloppement craignent 脿 pr茅sent que la position de l鈥橴E 脿 l鈥櫭ゞard des APE ne les force 脿 supprimer les mesures de protection commerciale 脿 un rythme et dans des proportions tels que leur propre essor 茅conomique serait compromis. 鈥淎 aucun moment l鈥橝PE n鈥檃 constitu茅 un mod猫le d鈥檃ccord de libre 茅change pour les pays ACP, mais on n鈥檃vait pas le choix鈥�, pr茅cise l鈥檃mbassadeur de Maurice aupr猫s de l鈥橴E, Sutiawan Gunessee.

Le Ministre du commerce du Zimbabwe, Obert Mpofu, estime qu鈥檌l est indispensable que les nouveaux accords commerciaux contribuent 脿 encourager, plut么t qu鈥櫭� freiner, 鈥渓e d茅veloppement 茅conomique, la cr茅ation d鈥檈mplois, la cr茅ation de richesses pour les populations et, en fin de compte, la r茅duction de la pauvret茅鈥�.

Eliminer la d茅pendance?

Le Commissaire au commerce de l鈥橴nion europ茅enne, Peter Mandelson, estime en revanche que les APE sont avantageux, affirmant qu鈥檌ls contribuent 脿 transformer les relations entre l鈥橝frique et l鈥橢urope en les fondant sur la comp茅titivit茅 茅conomique et non plus sur la d茅pendance tarifaire. Faisant valoir qu鈥檃u bout de 30 ann茅es d鈥檃cc猫s pr茅f茅rentiel aux march茅s, l鈥橝frique continuait d鈥檈xporter un nombre restreint de produits de base, M. Mandelson ajoute que 鈥渓a plupart de ces produits sont vendus 脿 des prix plus faibles qu鈥檌l y a 20 ans. Cela ne peut pas durer, dit-il. Ce n鈥檈st pas 莽a, le d茅veloppement durable鈥�.

A cela, le Ministre du commerce nig茅rian, Aliyu Modibo Umar, r茅plique : 鈥淪i 30 ans de libre acc猫s non-r茅ciproque aux march茅s de l鈥橴nion europ茅enne n鈥檕nt pas permis d鈥檃m茅liorer la situation 茅conomique des pays ACP, comment voulez-vous qu鈥檜n arrangement commercial de r茅ciprocit茅 y parvienne ?鈥� A son avis, une simple lib茅ralisation du commerce n鈥檃boutira qu鈥櫭� 鈥渁ccentuer les disparit茅s entre les deux blocs et r茅duire 脿 n茅ant les modestes gains 茅conomiques r茅alis茅s par certains pays ACP ces derni猫res ann茅es鈥�.

D茅chargement de c茅r茅ales dans le port de Dakar (S茅n茅gal) : l鈥橝frique craint que l鈥橢urope ne cherche 脿 introduire dans les n茅gociations commerciales de nouveaux 茅l茅ments qui n鈥檕nt pas 茅t茅 accept茅s 脿 l鈥橭MC.

Photo: Africaphotos.com / Robert Grossman

Choix difficiles

Les accords de partenariat 茅conomique pr茅conis茅s par l鈥橴E stipulent que les pays ACP devront 茅ventuellement lib茅raliser 80 脿 90 % de leurs 茅changes commerciaux avec les autres membres du bloc r茅gional s鈥檌ls veulent acc茅der aux march茅s europ茅ens en franchise de droit. De ce fait, les pays ACP ne pourront recourir aux droits de douane que pour prot茅ger une infime partie de leur production face 脿 la concurrence des produits europ茅ens.

D鈥檃pr猫s une 茅tude r茅alis茅e en 2006 par Oxfam, Unequal Partners, pour satisfaire 脿 ces conditions, les gouvernements africains auront 脿 faire des choix difficiles : faudra-il pr茅server les droits de douane sur les importations g茅n茅ratrices de recettes importantes, comme les voitures ou l鈥櫭﹒uipement 茅lectronique, ou prot茅ger les aliments de base, comme le ma茂s ? Faudra-t-il mettre quelques secteurs 茅conomiques 脿 l鈥檃bri de la concurrence, ou se donner, au contraire, les moyens d鈥檈n stimuler d鈥檃utres ?

Manque 脿 gagner

A court terme, la suppression des droits de douane sur les importations europ茅ennes priverait de nombreux gouvernements africains d鈥檜ne importante source de recettes fiscales, affirme Godfrey Kanyenze, du Labour and Economic Development Institute du Zimbabwe. Tant que ces pays ne seront pas en mesure de diversifier l鈥檕rigine de leurs revenus 鈥� processus souvent fastidieux 鈥� ils risquent d鈥檈nregistrer des d茅ficits budg茅taires, qui entra卯neront une diminution des investissements de l鈥橢tat en mati猫re d鈥櫭ヾucation, de soins de sant茅, de r茅duction de la pauvret茅 et de s茅curit茅 sociale.

Une 茅tude de 2002 r茅alis茅e par Common Market for East and Southern Africa, un organisme commercial r茅gional, indique que si la totalit茅 des importations en provenance de l鈥橴nion europ茅enne 茅tait autoris茅e 脿 entrer sur les march茅s africains en franchise de droit, les gouvernements africains subiraient un manque 脿 gagner de l鈥檕rdre de 25 % en taxes sur les 茅changes et de 6 % en recettes fiscales. D鈥檃pr猫s une autre 茅tude de l鈥橧nstitut d鈥櫭ヽonomie internationale de Hambourg (Allemagne), une diminution des taxes 脿 l鈥檌mportation dans les pays de la Communaut茅 茅conomique des Etats de l鈥橝frique de l鈥橭uest entra卯nerait un manque 脿 gagner de 2,2 millions de dollars pour la Guin茅e-Bissau et de 487,8 millions de dollars pour le Nig茅ria. C鈥檈st le Cap-Vert qui serait le plus durement touch茅, avec une r茅duction probable de 80 % des recettes 脿 l鈥檌mportation. Si aucun am茅nagement n鈥檈st pr茅vu en mati猫re de d茅penses, le Cap-Vert et la Gambie risquent de subir des d茅ficits budg茅taires d鈥檈nviron 4,1 % et 3,5 %, respectivement.

M. Mandelson, Commissaire au commerce de l鈥橴E, r茅torque qu鈥檌l faut traiter ces pr茅visions apocalyptiques avec prudence. 鈥淎 y regarder de plus pr猫s, la plupart de ces 茅tudes sont hautement th茅oriques, dit-il. Elles pr茅sument une lib茅ralisation imm茅diate et totale et ignorent les avantages 茅conomiques des r茅formes.鈥� A son avis, l鈥橴E et les pays ACP sont capables de n茅gocier le calendrier et les 茅tapes d鈥檜ne r茅duction des droits de douane de fa莽on 脿 茅viter une chute brutale des recettes publiques.

Tout en estimant souhaitable une certaine p茅riode de 鈥減rotection temporaire鈥�, le Commissaire r茅affirme la n茅cessit茅 d鈥檜ne diminution progressive des mesures de protection pour stimuler la comp茅titivit茅 locale. A la longue, dit-il, il est dans l鈥檌nt茅r锚t des pays ACP d鈥檃dapter leurs 茅conomies pour rivaliser avec le reste de la plan猫te.

En catimini

En principe, la premi猫re priorit茅 de l鈥橝ccord de Cotonou est la r茅duction de la pauvret茅. Les deux parties conviennent que les accords n茅goci茅s doivent favoriser le d茅veloppement dans les pays ACP. Ils diff猫rent toutefois sur les politiques 脿 suivre 脿 cette fin, comme lors des d茅bats pr茅c茅dents 脿 l鈥橭MC.

L鈥橴nion europ茅enne invite par exemple les pays ACP 脿 adopter des mesures strictes visant 脿 garantir les investissements 茅trangers, 脿 stimuler la concurrence sur le march茅 national et 脿 accro卯tre la transparence des proc茅dures de passation des march茅s publics. Des propositions analogues 鈥� les 鈥渜uestions de Singapour鈥�, du nom de la r茅union minist茅rielle de l鈥橭MC o霉 elles ont 茅t茅 soulev茅es pour la premi猫re fois 鈥� ont 茅t茅 rejet茅es par les pays en d茅veloppement, qui craignaient qu鈥檈lles ne les emp锚chent d鈥檜tiliser pleinement les politiques commerciales 脿 des fins de d茅veloppement (voir Afrique Renouveau, janvier 2004).

N鈥檃yant pas r茅ussi 脿 int茅grer ces questions aux accords de l鈥橭MC, les pays riches tentent 脿 pr茅sent de les faire figurer dans les accords multilat茅raux et bilat茅raux, sous forme de conditions 脿 l鈥檃ttribution de l鈥檃ide ou de pr锚ts, note Irungu Houghton du Kenya, expert de la politique panafricaine 脿 Oxfam. A son avis, les accords de partenariat 茅conomique ne constituent qu鈥檜n volet d鈥檜ne campagne plus large visant 脿 faire adopter les 鈥渜uestions de Singapour鈥� en catimini.

M. Houghton a expliqu茅 脿 Afrique Renouveau que plusieurs gouvernements africains subissaient de fortes pressions pour que les op茅rations de passation de march茅s soient rendues publiques et ouvertes aux fournisseurs d鈥檃utres pays, qui, 鈥済r芒ce 脿 leur rayon d鈥檃ction international, sont capables de fabriquer des articles 脿 des co没ts bien plus faibles que les industriels locaux鈥�. La lib茅ralisation de ces proc茅dures priverait les gouvernements africains de l鈥檜n des rares outils dont ils se sont toujours servi pour favoriser l鈥櫭ヽonomie locale en privil茅giant les entreprises nationales par rapport aux soci茅t茅s 茅trang猫res.

M. Houghton remarque par ailleurs qu鈥檜ne 茅volution similaire des politiques de passation des march茅s publics figure dans les strat茅gies d鈥檃ide aux pays, qui fixent les conditions des pr锚ts accord茅s par la Banque mondiale, principal bailleur de fonds du continent.

Les cons茅quences d鈥檜ne 茅ventuelle adoption par l鈥橝frique de l鈥檈nsemble des questions soulev茅es 脿 Singapour n鈥檕nt pas 茅t茅 pleinement 茅valu茅es, mais les experts politiques s鈥檃ccordent 脿 penser que la simple mise en 艙uvre de la nouvelle l茅gislation n茅cessaire 脿 la r茅forme risque d鈥櫭猼re co没teuse. Oxfam estime que le co没t de la modification des lois nationales et des proc茅dures commerciales dans les 16 domaines de r茅forme adopt茅s dans le cadre du cycle d鈥橴ruguay s鈥櫭﹍猫verait 脿 2,5 millions de dollars en moyenne par pays.

La Commission europ茅enne (le secr茅tariat de l鈥橴E) r茅affirme toutefois qu鈥檌l n鈥檡 aura pas d鈥橝PE 鈥渟ans que les r猫gles en mati猫re d鈥檌nvestissements soient d茅finies et sans une parfaite r茅ciprocit茅鈥�. La Commission fait valoir que l鈥檕bjectif originel des accords de partenariat 茅conomique est de mettre en place des politiques commerciales progressistes en 茅liminant les mauvaises pratiques 茅conomiques qui freinent les investissements en Afrique.

鈥淔aillites en s茅rie鈥�

Pourtant l鈥檕pposition aux accords de partenariat 茅conomique souhait茅s par l鈥橴E s鈥檌ntensifie. En 2004, des repr茅sentants d鈥檕rganisations de la soci茅t茅 civile du monde entier se sont rassembl茅s 脿 Londres pour lancer une campagne de d茅nonciation de ces accords. Des militants ont affirm茅 脿 cette occasion que, sous leur forme actuelle, les APE n鈥櫭﹖aient que des accords de 鈥渓ibre 茅change鈥� restrictifs, visant 脿 acc茅l茅rer la lib茅ralisation des march茅s des pays ACP. Ils citent plusieurs exemples 脿 l鈥檃ppui : en 1986, la diminution de 40 % des droits de douane en C么te d鈥橧voire a provoqu茅 des licenciements massifs dans les secteurs de la chimie, des textiles, de la chaussure et du montage automobile. Au S茅n茅gal, la r茅duction des droits douaniers de 165 % 脿 90 % a entra卯n茅 la disparition, entre 1985 et 1990, du tiers des emplois du secteur manufacturier. Les militants ont appel茅 脿 l鈥櫭﹖ablissement de relations commerciales UE-ACP favorisant le d茅veloppement 茅conomique des partenaires plus faibles.

En avril, des repr茅sentants des milieux d鈥檃ffaires de l鈥橝frique de l鈥橭uest ont 脿 leur tour exprim茅 leurs pr茅occupations. Lors d鈥檜ne r茅union organis茅e 脿 Dakar sous les auspices de la chambre de commerce r茅gionale des huit pays appartenant 脿 l鈥橴nion 茅conomique et mon茅taire de l鈥橝frique de l鈥橭uest, ils ont r茅affirm茅 leur volont茅 d鈥檃ccro卯tre leur comp茅titivit茅 sur les march茅s internationaux, sans pour autant se lancer dans ce combat 鈥溍� armes in茅gales鈥�. Evoquant les accords de partenariat 茅conomique, Iddi Ango, pr茅sident de la chambre de commerce r茅gionale, a affirm茅 que 鈥渟i on devait ouvrir les march茅s de nos pays, compte tenu de la situation actuelle de nos entreprises, loin de stimuler l鈥櫭ヽonomie, on provoquerait une v茅ritable catastrophe, des faillites en s茅rie鈥�.

Pour sa part, Ibrahim Akalbila, coordinateur national de Ghana Trade and Livelihood Coalition, qui regroupe des associations de la soci茅t茅 civile et d鈥檃griculteurs de ce pays, a 茅voqu茅 les subventions 茅lev茅es que de nombreux gouvernements europ茅ens continuent d鈥檃ccorder 脿 leurs producteurs, permettant 脿 ceux-ci de pratiquer des prix inf茅rieurs 脿 ceux propos茅s par les producteurs des pays pauvres en d茅veloppement. 鈥淨u鈥檌l s鈥檃gisse de tomates ou de riz, de textiles ou de barres de fer, les importations bon march茅, d茅vers茅es ill茅galement sur nos march茅s, d茅truisent des secteurs entiers de nos 茅conomies, et, avec 莽a, l鈥檈xistence de millions de personnes.鈥�

Des APE 鈥溍﹍agu茅s鈥�

Conscients de la validit茅 des accusations des pays ACP, certains experts europ茅ens n鈥檈n soulignent pas moins la position difficile de l鈥橴nion europ茅enne : comment r茅concilier le r茅gime sp茅cial accord茅 aux pays ACP avec ses engagements vis-脿-vis de l鈥橭MC ?

Une solution serait que l鈥橴nion europ茅enne accepte de conclure un accord de r茅ciprocit茅 minimale, conforme aux directives de l鈥橭MC, mais suffisamment souple pour permettre aux pays ACP de prot茅ger leurs march茅s et 茅conomies. Le Centre europ茅en de gestion des politiques de d茅veloppement, fondation ind茅pendante financ茅e par des gouvernements europ茅ens, recommande l鈥檃doption d鈥檜n APE 鈥溍﹍agu茅鈥�.

Au d茅part, un tel accord am猫nerait les pays ACP 脿 ouvrir leurs march茅s juste assez pour se conformer aux directives de l鈥橭MC. Ces pays n鈥檃uraient ainsi qu鈥櫭� lib茅raliser de 50 脿 60 % de leurs 茅changes commerciaux avec l鈥橴E pendant une p茅riode transitoire de 20 ans ou plus, tout en s鈥檃ssurant un acc猫s illimit茅 aux march茅s de l鈥橴E. L鈥橴nion europ茅enne s鈥檈ngagerait 脿 contribuer, pendant toute cette p茅riode, 脿 la cr茅ation d鈥檃ctivit茅s 茅conomiques durables dans les pays ACP.

La Commission 茅conomique de l鈥橭NU pour l鈥橝frique (CEA) estime de m锚me que l鈥檕bjectif principal des APE, pendant les 12 premi猫res ann茅es suivant leur conclusion, devrait 锚tre le renforcement du commerce intra-africain, permettant aux 茅conomies locales de devenir plus comp茅titives sur le continent. Ce n鈥檈st qu鈥檈nsuite, affirme cette commission bas茅e 脿 Addis-Abeba, qu鈥檕n pourrait envisager l鈥檕uverture des 茅conomies africaines 脿 la concurrence europ茅enne. Et m锚me 脿 ce moment-l脿, pr茅vient-elle, la diminution des droits de douane devrait s鈥檕p茅rer progressivement, pour donner le temps aux pays ACP de s鈥檃dapter aux rigueurs des march茅s internationaux.

Solutions de rechange

En cas de rejet des accords de partenariat 茅conomique, il existe d鈥檃utres solutions. A la r茅union de Cotonou en 2000, les membres de l鈥橴nion europ茅enne ont en effet accept茅 de proposer, en cas d鈥櫭ヽhec des n茅gociations sur les APE, d鈥檃utres formules, offrant aux pays ACP la possibilit茅 de disposer 鈥渄鈥檜n nouveau m茅canisme commercial correspondant 脿 leur situation actuelle et conforme aux directives de l鈥橭MC鈥�.

Une telle solution consisterait par exemple 脿 mettre au point de nouvelles formules commerciales satisfaisantes pour les deux parties. Action Aid propose ainsi que l鈥橴nion europ茅enne continue d鈥檃ccorder aux pays ACP un acc猫s pr茅f茅rentiel 脿 ses march茅s, tout en leur permettant de prot茅ger leurs principaux secteurs 茅conomiques ou de ne r茅duire leurs droits de douane qu鈥櫭� condition que leurs objectifs de d茅veloppement 茅conomique ne soient pas compromis. Il faudrait cependant modifier les dispositions en vigueur de l鈥橭MC r茅gissant les 茅changes commerciaux r茅gionaux. Compte tenu de l鈥櫭ヽh茅ance imminente de Cotonou et de la suspension ind茅finie des n茅gociations du cycle de Doha, cette solution semble peu probable.

Les deux parties pourraient par ailleurs invoquer les accords commerciaux en vigueur, dont le Syst猫me g茅n茅ralis茅 de pr茅f茅rences (SGP), m茅canisme non-r茅ciproque d鈥檃cc猫s aux march茅s dont peuvent se pr茅valoir tous les pays en d茅veloppement qui remplissent certaines conditions en mati猫re de droits de l鈥檋omme et du travail, de protection environnementale et de bonne gouvernance.

Les pays les moins avanc茅s (PMA), dont 39 sur 77 participent aux n茅gociations sur les APE, pourraient b茅n茅ficier d鈥檜ne disposition figurant dans le SGP, d茅nomm茅e 鈥淭out sauf les armes鈥�. Celle-ci autorise tous les produits des PMA, 脿 l鈥檈xception des armes et des munitions, 脿 acc茅der aux march茅s de l鈥橴E de mani猫re non-r茅ciproque, en franchise de douane et sans quota.

Les autres pays auraient eux aussi la possibilit茅 de demander 脿 b茅n茅ficier de ce r茅gime, mais leurs produits ne seraient pas admis sur les march茅s de l鈥橴E en franchise de droit absolue. En outre, le SGP est d鈥檜ne port茅e plus restreinte que les APE ou l鈥檃ccord ACP-UE existant, car il ne s鈥檃pplique qu鈥櫭� l鈥檃cc猫s aux march茅s. Contrairement aux accords de Lom茅 ou de Cotonou, le SGP ne pr茅voit aucune aide au d茅veloppement. Les clauses du SGP sont en outre jug茅es plus contraignantes et plus co没teuses 脿 appliquer que celles des Accords de Lom茅 ou de Cotonou. Les pays ACP h茅sitent donc 脿 y avoir exclusivement recours.

La Commission europ茅enne reconna卯t que l鈥檕ption SGP n鈥檈st qu鈥檜n pis-aller, du point de vue des perspectives de d茅veloppement des pays ACP. Le m茅canisme SGP n鈥檈st pas l鈥檃boutissement d鈥檜ne n茅gociation, 脿 la mani猫re d鈥檜n contrat. C鈥檈st l鈥橴E qui l鈥櫭﹍abore et le pr茅sente 脿 sa fa莽on, avec la possibilit茅 de l鈥檃mender ou de le suspendre 脿 tout moment.

Des militants d鈥檃ssociations de la soci茅t茅 civile estiment que, dans le pire des cas, ce m茅canisme pourrait servir de point de d茅part 脿 la n茅gociation d鈥檜n nouvel accord commercial.

La controverse a incit茅 le Parlement britannique 脿 tenir en 2005 des auditions publiques sur la question des APE. A leur issue, la commission parlementaire sur le d茅veloppement international a recommand茅 que le Royaume-Uni exhorte l鈥橴nion europ茅enne 脿 veiller 脿 ce que les formules pr茅sent茅es aux pays ACP autres que les PMA accordent le m锚me acc猫s aux march茅s que les Accords de Lom茅. D鈥檃pr猫s les membres de cette commission, 鈥渓e d茅veloppement devrait figurer dans tous les dispositifs commerciaux pr茅sent茅s aux pays ACP, m锚me lorsqu鈥檈lles n鈥檕nt pas la pr茅f茅rence de l鈥橴E鈥�.