L'événement tant annoncé de remise à plat des relations a tenu ses promesses : 40 dirigeants africains étaient présents à Bruxelles ; un mélange de faste et de résultats substantiels a défini le sommet où les deux régions ont poursuivi des intérêts croisés et parfois divergents.
La toile de fond implicite était l'influence croissante de la Chine en Afrique, et des pays comme les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne renforcent leurs engagements bilatéraux.
Principaux points à retenir
Coprésidé par le président de l'UA et président sénégalais, Macky Sall, et le président du Conseil européen, Charles Michel, le sommet a débouché sur une promesse d'investissement de 150 milliards d'euros (168 milliards de dollars) dans les secteurs de l'énergie, des transports, des infrastructures numériques, de la santé et de l'éducation.
Ce montant sera réparti sur les sept prochaines années, ce qui représente environ 24 milliards de dollars par an. Il s'agit d'une dépense importante si l'on considère que les investissements directs étrangers (IDE) actuels de l'UE en Afrique s'élèvent à environ 250 milliards de dollars.
Le paquet d'investissements est une ramification du programme Global Gateway de l'UE, d'un montant de 300 milliards d'euros (336 milliards de dollars), lancé en 2021, qui rivalise avec l'initiative Belt and Road de la Chine, laquelle finance déjà des infrastructures essentielles dans divers pays du continent.
L'augmentation de l'accès de l'Afrique aux droits de tirage spéciaux (DTS) - un panier de milliards de dollars des principales devises du monde détenu par le FMI - a gagné du terrain lors du sommet.
Le président français Emmanuel Macron et le président Sall avaient fixé comme objectif la libération de 100 milliards de dollars de DTS inutilisés pour stimuler les liquidités dans les pays africains lors du sommet sur le financement des économies africaines qui s'est tenu à Paris en mai 2021. À Bruxelles, le sentiment était que les États membres de l'UE pouvaient faire plus que les 13 milliards de dollars déjà promis.
L'UE s'est également engagée à augmenter son don de vaccins COVID-19 à l'Afrique de moins de 150 millions de doses actuellement à 450 millions de doses d'ici la mi-2022, en plus de mobiliser 425 millions d'euros (465 millions de dollars) pour soutenir la distribution des vaccins et former les équipes médicales.
Renonciation à la propriété intellectuelle
Par ailleurs, les dirigeants africains n'ont pas réussi à convaincre l'UE à Bruxelles de renoncer aux droits de propriété intellectuelle (PI) sur les vaccins pour permettre à l'Afrique de produire ses propres vaccins et de sauver davantage de vies.
Les Africains et de nombreuses autres personnes, dont le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, ainsi que la directrice exécutive de l'ONUSIDA, Winnie Byanyima, ont appelé à une vaccination équitable des populations mondiales. L'OMS indique qu'à peine plus de 11 % des Africains sont vaccinés, contre 66 % des Américains, 85 % des Chinois et 62 % des Européens. La moyenne mondiale est de 56 %.
À Bruxelles, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a exhorté l'UE à approuver la dérogation relative aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC).
Le président de la Sierra Leone, Maada Bio, a quant à lui posé la question suivante : "Sommes-nous des partenaires égaux dans cette affaire ? Considérons-nous qu'il y a des êtres humains de l'autre côté ?".
La question de la propriété intellectuelle a été renvoyée à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Une déclaration anodine faite à l'issue du sommet exprime un engagement en faveur d'un "accord sur une réponse globale de l'OMC à la pandémie, qui inclut les aspects liés au commerce et à la propriété intellectuelle".
Cependant, à la mi-mars, l'OMC a annoncé un accord conclu par les États-Unis, l'UE, l'Inde et l'Afrique du Sud pour une dérogation limitée en matière de propriété intellectuelle pour le COVID-19. L'accord exclut les traitements et les tests. La directrice générale de l'OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, s'est félicitée de cet accord, mais a précisé qu'il devait encore être approuvé par les 164 membres de l'organisation.
Bien que les migrations soient une préoccupation majeure des Européens, le sommet a été moins précis sur les moyens de lutter contre le flux de migrants de l'Afrique vers l'Europe. Au lieu de cela, la déclaration finale indique : "Nous continuerons à traiter tous les aspects de la migration et de la mobilité... Nous nous engageons à relever les défis posés par la fuite des cerveaux et à investir dans les jeunes et les femmes pour soutenir leur autonomisation, leurs compétences, leur éducation et leurs perspectives d'emploi."
La France a annoncé son retrait militaire du Mali lors du sommet, même si l'UE a réitéré son "soutien aux opérations de soutien de la paix menées par l'Afrique."