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Histoire de la Charte des Nations Unies

Julian R. Caceres, ambassadeur aux ?tats-Unis et pr¨¦sident de la d¨¦l¨¦gation du Honduras, signant la Charte des Nations unies

La Charte des Nations Unies fut progressivement ¨¦labor¨¦e de 1941 ¨¤ 1945, alors que se poursuivait la lutte des Nations Unies contre les puissances de l¡¯Axe. Sign¨¦e ¨¤ Londres, la D¨¦claration de Saint-James ¡ª dans laquelle les signataires s'engageaient ¨¤ ? ?uvrer en commun avec les autres peuples libres, en temps de guerre comme en temps de paix ? ¡ª est le premier d'une s¨¦rie de documents qui aboutiront ¨¤ la fondation des Nations Unies. Suivront la Charte de l'Atlantique, la D¨¦claration des Nations Unies, les Conf¨¦rences de Moscou et de T¨¦h¨¦ran, les Conf¨¦rences de Dumbarton Oaks et de Yalta, et enfin la Conf¨¦rence de San Francisco ou les repr¨¦sentants de 50 ?tats se r¨¦unissent pour la Conf¨¦rence des Nations Unies sur l'Organisation internationale. Ces repr¨¦sentants ¨¦laborent les 111 articles de la Charte ¡ª adopt¨¦e ¨¤ l'unanimit¨¦ le 25 juin 1945.

 

1941 : La D¨¦claration du palais de Saint-James

En juin 1941, la ville de Londres ¨¦tait le si¨¨ge de neuf gouvernements en exil. La capitale britannique avait d¨¦j¨¤ subi 22 mois de guerre, et les sir¨¨nes annon?ant les raids a¨¦riens hurlaient souvent dans la m¨¦tropole mutil¨¦e.

Presque toute l'Europe ¨¦tait aux mains de l'Axe. Sur l'Atlantique, l'ennemi s'attaquait aux convois de ravitaillement et coulait les bateaux avec une sinistre r¨¦gularit¨¦.

Mais ¨¤ Londres, et parmi les gouvernements et les peuples alli¨¦s, la foi en la victoire finale restait in¨¦branl¨¦e. Mieux m¨ºme, au-del¨¤ de la victoire militaire qu'il fallait encore remporter, on songeait d¨¦j¨¤ ¨¤ l'apr¨¨s-guerre.

Photograph of a watercolor painting of the Saint James Palace in London

Le Palais de Saint-James, Londres par Thomas H. Shepherd.


Le 12 juin, les repr¨¦sentants du Royaume-Uni, du Canada, de l'Australie, de la Nouvelle-Z¨¦lande et de l'Afrique du Sud, et ceux des gouvernements exil¨¦s de la Gr¨¨ce, de la Belgique, de la Tch¨¦coslovaquie, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Norv¨¨ge, de la Pologne, de la Yougoslavie, ainsi que le repr¨¦sentant du g¨¦n¨¦ral de Gaulle, au nom de la France libre, se r¨¦unissaient au vieux palais de Saint-James et y signaient une d¨¦claration.

La seule base solide d'une paix durable sera la collaboration spontan¨¦e des peuples libres dans un monde o¨´, la menace de l'agression ayant ¨¦t¨¦ ¨¦cart¨¦e, tous pourront avoir l'assurance de leur s¨¦curit¨¦ ¨¦conomique et sociale; [...] C'est notre intention de travailler ¨¤ ces fins ensemble et avec les autres peuples libres, tant en temps de guerre qu'en temps de paix ?.

1941 : La Charte de l'Atlantique

En ao?t 1941, l'Axe continuait apparemment ¨¤ l'emporter. Les rencontres entre Hitler et Mussolini aboutissaient immanquablement ¨¤ un ? parfait accord ?, de mauvais augure. L'Allemagne s'¨¦tait ru¨¦e sur l'URSS, mais la puissance de ce nouvel alli¨¦ n'avait pas encore ¨¦t¨¦ r¨¦v¨¦l¨¦e et les ?tats-Unis, s'ils apportaient d¨¦j¨¤ une aide mat¨¦rielle, n'¨¦taient pas encore entr¨¦s en guerre.

Le 14 ao?t 1941, le Pr¨¦sident des ?tats-Unis Franklin D. Roosevelt et le Premier ministre britannique Winston Churchill ont propos¨¦, puis sign¨¦ la Charte de l'Atlantique, un document regroupant une s¨¦rie de principes devant servir au maintien de la paix et de la s¨¦curit¨¦ internationale.

Un nouveau pas vers la constitution d'une organisation mondiale fut franchi trois mois apr¨¨s la D¨¦claration du palais de Saint-James, au cours de l'entrevue m¨¦morable du Pr¨¦sident Roosevelt et de M. Churchill, Premier Ministre britannique.

President Roosevelt at left and Prime Minister Churchill at right on deck of ship in Atlantic Ocean in 1941.

Le pr¨¦sident Roosevelt (assis ¨¤ gauche) et le premier ministre Churchill discutent sur le pont du HMS Prince of Wales apr¨¨s les services religieux lors de la r¨¦union de la Charte de l'Atlantique. Photo ONU

 

Ce document n'¨¦tait pas un trait¨¦ entre deux puissances. Ce n'¨¦tait pas non plus une expression d¨¦finitive et officielle de leurs vues sur la paix. C'¨¦tait uniquement, de la part de deux hommes d'?tat, une affirmation, comme l'indiquait le document, ? de certains principes communs, ¨¤ la politique nationale de leurs pays respectifs ? et sur lesquels ils fondaient leurs espoirs d'un avenir meilleur pour le monde.

1942 : La D¨¦claration des Nations Unies

Les repr¨¦sentants de 26 ?tats en lutte contre l'Axe proclament leur appui ¨¤ la Charte de l'Atlantique en signant ¨¤ Washington la D¨¦claration des Nations Unies. Ce document marque la premi¨¨re utilisation officielle de l'expression ? Nations Unies ?, sugg¨¦r¨¦e par le Pr¨¦sident Roosevelt. Le 1er janvier 1942, le Pr¨¦sident Roosevelt, M. Winston Churchill, M. Maxim Litvinov (Union sovi¨¦tique) et M. T. V. Soong (Chine) signaient un bref document auquel allaient adh¨¦rer le lendemain les repr¨¦sentants de 22 autres pays.

Les 26 signataires originaires ¨¦taient : les ?tats-Unis d'Am¨¦rique, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, l'Union des R¨¦publiques socialistes sovi¨¦tiques, la Chine, l'Australie, la Belgique, le Canada, le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Luxembourg, la Nouvelle-Z¨¦lande, la Norv¨¨ge, la Pologne, la Yougoslavie, le Costa-Rica, Cuba, la Tch¨¦coslovaquie, la R¨¦publique dominicaine, la Gr¨¨ce, Ha?ti, l'Inde, les Pays-Bas, le Nicaragua, le Panama et l'Union Sud-Africaine.

La D¨¦claration des Nations Unies

La D¨¦claration des Nations Unies publi¨¦e ¨¤ Washington, DC, le 1er janvier 1942. Ãå±±½ûµØPhoto/VH

Par la suite, les pays suivants adh¨¦raient ¨¤ la d¨¦claration : le Mexique, la Colombie, l'Iraq, l'Iran, le Lib¨¦ria, le Paraguay, le Chili, l'Uruguay, l'?gypte, la Syrie, la France, les Philippines, le Br¨¦sil, la Bolivie, l'?thiopie, l'?quateur, le P¨¦rou, le V¨¦n¨¦zuela, la Turquie, l'Arabie saoudite, le Liban.

Dans ce document, les gouvernements signataires s'engageaient ¨¤ contribuer de la fa?on la plus compl¨¨te ¨¤ l'effort de guerre commun et ¨¤ ne pas signer de paix s¨¦par¨¦e.

Trois ans plus tard, lors des pr¨¦paratifs de la Conf¨¦rence de San Francisco, les invitations ne furent adress¨¦es qu'aux pays qui, avant mars 1945, avaient d¨¦clar¨¦ la guerre ¨¤ l'Allemagne et au Japon et souscrit ¨¤ la D¨¦claration des Nations Unies.

1943 : Conf¨¦rences de Moscou et de T¨¦h¨¦ran

Avant 1943, toutes les principales nations alli¨¦es s'¨¦taient engag¨¦es ¨¤ continuer la lutte jusqu'¨¤ la victoire compl¨¨te et ¨¤ tenter ensuite de cr¨¦er un monde o¨´ ? tous les peuples du monde pourront vivre une vie libre, hors d'atteinte de la tyrannie et conforme ¨¤ leur d¨¦sir et ¨¤ leur conscience propre ?.

Mais il restait encore ¨¤ jeter les bases d'une organisation mondiale et cela n'a ¨¦t¨¦ fait qu'en octobre 1943, ¨¤ la Conf¨¦rence des Ministres des affaires ¨¦trang¨¨res du Royaume-Uni, des ?tats-Unis et de l'Union sovi¨¦tique.

Dans une d¨¦claration sign¨¦e ¨¤ Moscou le 30 octobre 1943, la Chine, les ?tats-Unis, le Royaume-Uni et l'URSS ont pr¨¦conis¨¦ la cr¨¦ation d'une organisation internationale charg¨¦e du maintien de la paix et de la s¨¦curit¨¦.

Cet objectif fut r¨¦affirm¨¦ par les dirigeants des ?tats-Unis, du Royaume-Uni et de l'URSS ¨¤ T¨¦h¨¦ran le 1er d¨¦cembre 1943.

Premier Joseph Stalin at left, President Roosevelt at center and Prime Minister Churchill at right meeting in Teheran in 1943.

En d¨¦cembre, deux mois apr¨¨s la D¨¦claration des quatre puissances, MM. Roosevelt, Staline et Churchill, r¨¦unis pour la premi¨¨re fois ¨¤ T¨¦h¨¦ran, capitale de l'Iran, d¨¦claraient qu'ils avaient trac¨¦ un plan commun destin¨¦ ¨¤ assurer la victoire finale. Ãå±±½ûµØPhoto

 

Dans la d¨¦claration de Moscou, les quatre puissances s'engageaient ¨¤ continuer la lutte commune jusqu'¨¤ la reddition de l'ennemi. A l'article 4, les Ministres des affaires ¨¦trang¨¨res :

Reconnaissent la n¨¦cessit¨¦ d'¨¦tablir aussit?t que possible, en vue de la paix et de la s¨¦curit¨¦ internationales, une organisation internationale fond¨¦e sur le principe de l'¨¦galit¨¦ souveraine de tous les ?tats pacifiques et ouverte ¨¤ tous les ?tats, grands et petits ?.

1944-1945 : Conf¨¦rences de Dumbarton Oaks et de Yalta

Le premier projet de l'ONU est ¨¦labor¨¦ au cours d'une conf¨¦rence tenue dans un h?tel particulier de Washington appel¨¦ ? Dumbarton Oaks ?. Lors d'une rencontre organis¨¦e ¨¤ l'automne 1944, les repr¨¦sentants de la Chine, des ?tats-Unis, du Royaume-Uni et de l'URSS se sont mis d'accord sur les objectifs, la structure et le fonctionnement d'une organisation mondiale.

Les principes sur lesquels serait fond¨¦e la future organisation mondiale ¨¦taient d¨¨s lors d¨¦finis. Mais l'¨¦nonc¨¦ des principes et des buts de l'organisation que l'on se proposait de cr¨¦er ¨¦taient une chose et la mise au point de son m¨¦canisme en ¨¦tait une autre. Beaucoup de pays devaient au pr¨¦alable donner leur accord sur un plan dont les d¨¦tails devaient ¨ºtre fix¨¦s.

A l'issue de cette Conf¨¦rence, qui se termina le 7 octobre 1944, les quatre puissances soumirent ¨¤ l'examen de tous les gouvernements des Nations Unies et de tous les peuples du monde un projet d'organisation mondiale.

>Dozens of Representatives of the Soviet Union, the United Kingdom and the United States meeting in a large room with two tables across from each other in 1944.

Les repr¨¦sentants de l'URSS, du Royaume-Uni et des ?tats-Unis se sont r¨¦unis pour la s¨¦ance d'ouverture de la Conf¨¦rence sur l'organisation internationale en faveur de la paix et de la s¨¦curit¨¦ dans la p¨¦riode de l'Apr¨¨s-guerre. Ãå±±½ûµØPhoto


Mais il restait ¨¤ remplir une lacune importante dans les propositions de Dumbarton Oaks : la proc¨¦dure de vote au Conseil de s¨¦curit¨¦. Ce vide a ¨¦t¨¦ combl¨¦ ¨¤ Yalta (Crim¨¦e), lors d'une conf¨¦rence entre MM. Churchill, Roosevelt et Staline, assist¨¦s de leurs Ministres des affaires ¨¦trang¨¨res et leurs chefs d'¨¦tat-major. Le 11 f¨¦vrier 1945, on annon?ait que la Conf¨¦rence de Yalta avait r¨¦solu cette question et que la Conf¨¦rence de San-Francisco ¨¦tait convoqu¨¦e.

Nous sommes (d¨¦claraient les trois chefs) r¨¦solus ¨¤ cr¨¦er avec nos alli¨¦s, aussit?t que possible, une organisation g¨¦n¨¦rale internationale pour la sauvegarde de la paix et de la s¨¦curit¨¦ ... Nous avons convenu de convoquer le 25 avril 1945, ¨¤ San-Francisco, une Conf¨¦rence des Nations Unies, qui ¨¦tablira, sur la base des entretiens officieux de Dumbarton Oaks, la Charte de l'Organisation dont il s'agit ?.

Les convocations furent envoy¨¦es le 5 mars 1945; elles informaient ¨¦galement les gouvernements invit¨¦s de l'accord sur la proc¨¦dure de vote au Conseil de s¨¦curit¨¦, auquel avait abouti la Conf¨¦rence de Yalta.

Peu de temps apr¨¨s, survint le d¨¦c¨¨s du Pr¨¦sident Roosevelt dont la politique avait si grandement contribu¨¦ ¨¤ ¨¦tablir les plans de la Conf¨¦rence de San-Francisco. On craignit un moment que la conf¨¦rence ne f?t retard¨¦e mais le Pr¨¦sident Truman d¨¦cida de maintenir toutes les dispositions d¨¦j¨¤ prises, et la conf¨¦rence s'ouvrit ¨¤ la date convenue.

En savoir plus

Audio

Entretien avec Joseph Johnson Chef de la Division des affaires internationales du D¨¦partement d'?tat des ?tats-Unis en 1943.


Pendant qu'il occupait ce poste, M. Johnson a jou¨¦ un r?le dans la cr¨¦ation des Nations Unies, participant ¨¤ la fois ¨¤ la Conf¨¦rence de Dumbarton Oaks (1944) et ¨¤ la Conf¨¦rence de San Francisco (1945). Dans cette interview, M. Johnson rappelle son exp¨¦rience ¨¤ l'ONU. Il d¨¦taille sa participation ¨¤ la Conf¨¦rence de Dumbarton Oaks, ¨¤ la Conf¨¦rence de San Francisco et ¨¦voque son r?le d'envoy¨¦ sp¨¦cial pour la Commission de conciliation des Nations Unies pour la Palestine en 1961.