Les multinationales lorgnent l’Afrique

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Les multinationales lorgnent l’Afrique

Installées en Afrique du Sud, pour la plus part, les grandes compagnies s’étendent aussi ailleurs
Zipporah Musau
Afrique Renouveau: 
BMW South Africa announces the production of its one-millionth BMW 3 Series sedan at its manufacturing plant in Rosslyn, Pretoria in South Africa. Photo: BMW Group
Photo: BMW Group
BMW Afrique du Sud annonce la fabrication de sa gamme BMW série 3 dans son usine de Rosslyn à Pretoria en Afrique du sud. Groupe BMW. Photo: BMW Group

Lorsqu’il voyage à l’étranger pour son travail et recherche un logement, Joe Eyango, un Camerounais vivant aux Etats-Unis, tient compte de deux éléments : la facilité d’accès au centre ville depuis l’aéroport et une connexion Internet fiable. Professeur d’université, il veut pouvoir, en moins de 48 heures, prendre l’avion, se déplacer aisément à son arrivée, donner sa conférence et repartir vers une autre destination.

Parmi tous les voyages professionnels qu’il a effectué en Afrique, c’est l’Afrique du Sud qui emporte sa préférence.

“L’Afrique du Sud a beaucoup d’avantages comparés à d’autres pays africains. Les routes sont bonnes, l’électricité et Internet sont fiables, ce qui est indispensable pour travailler”, explique M. Eyango.

Récemment invité à donner une conférence alors qu’il avait un emploi du temps déjà chargé, M. Eyango a pris l’avion pour Johannesbourg depuis Amsterdam. A l’arrivée, il a franchi la douane de l’aéroport international OR Tambo et a pris un taxi jusqu’à son hôtel, en moins d’une heure.

Pour les professionels, l’Afrique du Sud est une destination de choix. Plus de 75% des principales multinationales d’Afrique y sont installées.

“Ces grandes entreprises choisissent d’investir là où l’environnement est propice aux affaires. Les investisseurs s’intéressent aux pays relativement stables, avec de bonnes infrastructures, des réseaux de communication et d’électricité fiables, et des travailleurs qualifiés”, explique le Dr John Mbaku, chercheur auprès de l’Initiative pour la croissance en Afrique de la Bookings Institution et professeur d’économie à l’Université publique Weber aux Etats-Unis.

Parmi ces multinationales, on trouve le groupe bancaire Standard, Barclays, Vodafone (l’une des plus grandes entreprises de télécommunications mondiales), le fabricant de voitures de luxe BMW, Volkswagen et General Electric, de même que FirstRand, Sasol, Sanlam ou le groupe MTN.

Dans une interview sur les raisons qui poussent les investisseurs à choisir l’Afrique du Sud, Sam Ahmed, l’ancien directeur général de Britannia Industries, un fabricant de bonbons et biscuits en Inde, expliquait que son enterprise cherchait un pays lui ouvrant le marché africain à faible coût.

“En Afrique du Sud, les infrastructures sont de première qualité mais les coûts sont ceux d’un pays en développement”, indique M. Ahmed, les coûts de production étant en effet beaucoup moins élevés qu’en Asie du Sud-Est.

Les grandes entreprises apprécient aussi les pays où le système judiciaire fonctionne correctement en cas de problèmes juridiques. Comparée aux autres pays africains, la justice sud-africaine a la réputation de prononcer des sentences appropriées et d’être indépendant face aux manipulations politiques.

Autre aspect positif : les ressources humaines. L’efficacité et le bon fonctionnement des entreprises dépendent de la compétence de leurs employés. En dépit des nombreuses années d’apartheid, l’éducation est de relativement bonne qualité et adaptée aux entreprises.

En dépit de ses atouts, l’Afrique du Sud fait encore face à un taux élevé de criminalité (en particulier en zone urbaine), aux scandales de corruption et à une incertitude politique néfaste au commerce.

Le Dr. Mukhisa Kituyi, secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), reconnaît que l’Afrique du Sud possède, pour des raisons historiques, l’économie de marché la plus ancienne et la plus développée d’Afrique bâtie sur une économie minière, industrielle et financière forte.

Cependant, selon M. Kituyi, les choses sont en train de changer et d’autres pays africains attirent maintenant de gros investisseurs.

“L’Afrique du Sud a bénéficié d’une longueur d’avance, mais en montants nets, la croissance est plus forte dans d’autres pôles de fabrication et de services. Aujourd’hui, l’industrie des services financiers croît plus rapidement au Maroc qu’en Afrique du Sud”, indique M. Kituyi.

Certaines multinationales se sont délocalisées. “Une usine de fabrication Volvo a récemment ouvert à Mombasa. De même, on assiste à une expansion, en particulier dans les télécommunications, de nouveaux centres de services au Nigéria, au Kenya et au Rwanda.”

Faibles retombées

Pourquoi les gouvernements africains devraient-ils encourager les entreprises à s’installer dans leurs pays ? Dans la majorité des cas, le manque de budget les pousse à se tourner vers le secteur privé qui peut leur offrir un coup de main indispensable. Les investissements étrangers permettent de financer des industries, des infrastructures, de stimuler la productivité, de fournir des équipements collectifs et de créer des emplois, nécessaires à l’exploitation du potentiel économique d’un pays. L’engouement pour la réalisation des Objectifs de développement durable nécessite également des financements.

En Afrique, les gouvernements et l’industrie lancent progressivement des partenariats public-privé (PPP) dans lesquels les entreprises apportent les capitaux et les gouvernements garantissent les conditions les plus propices aux affaires. Depuis dix ans, les PPP ont permis de réaliser des projets dans les secteurs des infrastructures, de l’électricité, de la santé et des télécommunications.

Les bailleurs de fonds comme la Banque africaine de développement exhortent les pays africains à améliorer l’environnement économique en “créant des cadres légaux et réglementaires pour les PPP et en facilitant le partage de contacts et d’expériences entre les agences de réglementation et les organismes similaires.”

Prudence

Bien que les PPP commencent à avoir un impact positif en Afrique, les pays doivent avancer avec précaution et tirer les leçons des échecs avant de se lancer dans de nouveaux partenariats.

“Il est indispensable que l’état ait la capacité de soutenir ces partenariats pour ne pas contracter des créances douteuses”, indique M. Kituyi, ajoutant que les gouvernements ne doivent pas laisser les entreprises dicter leurs conditions.

Cet avertissement est aussi celui de M. Mbaku, qui conseille les gouvernements africains pour garantir que les PPP fonctionnent à leur avantage. “Si vos dirigeants sont faibles ou corrompus, vous n’aurez ni le pouvoir, ni les capacités requises pour négocier un partenariat en votre faveur. Vous hériterez d’un PPP qui n’est pas un partenariat.”

M. Mbaku donne l’exemple des entreprises pétrolières qui opèrent en Afrique depuis plus de vingt ans mais emploient toujours des expatriés plutôt que des locaux. Ces entreprises sont réticentes à partager leurs compétences, leur savoir et leurs technologies.

Autre problème : une repartition inégale des pouvoirs. “Si vous êtes un gouvernement menant un projet de développement avec un PPP, vous n’avez pas le même pouvoir que la multinationale qui dispose du capital, de la main d’oeuvre qualifiée et d’un marché extérieur ”, souligne M. Mbaku. En dépit des défis, les PPP continueront à jouer un rôle important dans le développement des pays pauvres. Mais pour que les pays africains puissent convaincre les multinationales et autres investisseurs de poids de travailler avec eux, leurs gouvernements doivent faire leur part – améliorer les infrastructures, les communications, la sécurité, le système judiciaire, et combattre la corruption.