Les transferts d’argent, un grand impact sur le développement
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Les transferts d’argent, un grand impact sur le développement
Afrique Renouveau : Les envois de fonds dans le monde ont augmenté de 51% au cours des dix dernières années. Vous affirmez pourtant que ce nombre ne dit pas tout. Pourquoi ?
Gilbert Houngbo : En 2017, les envois d'argent devraient atteindre 454 milliards de dollars. Mais le montant ne dit pas tout car il faut considérer également l'impact que ces dollars ont sur le quotidien de ceux qui les reçoivent. Les milliards de dollars transférés dépassent le montant de l'IDE (investissement direct étranger) et de l'APD (aide publique au développement) dans la plupart des pays. Il faut donc cesser de considérer cela comme un simple transfert d'argent. C'est une contribution importante au développement.
Mais plus les montants augmentent, plus leur impact est grand ? Leur augmentation compte donc ?
Bien sûr qu'elle compte. Nous voulons que l'augmentation se poursuive, mais attention à ne pas faire l'erreur de ne rechercher que cela. Ne nous contentons pas de nous dire "tel montant est transféré, le travail est terminé". Ce qui compte au final est l'impact et non l'envoi. Il doit y avoir un impact sur le développement.
Jusqu'à présent, les envois d'argent aident les familles à scolariser leurs enfants, à payer les dépenses de santé et de nourriture. Que pourrait encore permettre cet argent ?
Financer un petit système de production d’énergie solaire permettrait par exemple à une personne de créer une activité génératrice de revenus. En zone rurale, cet argent aiderait un jeune homme ou une jeune femme à louer un tracteur, afin qu’il ou elle puisse travailler dans une ferme. Il n’aiderait pas seulement un individu mais toute sa communauté. Les associations d’agriculteurs pourraient se procurer un système d’irrigation de base, petit ou pas cher grâce auquel ils réduiraient leur dépendance à une agriculture de subsistance.
Comment faire en sorte que les envois d’argent aient un impact au niveau communautaire ou national, et pas seulement familial ?
Il est évident que nous n’avons pas de solution miracle, mais il y a plusieurs options. Si les envois demeurent dans les familles, je ne pense pas que beaucoup de choses puissent changer.
Nous avons toutefois commencé à travailler dans plusieurs pays sur ce que nous appelons “les associations villageoises d’économies et de prêt”. Les membres de ces associations mettent en commun leurs économies puis accordent des prêts pour financer des activités productives dans la communauté.
Au niveau national, le coût des transferts demeure un problème. Bien qu’il soit passé de 10 à 7,5%, nous estimons qu'une baisse de 3% représenterait une économie de 20 à 40 millions de dollars pour les bénéficiaires. Les gouvernements peuvent aider en tentant de réduire les coûts de ces transferts.
Votre rapport indique que les envois d’argent ont un effet sur les pays récipiendaires mais aussi sur la situation économique et politique mondiale. Pourquoi ?
Nous remarquons que 85% des revenus des migrants sont dépensés dans les pays où ils vivent, car ils ne bénéficient pas de la sécurité sociale dans leur pays d’accueil. Par ailleurs, lorsque les pays en développement reçoivent 500 milliards de dollars, c’est là une contribution importante à ce que nous appelons “le financement mondial pour le développement”.
Votre rapport est le plus complet qui ait été réalisé depuis dix ans. Qu’allez-vous faire à partir de ces conclusions ? Que prévoit le FIDA ?
Tout d’abord, nous voulons defendre l’idée que les migrants ne doivent pas être considérés comme une source de problèmes dans leurs pays d’accueil. En réalité, leur présence est une chose positive pour d’autres. Ceci ne s’évalue pas seulement en milliards de dollars, mais en milliards de vies. Ensuite, il faut continuer à militer en faveur de la diminution du coût des transferts. Enfin, nous aimerions travailler avec les pays récipiendaires afin que les envois d’argent ne servent pas seulement la consommation, mais soient utilisés à des fins plus productives.