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En marche vers le progrès industriel

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En marche vers le progrès industriel

— Li Yong
Kingsley Ighobor
Afrique Renouveau: 
Li Yong, Director-General of the United Nations Industrial Development Organization (UNIDO). Photo: Africa Renewal/Eleni Mourdoukoutas
Photo: Africa Renewal/Eleni Mourdoukoutas
Li Yong, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI). Photo: Africa Renewal/Eleni Mourdoukoutas
Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), l'agence spécialisée dans la promotion du développement industriel, de la mondialisation inclusive et de l'environnement. Li Yong, a répondu aux questions de Kingsley Ighobor sur l’industrialisation de l’Afrique. Il prenait part à New York à une réunion spéciale sur "l’innovation dans le développement des infrastructures et l’industrialisation durable dans les pays en développement et ayant des besoins spécifiques".

Afrique RenouveauÌý: Quelle place pour l'Afrique dans une réunion sur l'industrialisation dans les pays en développement ?

Li YongÌý: La réunion de l’ECOSOC [Conseil économique et social des Nations Unies] est importante en raison de l’ODDÌý9, qui appelle à une industrialisation, une innovation et des infrastructures durables et inclusives. L’Afrique doit compétir contre Ìýla chaîne de valeur mondiale, la création de valeur ajoutée manufacturière et la croissance rapide d'autres régions. Les deux tiers des pays les moins avancés étant en Afrique, le sous-développement industriel ralentit la croissance.Ìý

Quels sont les facteurs qui entravent l’industrialisation de l’AfriqueÌý?

La chute brutale des prix des matières premières a ralenti la compétitivité des économies exportatrices.

Mais les prix ont chuté seulement récemment.

Non, pas juste récemment mais au travers du siècle dernier. Mais revenons aux entraves. Dans le passé, les institutions internationales de développement ont commis l’erreur de la désindustrialisation. Un ambassadeur d’un pays africain m’a confié que le douloureux processus de désindustrialisation les avait contraints à cesser d’exporter des produits tels que le fromage ou les fèves de cacao. Les changements trop fréquents de politiques sont un autre facteur. L'instabilité, conséquences des fréquents changements de politiques, effraie les investisseurs et perturbe le processus d'industrialisation.

Les programmes d’ajustement structurel (PAS) des années 1980 étaient-ils un mauvais remèdeÌý?

Je préfère ne pas en parler car j’étais impliqué dans le processus de prêts lorsque je travaillais à la Banque Mondiale. Je dirais simplement que certaines des mesures n'étaient pas très bonnes.

On reproche à ce type de réunions auxquelles vous venez de participer de ne brasser que du vent. Votre avis ?

Je pense que parfois, avec trop de discussions, de débats sur les théories ou sur les rapports, on n’agit plus. Il faut passer à l’action ! Si des emplois peuvent être créés, allons-y !

Ou en est-on du Programme pour le partenariat de pays (PCP) de l’ONUDI vise à mobiliser les ressources des secteurs privé et public pour l'industrialisation et à fournir une assistance technique?

C'est une nouvelle approche du développement industriel. Nous travaillons avec les gouvernements et les institutions de développement pour créer et soutenir des stratégies industrielles. ÌýTraditionnellement, il y a un problème de financementÌý: le gouvernement doit allouer des ressources aux infrastructures de base. Mais les institutions de développement doivent également contribuer aux infrastructures telles que les routes, les autoroutes, les chemins de fer, l’électricité ou l’approvisionnement en eau. Nous conseillons aux gouvernements de concevoir des politiques qui protègent les investissements de sorte à attirer le secteur privé et l’IDE [investissement direct étranger].

Vous étiez fortement impliqué dans le développement de l'agriculture et des petites et moyennes entreprises (PME) Ìýen Chine. Des enseignements pour l’Afrique?

Il faut une vision et une stratégie. Premièrement, élaborer des politiques qui soutiennent les PME dans le secteur agricole. En Chine, le premier document de l'année est un plan de soutien au développement de l'agriculture. Deuxièmement, prendre des mesures concrètes. Nous ne pouvons pas parler dans le vide. Troisièmement, soutenir financièrement le renforcement des capacités de production et la formation. Quatrièmement, assurer un environnement favorable au développement des PME. Enfin, relier le secteur agricole à l’agro-industrie, l’agroalimentaire et l’industrie manufacturière.

Un rapport de la Banque Mondiale indiquait récemment que l’agro-industrie en Afrique pourrait valoir 1 trillion de dollars d’ici à 2030. Cela pourrait-elle changer la donne?

Oui, même si le chiffre ne me paraît pas exact. Mais l'agriculture est un secteur très porteur pour l'Afrique. La création d'emplois requiert de l'innovation. Il y aura très peu d'opportunités si vous essayez de cultiver du blé, du maïs ou des fruits, sans vous connecter à l'agro-alimentaire et à la chaîne de valeur mondiale. Je n’accepte pas l’idée selon laquelle la technologie moderne entraînerait une perte d'emplois chez les agriculteurs car les services agricoles sont liés au marché. Avec l’agro-transformation, les agriculteurs ont plus de temps et de moyens à consacrer à des choses qui vont au-delà de la plantation et de la culture.

Le but de l’Initiative africaine pour le développement de l’agroalimentaire et de l’Afrique, soutenue par l’ONUDI, est d’ouvrir les marchés internationaux aux agriculteurs. Mais les agriculteurs africains sont concurrencés par les subventions agricoles de nombreux gouvernements occidentaux.

L’Afrique peut innover sur ce plan. Par exemple, les pays africains producteurs de cacao qui exportaient les fèves fabriquent localement des produits chocolatiers. Au Ghana, une entreprise produit du beurre, de l'huile et un biscuit de cacao pour la consommation locale. Et l’ONUDI l'a soutenue avec un laboratoire, des équipements et des techniciens pour lui permettre de recevoir des certifications pour l'exportation vers l'Europe et l'Asie. Considérons l’Ethiopie, avec 95 millions de personnes et des millions de bovins, de caprins et de vaches mais qui n'exporte que 7% de son bétail faute de capacité de transformation. Ils n’ont pas de certification standard pour l'exportation, bien que la qualité de la viande soit excellente. Nous soutenons l’Éthiopie dans la mise en place d’un projet pilote afin de répondre aux critères d'exportation. L'agriculture africaine peut se connecter à la chaîne de valeur mondiale.

Les pays peuvent créer des agro-industries dans des domaines où ils ont un avantage concurrentiel, mais le manque de compétences techniques et d'infrastructures, en particulier les routes et l’électricité, reste un problème.

Nous avons les boîtes à outils traditionnelles, y compris la formation professionnelle. Le renforcement des capacités est un programme très populaire de l'ONUDI. Avec le soutien des donateurs, nous développons des programmes de formation comme nous l’avons fait en Tunisie et en Éthiopie pour de jeunes ingénieurs avec le maniement des engins lourds. Les pays ont besoin de projets agro-industriels à grande échelle. L’Ethiopie a par exemple développé des centaines de parcs industriels qui permettent d'accroître les capacités de production.

La plupart des investisseurs étrangers ciblent le secteur extractif, qui génère peu d'emplois. Que faites-vous pour encourager les investissements dans le secteur agricoleÌý?

La meilleure approche pour l’Afrique ne consiste pas à dire : «ÌýN'exportez pas de matières premièresÌý». Regardez l'Australie et d'autres pays qui continuent d’exporter leurs matières premières. Après une analyse coût-bénéfices, ils ont décidé de ne pas transformer localement. Il faut une discipline de marché. Tous les pays ne doivent pas exporter les matières premières, mais s'’ils en ont la capacité et des investisseurs étrangers pour construire des usines et créer des emplois, pourquoi pasÌý?

L'industrialisation durable produit des résultats à long terme alors que les pays qui luttent contre la pauvreté ont besoin de ressources immédiatement et ne peuvent pas ralentir leur exploitation non durable.

Le développement industriel doit être réalisé de façon inclusive et durable. Si nous fabriquons des produits avec une forte pollution de l’eau, du sol ou de l’air, il y a un coût pour la santé des personnes. À l’ONUDI, pour qu'un projet soit approuvé, il doit respecter nos normes environnementales.

Les dirigeants africains sont-ils réceptifs à vos idéesÌý?

La plupart des dirigeants que j'ai rencontrés demandent l'appui de l'ONUDI. Mis à part ceux qui traversent des situations difficiles, comme des conflits, les pays doivent faire preuve d’un solide engagement en faveur de l’industrialisation.

Le font-ils?

Comme le nouveau président nigérian, beaucoup de leaders, en Côte d'Ivoire, en Éthiopie, au Kenya, au Sénégal, en Tanzanie et en Zambie, manifestent leur engagement. Cependant, les pays en conflit, tels que la République Démocratique du Congo [RDC], pourraient avoir des difficultés à s'industrialiser. La RDC dispose de nombreuses ressources, dont l'or et le pétrole. Le pays est vaste, vous pouvez y cultiver n’importe quoi, et dispose d'une importante population. Mais les conflits internes ralentissent l'industrialisation. Au contraire, le Rwanda, paisible, avance rapidement. Tout dépend de la situation du pays, des engagements de son gouvernement et de l'efficacité des systèmes administratifs.

Comment voyez-vous l’Afrique dans environ 10 ansÌý?

Beaucoup de pays progresseront dans l’échelle socio-économique et deviendront des pays à revenu intermédiaire. Il y aura plus d'industries pour fabriquer des biens et créer des emplois. C’est possible. La communauté mondiale est prête à soutenir l'Afrique. Plus important encore, les pays africains s'engagent dans le progrès industriel et la croissance économique.