Rwanda : Objectif 2020
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Rwanda : Objectif 2020
«L’Internet est un bien d’utilité publique au même titre que l’eau et l’électricité». Ainsi s’est exprimé le Président Paul Kagame lors du sommet Connecter l’Afrique, qui s’est tenu en octobre dernier à Kigali, la capitale rwandaise, dans le but de discuter de l’avenir du haut débit en Afrique.
Le gouvernement de M. Kagame prend la question des TIC très au sérieux et souhaite mettre en place au Rwanda une infrastructure TIC comparable à celle de tout pays développé.
C’est en 2000 que le Rwanda a commencé à développer sans relâche le secteur des TIC après avoir adopté un plan de développement de l’infrastructure nationale d’information et de communication (INIC) et mis en place un plan de numérisation intégrale en quatre phases de cinq ans. Le plan INIC a été intégré à Vision 2020, le programme général du gouvernement visant à faire du Rwanda un pays à revenu intermédiaire d’ici à 2020. L’un des principaux objectifs de Vision 2020 est d’ailleurs de « transformer une économie agricole en une économie de l’information et du savoir d’ici à 2020. »
Vision 2020 et la numérisation
La première phase du plan INIC (2000-2005) a posé les fondations du secteur des TIC, en établissant notamment des cadres institutionnels, juridiques et réglementaires, ainsi qu’en ouvrant le marché des télécommunications à la concurrence en réduisant les obstacles à l’entrée sur le marché. Il existe actuellement dix fournisseurs d’accès Internet au Rwanda, dont MTN, TIGO, Altech Stream et Rwandatel. En 2002, seuls deux fournisseurs existaient, desservant quelque 25 000 utilisateurs. Aujourd’hui, ce nombre a grimpé à 1,2 million dans un pays de 12 millions d’habitants, selon un rapport de l’Agence rwandaise de régulation des services d’utilité publique (RURA), daté de juin 2013.
Le gouvernement a également promulgué des lois régulant les messages électroniques, les signatures, les transactions, la protection des données, la sécurité sur Internet et l’usage des TIC. L’Agence RURA créée en 2002 a adopté les normes industrielles de l’Union internationale des télécommunications (UIT) pour les TIC.
Au cours de la deuxième phase (2005-2010) du plan INIC, le Rwanda s’est attaché à améliorer les infrastructures des TIC en créant un centre informatique national qui centralise le stockage, la gestion et la protection des données, tout en utilisant les possibilités de gérance informatique par cloud computing (en nuage). De surcroît, un réseau national d’interconnexion à fibres optiques reliant le Rwanda aux câbles sous-marins internationaux a été installé, de sorte que l’accessibilité à Internet et son coût ont été réduits et que les Rwandais ont pu se connecter aux réseaux mondiaux.
Les résultats de ces mesures sont révélateurs. Au cours de cette deuxième phase, le Rwanda a enregistré l’un des plus importants accroissements du nombre d’utilisateurs en Afrique, soit 8 900%, bien supérieur au taux d’accroissement du continent (2 450%) et au taux moyen dans le monde (444%). En 2010, presque toutes les personnes travaillant dans quatre divisions du secteur public (ministères, agences, provinces et districts) et près d’un tiers des personnes dans le secteur privé étaient présentes sur le Web, d’après l’agence nationale RDB (Rwanda Development Board). De plus, un système de gestion du trafic aérien, de surveillance de la navigation et de communications a été mis en place et sert aux déplacements aériens dans toute la région.
Le nombre d’abonnés à une ligne de téléphone fixe a plus que doublé entre 2000 et 2010 le nombre d’abonnés aux portables est passé de 42 000 en 2000 à plus de 3,5 millions le nombre d’utilisateurs d’Internet est passé de 1 200 à 493 900 au cours de cette même période.
La troisième phase, qui va de 2011 à 2015, est destinée à améliorer les prestations de service. L’un des éléments particuliers à cette phase est le programme Un portable par enfant – un programme ambitieux lancé en 2008 pour fournir aux élèves des écoles primaires des ordinateurs portables et des tablettes électroniques. Fin 2012, 115 000 portables avaient déjà été distribués aux écoliers du pays.
Lors de la phase finale (2016-2020), le gouvernement espère pouvoir mettre l’accent sur la formation, le développement au niveau communautaire et au niveau du secteur privé et améliorer les services administratifs en ligne ainsi que la sécurité sur Internet.
En dépit du parcours sans faute effectué par le Rwanda dans le secteur des TIC, plusieurs questions essentielles n’ont toujours pas été résolues, estime Jean Philbert Nsengimana, le ministre de la jeunesse et des TIC, notamment celles du « rôle du secteur privé, de la réglementation sur le coût du haut-débit pour qu’il reste abordable et de l’accès au savoir-faire par le biais d’une formation. » Le ministre est toutefois optimiste. « En quinze ans à peine, ce qui était considéré comme un luxe et un privilège pour les riches est devenu une nécessité de base pour les Rwandais, aussi bien en ville qu’à la campagne. »
L’extension des réseaux large bande
Le gouvernement indique que depuis 2011, le réseau national d’interconnexion à fibres optiques, qui assure la connexion avec un réseau sous-marin, a déjà été connecté aux 30 districts ainsi qu’aux neuf postes-frontières que compte le pays. Le gouvernement a également négocié avec trois entreprises de câbles sous-marins à fibres optiques - SEACOM, TEAMS et l’Eastern Africa Submarine Cable System (EASSy) – en vue de financer l’extension des câbles à fibres optiques dans chaque région du pays et d’augmenter la largeur de bande au profit des écoles, des centres de santé et autres institutions. La pose des câbles s’est achevée l’an dernier.
Un autre projet décidé l’an dernier en collaboration avec la plus grande entreprise de télécommunications sud-coréenne, Korea Telecom, « permettra au Rwanda de [déployer] un réseau haut-débit (4G) à travers le pays d’ici trois ans. Aux termes de ce contrat, Korea Telecom [devenue KT Corp] investira 140 millions de dollars dans les infrastructures et l’expertise, alors que le Rwanda fournira les actifs du réseau de fibre optique ainsi que le spectre et un permis de distribution », indique le journal rwandais New Times.
La télésanté
Le Rwanda met également en œuvre des initiatives dans le secteur de la santé, grâce au Système de gestion des dossiers médicaux en open source (OpenMRS), un logiciel créé par l’Institut Regenstrief, un organisme de recherche basé à Indianapolis (Indiana, USA), et par Partners in Health (PIH), une ONG spécialisée dans le domaine de la santé et offrant des soins aux personnes défavorisées basée à Boston (Massachusetts, USA). Depuis sa création en 2006, OpenMRS contribue notamment à assurer le suivi des données relatives aux patients à l’échelle nationale, offre une aide en matière de nutrition et pour la santé des enfants et fournit des outils de synchronisation des bases de données. Les agents sanitaires des collectivités se servent également d’OpenMRS pour rassembler des données à l’intention de mBuzima, un système informatique qui relie les hôpitaux des zones urbaines et rurales et permet aux patients de recevoir des traitements spécialisés à distance.
Etabli en 2005, le Centre de traitement et de recherche sur le SIDA (TRAC) fait aussi partie des programmes de télésanté au Rwanda. Le TRAC est un système informatique qui permet la collecte, le stockage, l’archivage, l’affichage et la diffusion d’informations essentielles sur la distribution des médicaments et sur les personnes souffrant du VIH/sida. Ce système permet aux praticiens des programmes de traitement antirétroviraux d’envoyer leurs rapports sous forme électronique et d’avoir accès à différentes informations.
Le Rwanda est l’un des rares pays d’Afrique qui emploie les TIC dans le secteur de la santé et qui a une chance d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement en matière de santé maternelle d’ici à 2015, d’après la RDB.
Améliorer la transparence grâce aux TIC
Le passage au numérique concerne aussi la mise en ligne, par le gouvernement, de ses propres services afin d’instaurer un environnement moins vulnérable à la corruption. Selon la Banque mondiale, la mise en ligne des services gouvernementaux améliore la transparence. Les cartes d’identité nationales et les permis de conduire sont désormais numérisés au Rwanda. Il est même possible de faire une demande de visa par Internet.
Le département anti-corruption de l’Office rwandais des recettes (ORR) assure le contrôle des impôts et droits d’importation, et veille à ce que les agents publics ne soient pas par trop impliqués dans des procédures d’appel d’offres et de passation de marchés. Pour y parvenir, l’ORR a créé un logiciel de calcul des impôts afin d’aider les petites et moyennes entreprises à s’immatriculer et à calculer le montant de leurs versements au lieu de devoir se rendre physiquement dans les bureaux de l’ORR.
En cherchant à créer des infrastructures d’excellence pour les TIC, le Rwanda a déjà suscité beaucoup d’intérêt. D’après le rapport « Doing Business» de 2014 de la Banque mondiale, le Rwanda occupe la deuxième place en Afrique, après l’île Maurice. En outre, le Rwanda a été classé 66ème sur 148 pays et troisième en Afrique subsaharienne sur l’Indice mondial de la compétitivité, établi par le Forum économique mondial en 2013, indice qui évalue les économies nationales en fonction de leur productivité. On estime que ces progrès indéniables sont dûs principalement aux réformes des procédés d’enregistrement des entreprises en ligne.
Le développement des technologies de l’information et des communications au Rwanda a eu d’énormes conséquences au niveau socioéconomique et reflète aussi l’espoir de nombreux Africains : prouver qu’il est possible d’être propulsé dans l’ère du numérique.  Ìý