L’homme qui répare les femmes
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L’homme qui répare les femmes
Lorsqu’en octobre 2018, Denis Mukwege, gynécologue congolais et spécialiste de la chirurgie reconstructive, a reçu le prix Nobel de la paix, les médias du monde entier ont salué la vie extraordinaire de ce docteur souvent surnommé « l’homme qui répare les femmes ». Ce surnom témoigne des années qu’il a passé à réparer le corps de femmes et de filles victimes d’agressions sexuelles en République démocratique du Congo (RDC).
Le Dr Mukwege et Nadia Murad, militante irakienne des droits de l’homme, ont reçu le prix de la paix pour « leurs efforts visant à mettre fin à l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre et de conflit armé ».
« Denis Mukwege a dédié sa vie à défendre les victimes, tandis que Nadia Murad témoigne des abus perpétrés à leur encontre », a déclaré la Fondation Nobel.
Le Dr Mukwege, défenseur reconnu des droits des femmes, dirige l’hôpital Panzi à Bukavu, au Sud-Kivu, en RDC, en proie à des conflits meurtriers depuis des décennies. ONU Femmes, l’agence onusienne pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, estime à plus d’un million le nombre de femmes violées dans le pays pendant cette période. Le Dr Mukwege a traité 45 000 de ces femmes.
Dans un documentaire sur son action mondialement salué, intitulé L’Homme qui répare les femmes : La Colère d’Hippocrate, diffusé en 2015, le Dr Mukwege résume la situation des femmes dans son pays : « Dans les zones de conflit, les batailles se passent sur le corps des femmes. »
Dans son autobiographie Plaidoyer pour la vie, il écrit : « Lorsque la guerre se déclenche, il n’y a pas de loi, il n’y a pas de foi. Ceux qui souffrent sont les enfants et les femmes. »
L’une des femmes qu’il a opérées a déclaré : « J’ai subi neuf opérations. Et quand le docteur [Mukwege] s’est occupé de moi dès la première opération, je savais que personne d’autre au monde n’aurait pu faire la même chose. Il ne savait pas ce que j’avais traversé, mais il a tout fait pour me rendre ma vie. Je peux m’aimer à nouveau et continuer à vivre grâce à lui. »
Le lauréat du prix Nobel raconte souvent l’histoire de la première victime qu’il a opérée en 1999, et comment il a décidé de consacrer sa vie à réparer le corps des femmes.
« On m’a amené une femme violée par plusieurs hommes en uniforme », confie le Dr Mukwege. « Elle n’avait pas seulement été violée, ils lui avaient aussi tiré dans les parties génitales. Je n’avais jamais rien vu de tel... J’ai pensé que ça devait être un cas exceptionnel, l’acte d’un fou. Je n’imaginais pas que cela deviendrait mon métier. »
Son dévouement en faveur des droits des femmes a été reconnu en 2014 par le Parlement européen lorsqu’il a reçu le prix Sakharov, qui récompense des personnes qui consacrent leur vie aux droits de l’homme et à la liberté.
« Ce prix n’aura de signification pour les femmes victimes de violences sexuelles que si vous nous accompagnez sur les chemins de la paix, la justice et la démocratie. », a-t-il averti en interpelant les responsables politiques, la société civile et les citoyens.
Il a reçu plus d’une vingtaine de prix, dont le prix Olof Palme en janvier 2008 et le prix de la Paix de Séoul en septembre 2016.
« Le Dr Denis Mukwege est un défenseur à toute épreuve pour les droits des femmes victimes de viol, d’exploitation et autres abus », a commenté le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à l’annonce de l’attribution du prix Nobel de la paix en 2018. « Malgré des menaces régulières de mort, il a fait de l’hôpital Panzi en République démocratique du Congo un refuge contre les mauvais traitements ».
Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine, a félicité la Fondation Nobel d’avoir reconnu « l’immense contribution du Dr Mukwege au rétablissement dans leur dignité d’innombrables femmes victimes d’actes de violence aussi insensés qu’ignobles, commis dans le contexte des multiples conflits qui ravagent la partie orientale de la RDC ».
En 2012, le docteur a échappé à une tentative d’assassinat, mais son chauffeur a été tué.
Mais le Dr Mukwege n’abandonne pas. « Chaque femme violée, je l’identifie à ma femme, chaque mère violée à ma mère, et chaque enfant violé à mes enfants », a-t-il lancé. « Comment pouvons-nous nous taire ? »Ìý Ìý Ìý