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Les périls d’une aventure

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Les périls d’une aventure

Un parcours aux conséquences souvent tragiques
Franck Kuwonu
Afrique Renouveau: 
The Italian Coast Guard rescues migrants bound for Italy. Photo: IOM / Francesco Malavolta
Photo: OIM / F. Malavolta
Des migrants en route vers l’Italie secourus par la garde côtière italienne. Photo: OIM / F. Malavolta

Seul au Niger, le jeune homme est assis, empli de regrets.

« Je ne voulais pas nécessairement aller si loin », dit-il angoissé. « Khartoum aurait pu faire l’affaire. » Il se demande ce qui l’a poussé à prolonger son chemin vers une destination inconnue. Il a survécu à un périlleux voyage à travers les déserts et les mers, mais à un prix effroyable. Son frère, dont il était si proche, a perdu la vie après avoir quitté la capitale soudanaise, où les deux hommes s’étaient brièvement établis après avoir fui l’Érythrée, leur terre natale.

« J’ai donc moi aussi quitté Khartoum », dit Tekle (ce n’est pas son vrai nom), 36 ans, désemparé face au malheur qui l’a frappé sans prévenir.

La police de Khartoum « vous malmène. Vous n’avez aucun droit », dit-il amèrement. Il a donc poursuivi le voyage qu’il pensait être destiné à faire vers la terre des opportunités : l’Europe.

« Ce n’était pas pour l’argent ; je ne suis plus un enfant. Je suis parti parce que je voulais simplement une vie paisible », dit Tekle, l’un des milliers de réfugiés et de migrants d’Afrique qui ont tenté de fuir vers l’Europe en traversant le désert du Sahara pour finalement se retrouver bloqués en Libye.

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) il y a actuellement entre 700 000 et 1 million de migrants bloqués en Libye, parmi lesquels plus de 55 000 ont été enregistrés par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Étant donné que les organisations humanitaires, comme le HCR et l’OIM, n’ont pas accès à tous les centres de détention, dont certains sont sous le contrôle de passeurs ou de milices, le nombre de personnes ayant besoin d’une protection internationale est probablement beaucoup plus élevé.

iiiii« Le voyage de Khartoum à la Libye ne peut se faire qu’avec des passeurs », se souvient Tekle.Ìý Une fois en Libye les gens sont placés dans de grands entrepôts, qui comptent chacun entre 1 300 et 1 400 personnes.

Au cours de ce périple ardu à travers le désert, les migrants nouent des liens.

« Les gens que vous rencontrez en chemin deviennent... votre famille. Si je tombe, quelqu’un m’aide à me relever. Vous devenez vraiment plus que des amis, vous devenez une famille », dit Tekle.

Le voyage est fatal pour beaucoup.

Citant des chiffres de l’OIM, l’Associated Press a rapporté en juin 2018 que près de 30 000 personnes avaient disparu dans le désert depuis 2014. Le HCR estime que pour chaque décès d’un migrant en Méditerranée, il pourrait y avoir au moins deux décès supplémentaires dans le désert.

La plupart de ceux qui sont morts auraient succombé à la déshydratation causée par la chaleur torride du désert. Certains corps ne sont jamais retrouvés, vraisemblablement enfouis par de violentes tempêtes de poussière et de sable.

Le frère de Tekle est l’une de ces victimes. Il avait quitté le Soudan pour la Libye. Tekle a suivi le chemin de son frère à travers le Sahara. Il a appris plus tard que son frère y avait passé deux semaines et qu’il y était finalement mort de soif avec quatre autres personnes. « C’était mon préféré, nous avons grandi ensemble », dit Tekle.

Lors de son propre voyage, Tekle se souvient que les femmes étaient les plus fortes de tous. « Elles s’occupaient même de nous. »

Cependant, elles étaient sans défense face aux passeurs qui venaient la nuit, ivres ou drogués. « Ils les emmenaient de force. C’était pénible à voir. On pense à sa propre famille. Les choses n’ont fait qu’empirer. On pouvait entendre les cris [des femmes]. »

Tekle raconte qu’il a été battu par les passeurs lorsqu’il s’est opposé à cette brutalité envers les femmes, mais peu lui importait de perdre la vie. « Dans ma culture, on n’abandonne pas les gens, on fait ce qu’on peut pour les aider. Ce qu’ils leur ont fait [notamment les viols], ça fait mal... Même maintenant, je ne peux pas en parler... Ça fait mal... C’est très douloureux. »

Pendant cinq mois, Tekle a été transféré avec d’autres personnes dans des centres de détention non officiels gérés par des passeurs, jusqu’à ce qu’il rejoigne finalement un centre officiel où il a reçu la visite de fonctionnaires du HCR qui l’ont aidé à quitter la Libye en début d’année dans un avion humanitaire d’évacuation.

Il se trouve aujourd’hui à Niamey, la capitale du Niger, au sud de la Libye. Il fait partie des 1 675 réfugiés et demandeurs d’asile évacués par le HCR depuis novembre 2017. Depuis lors, il a bénéficié d’un soutien, notamment d’un logement, d’une protection juridique, de nourriture, de soins médicaux et d’un accompagnement psychosocial, en attendant d’être officiellement réinstallé dans un autre pays.

« À présent que je suis plus âgé, je ne pourrais pas revivre ça, je n’ai plus la force »,

confesse-t-il. « Ma sœur est partie avant moi [pour la Libye], mon autre frère qui est parti après moi est mort dans le Sahara, et j’ai un frère qui est toujours dans l’armée en Érythrée. »

Ce frère est un adulte, dit Tekle, et il n’écouterait pas si on lui conseillait de ne pas tenter d’aller en Europe par le désert. « Mais on risque sa vie en comptant sur la chance », ajoute-t-il. Son frère, redoute-t-il, pourrait prendre ce risque un jour.Ìý Ìý Ìý

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