缅北禁地

Un garde d鈥檜ne mine de diamants ill茅gale en Angola pendant la guerre civile. Comment mettre ces ressources au service de la paix et du d茅veloppement ?

Photo: Panos / Paul Lowe

Depuis des ann茅es la r茅gion p茅trolif猫re du delta du Sud du Nig茅ria est le th茅芒tre de multiples affrontements arm茅s entre les habitants de la r茅gion, les groupes rebelles et l鈥檃rm茅e et la police qui ont fait de nombreuses victimes et perturb茅 脿 plusieurs reprises le principal secteur d鈥檈xportation de ce pays.

Ces soul猫vements s鈥檈xpliquent par le m茅contentement de la population face 脿 la pauvret茅, 脿 la pollution et 脿 des mesures de s茅curit茅 muscl茅es. Les 鈥渞ichesses p茅troli猫res consid茅rables [de la r茅gion] n鈥檕nt gu猫re am茅lior茅 la vie de la population locale鈥�, peut-on lire dans un rapport sur le d茅veloppement humain dans le delta du Niger, publi茅 par le Programme des Nations Unies pour le d茅veloppement (PNUD) en juillet 2006.

Bon nombre des habitants de la r茅gion estiment que les pouvoirs publics, l鈥檃rm茅e et les compagnies p茅troli猫res 茅trang猫res ne font quasiment rien pour rem茅dier 脿 la situation. 鈥淟es gens savent qu鈥檌ls n鈥檃uront pas le droit de profiter de notre p茅trole s鈥檌ls ne se battent pas鈥�, a d茅clar茅 un chef rebelle de Warri 脿 un enqu锚teur d鈥橧nternational Crisis Group, organisation non gouvernementale de recherche et de militantisme, bas茅e 脿 Bruxelles.

En juillet 2006 茅galement, 脿 plus de 1 000 kilom猫tres de l脿, dans la ville de Gaoua au Burkina Faso, environ 150 manifestants arm茅s de sabres, de massues et d鈥檃rcs et de fl猫ches ont tent茅 de se rendre 脿 une r茅union du conseil municipal nouvellement 茅lu. La police les en a emp锚ch茅s, mais une dizaine d鈥檈ntre eux ont r茅ussi 脿 faire part de leurs dol茅ances au haut-commissaire de la province et ont exig茅 que les autorit茅s envoient la police pour faire cesser l鈥檈xtraction ill茅gale d鈥檕r sur une colline jug茅e sacr茅e par la communaut茅 locale de Lobi.

Pendant ce temps, dans le Nord de la C么te d鈥橧voire, pays voisin, une faction rebelle contr么le une grande mine de diamants 脿 ciel ouvert dans la ville de Seguela. C鈥檈st l鈥檜n de plusieurs sites qui produisent des diamants 鈥� dont la valeur est estim茅e 脿 plus de 20 millions de dollars 鈥� export茅s ill茅galement au Mali et au Ghana pour financer l鈥檃chat d鈥檃rmes, au m茅pris des sanctions impos茅es par l鈥橭NU.

Rompre les liens

Pour parvenir 脿 la paix et au d茅veloppement sur le continent, les Africains et leurs partenaires internationaux s鈥檈fforcent de plus en plus de rompre les liens qui existent entre conflits et richesses naturelles. En suscitant des convoitises ou en finan莽ant des op茅rations militaires, les ressources naturelles ont jou茅 un 鈥渞么le n茅gatif鈥� dans plusieurs des guerres les plus sanglantes de l鈥橝frique, remarque Legwaila Joseph Legwaila, Secr茅taire g茅n茅ral adjoint de l鈥橭NU et Conseiller sp茅cial pour l鈥橝frique.

Un gar莽on de 13 ans porte un sac de terre et de pierres dans une mine de diamants de Mbuji-Mayi, la capitale congolaise du diamant.

Photo: Associated Press / Gary Knight

Pour attirer l鈥檃ttention sur ce probl猫me, le Bureau du Conseiller sp茅cial pour l鈥橝frique a r茅uni un groupe d鈥檈xperts au Caire (Egypte), en juin 2006. Ces experts ont recommand茅 des moyens de renforcer les dispositifs de contr么le internationaux et nationaux visant 脿 emp锚cher que les ressources naturelles servent 脿 financer des bellig茅rants. Ils ont 茅galement propos茅 des mesures en vue de r茅duire les conflits int茅rieurs portant sur les ressources naturelles, notamment une 鈥済estion responsable, juste et productive sur le plan 茅conomique鈥� de la part des gouvernements africains.

Gr芒ce 脿 cette approche, estiment les experts, l鈥檈xploitation des ressources naturelles peut davantage servir 脿 am茅liorer l鈥檈nsemble de la soci茅t茅, en r茅duisant la concurrence et en faisant des richesses naturelles 鈥渘on plus un danger mais un atout pour la paix鈥�.

La pr茅sence de ressources naturelles pr茅cieuses n鈥檈st pas en elle-m锚me une 鈥渕al茅diction鈥� devant fatalement susciter des conflits (voir encadr茅). D鈥檃pr猫s Abiodun Alao, ma卯tre de conf茅rences 脿 l鈥檜niversit茅 de Londres, tout d茅pend de la fa莽on dont sont exploit茅es ces ressources et dont sont distribu茅s les profits ainsi g茅n茅r茅s. 鈥淟鈥檃venir du continent, a-t-il expliqu茅 dans un document r茅dig茅 脿 l鈥檕ccasion de la r茅union du Caire, d茅pend en grande partie de la fa莽on dont il g猫re ces ressources. D猫s que l鈥檕n consid猫re les ressources naturelles et les conflits en Afrique, il est 茅vident que la gouvernance est au coeur de la plupart des probl猫mes.鈥�

鈥楧iamants du sang鈥�

Les 鈥渄iamants du sang鈥� 鈥� expression 茅vocatrice 鈥� sont probablement le symbole le plus connu du lien qui existe entre ressources et conflits en Afrique. Du fait de leur petite taille, les diamants sont faciles 脿 transporter et 脿 importer ill茅galement. Leur prix 茅lev茅 sur les march茅s mondiaux peut servir 脿 acheter de nombreuses armes, 脿 r茅mun茅rer des combattants ou 脿 financer par d鈥檃utres moyens des activit茅s militaires.

Pendant la guerre civile qu鈥檃 connue la Sierra Leone une dizaine d鈥檃nn茅es durant, ce sont les mines de diamants de ce pays qui ont suscit茅 les combats les plus violents. Les diamants export茅s ill茅galement de la Sierra Leone ont 茅galement contribu茅 脿 financer des bellig茅rants dans la guerre au Lib茅ria voisin, tout comme l鈥檈xploitation ill茅gale du bois et du fer lib茅rien. Lors de la guerre en Angola, chaque camp disposait d鈥檜ne source de revenus : le gouvernement contr么lait les gisements de p茅trole au large des c么tes, tandis que le mouvement rebelle de l鈥橴NITA a subvenu 脿 ses propres besoins des ann茅es durant en exploitant ill茅galement les mines de diamants.

Gr芒ce 脿 des campagnes men茅es par des organisations non gouvernementales (ONG) internationales et 脿 la couverture m茅diatique importante du ph茅nom猫ne, le Processus de Kimberley a 茅t茅 lanc茅 en 2000. Ce programme b茅n茅ficiant de l鈥檃ppui de l鈥橭NU vise 脿 mettre fin au commerce ill茅gal des diamants et autres pierres pr茅cieuses provenant des zones de conflit. Dans le cadre de ce programme, tous les diamants provenant des pays participants doivent 锚tre accompagn茅s d鈥檜n certificat d鈥檃uthenticit茅 indiquant leur origine

Des casques bleus patrouillent, 脿 la recherche des trafiquants de diamants et d鈥檕r sur le lac Kivu, dans l鈥橢st de la R茅publique d茅mocratique du Congo.

Photo: Panos / Sven Torfinn

Dans certains pays, le Processus de Kimberley a donn茅 des r茅sultats. En Sierra Leone, les exportations l茅gales de diamants ne s鈥櫭﹍evaient qu鈥櫭� 1,2 million de dollars en 1999 mais ont atteint 140 millions de dollars en 2005, le syst猫me de certification ayant incit茅 davantage d鈥檈xploitants 脿 vendre leurs diamants aux n茅gociants agr茅茅s. Mais de grandes lacunes subsistent et selon les experts, les exportations ill茅gales de diamants provenant de la Sierra Leone atteignent encore chaque ann茅e de 30 脿 160 millions de dollars.

L鈥檈xportation ill茅gale de diamants provenant du Nord de la C么te d鈥橧voire t茅moigne 茅galement des limites de cette initiative. Tant que ces probl猫mes ne seront pas r茅solus, avertit l鈥橭NG Global Witness, le Processus de Kimberley risque de n鈥櫭猼re 鈥渜u鈥檜n simple exercice bureaucratique鈥�.

D鈥檃pr猫s l鈥橭NG sud-africaine SaferAfrica, l鈥檜ne des lacunes du Processus de Kimberley tient au fait qu鈥檌l ne soit pas contraignant et d茅pende de la bonne volont茅 des gouvernements, des entreprises et des n茅gociants de diamants. Cette bonne volont茅 n鈥檈st pas g茅n茅rale. Avec d鈥檃utres participants 脿 la r茅union du Caire, SaferAfrica a recommand茅 de renforcer les moyens dont disposent notamment les gouvernements, les ONG et les groupes de la soci茅t茅 civile pour faire appliquer plus efficacement le syst猫me de certification et a incit茅 les pouvoirs publics 脿 r茅primer et sanctionner les contrevenants.

Transparence et 茅thique

Le groupe d鈥檈xperts du Bureau du Conseiller sp茅cial a en outre propos茅 que d鈥檃utres ressources naturelles fassent l鈥檕bjet de programmes similaires. Cela commence 脿 se concr茅tiser, en partie gr芒ce 脿 la mobilisation d鈥橭NG.

Depuis 2002, une coalition de 300 groupes de la soci茅t茅 civile et ONG m猫ne une campagne intitul茅e Publish What You Pay (PWYP) (Publiez ce que vous payez), pour inciter les multinationales p茅troli猫res 脿 faire preuve de plus de transparence en d茅voilant au grand jour les modalit茅s de leurs contrats pass茅s en Afrique et ailleurs. L鈥檕bjectif est de compliquer la t芒che des dirigeants d鈥檈ntreprise et des fonctionnaires qui souhaiteraient se livrer 脿 des actes de corruption.

L鈥橭NG Global Witness a cit茅 en exemple le cas de l鈥橝ngola, o霉, d鈥檃pr猫s des estimations du Fonds mon茅taire international (FMI), de hauts fonctionnaires ont d茅tourn茅 4 milliards de dollars de recettes p茅troli猫res sur des comptes priv茅s off-shore entre 1998 et 2002. Depuis, le Gouvernement a demand茅 脿 la Banque mondiale de lui apporter une assistance technique en vue d鈥檃m茅liorer la transparence du secteur p茅trolier national.

Pesage de l鈥檕r dans l鈥橢st de la R茅publique d茅mocratique du Congo.

Photo: Reuters / James Akena

Les pays qui se sont officiellement associ茅s 脿 l鈥檌nitiative n鈥檕nt pas tous pris de v茅ritables mesures pratiques 鈥渧isant 脿 prouver qu鈥檌ls g猫rent leurs recettes p茅troli猫res dans la transparence鈥�, note M. Christian Mounz茅o, de la section de la coalition en R茅publique du Congo. En plus d鈥檈xiger une transparence compl猫te, il demande 茅galement 脿 son propre gouvernement et 脿 celui d鈥檃utres pays africains producteurs de p茅trole de cr茅er des comptes sp茅ciaux de recettes p茅troli猫res, destin茅s 脿 b茅n茅ficier aux 鈥済茅n茅rations 脿 venir鈥�, comme l鈥檃 fait la Norv猫ge. M. Mounz茅o et d鈥檃utres militants de la campagne ont fait l鈥檕bjet de harc猫lements juridiques du fait de leurs activit茅s.

En 2003, le Gouvernement britannique a lanc茅 l鈥橧nitiative de transparence des industries extractives, qui vise 脿 am茅liorer la gestion des recettes provenant du p茅trole, du gaz et des industries extractives. Il s鈥檃git principalement d鈥檌nciter les multinationales 脿 faire preuve de plus de transparence et de responsabilit茅 dans ce domaine. Plus de 20 pays 鈥� dont 14 pays africains 鈥� se sont officiellement associ茅s 脿 cette initiative.

Certaines grandes entreprises se sont engag茅es 脿 agir dans une plus grande transparence, mais beaucoup restent r茅ticentes, invoquant les pressions concurrentielles, le secret professionnel et la volont茅 de confidentialit茅 des gouvernements. En outre, le groupe d鈥檈xperts du Caire note que certaines entreprises, notamment dans le secteur minier, ne se pr茅occupent gu猫re des risques que pr茅sentent leurs activit茅s pour la soci茅t茅 et l鈥檈nvironnement. Les gouvernements africains ont 茅t茅 pri茅s d鈥檈xiger de la part des entreprises des plans de d茅veloppement durable visant 脿 prot茅ger l鈥檈nvironnement, 脿 b茅n茅ficier aux communaut茅s locales et 脿 contribuer aux priorit茅s de d茅veloppement nationales.

Capacit茅s des Etats

M锚me lorsque les gouvernements africains souhaitent mieux encadrer ou r茅glementer les ressources naturelles de leur pays, ils n鈥檈n ont souvent pas les moyens. Notamment dans les pays en proie 脿 des conflits ou sortant juste de guerres, remarque Abiodun Alao, il 鈥渕anque v茅ritablement les capacit茅s institutionnelles permettant de surveiller les grandes 茅tendues o霉 se trouvent les ressources naturelles鈥�. Certaines zones riches en ressources naturelles se trouvent parfois pr猫s de fronti猫res peu surveill茅es, comme par exemple les mines de diamants de la Sierra Leone et du Lib茅ria et les r茅gions mini猫res de l鈥橢st de la R茅publique d茅mocratique du Congo. D鈥檃utres sont situ茅es en terrain difficile, comme le delta mar茅cageux du Niger, au Nig茅ria.

En outre, nombre de gouvernements nationaux sont incapables de v茅ritablement surveiller leurs propres fonctionnaires et personnel. Etant donn茅 les sommes d鈥檃rgent en jeu, les factions arm茅es et les contrebandiers peuvent souvent acheter le silence des ministres, des autorit茅s charg茅es de l鈥檕ctroi de permis, des douaniers et des gardes-fronti猫res. Pendant la guerre civile en Sierra Leone, les rebelles ont souvent pu 茅changer des diamants contre des armes avec les commandants et les soldats qui 茅taient justement cens茅s les combattre.

M锚me dans les pays en paix, il est difficile de r茅glementer l鈥檃ctivit茅 mini猫re, l鈥檈xploitation des for锚ts et les autres industries extractives. D鈥檃pr猫s une 茅tude effectu茅e en 2004 脿 l鈥檜niversit茅 du Qu茅bec 脿 Montr茅al (Canada) par un groupe de recherches sur l鈥檌ndustrie mini猫re africaine, les politiques d鈥檃ust茅rit茅 茅conomique recommand茅es par le FMI et la Banque mondiale pendant les ann茅es 1980 et 1990 ont g茅n茅ralement affaibli les capacit茅s de nombreux Etats africains. Bien que ces politiques aient 茅t茅 en partie modifi茅es en vue de consolider les institutions publiques, les r茅centes r茅formes des r茅glementations de l鈥檌ndustrie mini猫re et des investissements en Afrique ont octroy茅 aux soci茅t茅s mini猫res des avantages tels que les pouvoirs publics nationaux ne peuvent exercer qu鈥檜n contr么le restreint et que leur tr茅sor public et leur 茅conomie n鈥檈n tirent que de faibles b茅n茅fices. Ces r茅formes, ont not茅 les chercheurs, ont 鈥渆u tendance 脿 favoriser la r茅duction de l鈥檃ssiette fiscale de l鈥橢tat, ainsi que de ses capacit茅s de surveillance et d鈥檃pplication des r茅glementations, et, par cons茅quent, de sa l茅gitimit茅 et de sa souverainet茅鈥�.

Compte tenu des nombreuses lacunes des institutions nationales, le groupe d鈥檈xperts du Caire a recommand茅 que l鈥橭NU, les organismes donateurs et les autres institutions internationales accordent davantage d鈥檃ide aux pays africains afin de renforcer leurs capacit茅s de gestion des ressources naturelles. Cette aide pourrait notamment consister 脿 fournir une formation aux douaniers et aux v茅rificateurs de comptes, 脿 茅tablir de nouveaux syst猫mes de suivi des industries extractives et 脿 pr么ner des mesures visant 脿 mieux combattre la corruption gouvernementale et les fraudes des entreprises.

Au Lib茅ria, l鈥橭rganisation des Nations Unies pour l鈥檃limentation et l鈥檃griculture (FAO) a apport茅 une assistance technique et financi猫re afin d鈥檃ider ce pays 脿 d茅finir une politique de gestion des for锚ts. Pendant la guerre civile, les abattages syst茅matiques et le trafic de produits forestiers ont servi 脿 financer le conflit, ce qui a conduit le Conseil de s茅curit茅 de l鈥橭NU 脿 imposer des sanctions sur les exportations de bois provenant du Lib茅ria.

鈥淟a nouvelle politique foresti猫re, explique M. Adrian Whiteman, sp茅cialiste des for锚ts 脿 la FAO, qui a particip茅 au projet, vise 脿 maximiser les b茅n茅fices que procure le secteur forestier 脿 la population du Lib茅ria et 脿 mettre fin au financement de conflits au moyen de l鈥檈xploitation de ressources foresti猫res. L鈥橭ffice des for锚ts lib茅rien est maintenant 脿 m锚me de reprendre le contr么le des ressources foresti猫res.鈥�

Qui d茅cide ?

Mais il faut souvent longtemps pour mettre en place des institutions efficaces. Dans certains pays, les organismes donateurs ont 茅t茅 tent茅s d鈥檌ntervenir directement pour essayer de r茅gler rapidement les probl猫mes de corruption et de mauvaise gestion.

Cela a par exemple 茅t茅 le cas lors de la construction d鈥檜n ol茅oduc servant 脿 transporter du p茅trole des puits 茅loign茅s du Sud du Tchad jusqu鈥櫭� un port situ茅 sur la c么te du Cameroun. Les gouvernements des deux pays et la Banque mondiale ont sign茅 un accord complexe par lequel la Banque proposait de contribuer au financement de l鈥檕l茅oduc 脿 condition que le Tchad accepte d鈥檃llouer la plus grande partie de ses recettes p茅troli猫res 脿 des programmes de r茅duction de la pauvret茅 et de d茅veloppement, au moyen de comptes g茅r茅s par un consortium compos茅 de repr茅sentants du gouvernement, de la Banque mondiale et de la soci茅t茅 civile. L鈥檕bjectif de ce syst猫me 茅tait d鈥櫭﹙iter que cette soudaine manne p茅troli猫re favorise la corruption 脿 grande 茅chelle et que les 60 % de Tchadiens qui vivent dans la pauvret茅 n鈥檈n profitent gu猫re.

Une fois l鈥檕l茅oduc construit, les trois grandes compagnies p茅troli猫res ont commenc茅 en 2003 脿 extraire du p茅trole des puits tchadiens. En 2006, le Gouvernement devrait toucher 200 millions de dollars d鈥檌mp么ts et de redevances provenant du p茅trole, ce qui est sup茅rieur 脿 l鈥檈nsemble de ses recettes fiscales annuelles provenant de toutes les autres sources. Mais l鈥檃ccord avec la Banque mondiale est pass茅 au second plan d猫s la fin de l鈥檃nn茅e 2005, lorsque le Gouvernement a fait part de son intention d鈥檃ccro卯tre la part des recettes p茅troli猫res affect茅e directement au budget national et d鈥檈n utiliser une partie pour renforcer ses moyens militaires en vue de faire face aux rebelles tchadiens et aux attaques de milices soudanaises le long de la fronti猫re au Darfour.

En 2005, un autre programme a 茅t茅 mis en oeuvre au Lib茅ria 脿 l鈥檌nitiative des donateurs. Le Programme d鈥檃ide 脿 la gouvernance et 脿 la gestion 茅conomique (GEMAP, en anglais) vise 脿 combattre la corruption, les fraudes et autres pratiques n茅fastes sous le r茅gime de transition instaur茅 脿 la fin de la guerre civile. Des contr么leurs financiers ext茅rieurs ont 茅t茅 charg茅s de surveiller le service des douanes, le minist猫re des terres et des mines et de nombreuses entreprises d鈥橢tat.

Au Lib茅ria, les avis sur la question sont partag茅s. Certains reprochent au GEMAP de porter atteinte 脿 la souverainet茅 nationale. D鈥檃utres y voient un moyen n茅cessaire de combattre la corruption end茅mique. Le gouvernement nouvellement 茅lu de la Pr茅sidente Ellen Johnson-Sirleaf, qui est entr茅e en fonction en janvier 2006, consid猫re que le GEMAP est un instrument utile 脿 court terme, mais qu鈥檌l est n茅cessaire de renforcer la transparence 脿 l鈥櫭ヽhelle nationale afin de ne plus avoir besoin de telles initiatives ext茅rieures.

Le groupe d鈥檈xperts r茅uni par le Bureau du Conseiller sp茅cial a examin茅 le cas de l鈥檕l茅oduc du Tchad ainsi que l鈥檌nitiative lib茅rienne. Il a propos茅 que l鈥橴nion africaine (UA) redouble d鈥檈fforts en vue de parvenir 脿 une meilleure gestion nationale des ressources naturelles, notamment en int茅grant des normes pr茅cises dans le M茅canisme d鈥櫭﹙aluation intra-africaine, dans le cadre duquel les pays africains 茅valuent mutuellement leurs pratiques en mati猫re de gouvernance. Au cours de la r茅union, les donateurs ont 茅galement 茅t茅 pri茅s de 鈥渞especter et soutenir le processus men茅 脿 l鈥檌nitiative de l鈥橴A, au lieu d鈥檈ssayer d鈥檃ssortir l鈥檃ide au d茅veloppement de conditions relatives 脿 la gouvernance ou d鈥檃ppuyer des initiatives ext茅rieures men茅es en parall猫le鈥�.

M. John Ohiorhenuan, administrateur assistant adjoint du PNUD, estime que si des initiatives comme le GEMAP peuvent 锚tre n茅cessaires, car le 鈥減illage a pris d鈥櫭﹏ormes proportions鈥� et qu鈥檌l n鈥檈xiste pas d鈥檃utre solution imm茅diate, les d茅cideurs ne devraient pas perdre de vue que ces programmes peuvent 锚tre une 鈥渁rme 脿 double tranchant鈥� susceptible de compromettre la souverainet茅 des Etats et de favoriser la d茅pendance 脿 long terme.

Partage des richesses

M锚me si les gouvernements parviennent 脿 g茅rer leurs ressources naturelles de fa莽on plus transparente et efficace, cela n鈥檃ura qu鈥檜n impact restreint tant que les b茅n茅fices ne seront pas 茅galement partag茅s par le plus grand nombre au sein des soci茅t茅s africaines. Paradoxalement, de nombreuses r茅gions riches en p茅trole, en diamants ou autres minerais sont par ailleurs extr锚mement pauvres, qu鈥檌l s鈥檃gisse du delta du Niger ou de Kono, situ茅 au c艙ur des champs de diamants de la Sierra Leone.

Dans le centre de la R茅publique d茅mocratique du Congo, Mbuji-Mayi est parfois surnomm茅e la 鈥渃apitale mondiale du diamant鈥�. Mais la ville elle-m锚me n鈥檈st gu猫re qu鈥檜n bidonville. La province 脿 laquelle elle appartient, le Kasa茂 oriental, a des taux 茅lev茅s d鈥檃nalphab茅tisme et de mortalit茅 infantile et pas d鈥櫭﹍ectricit茅 ; 60 % des enfants de moins de cinq ans sont atteints de malnutrition. Mais un petit nombre de diamantaires congolais et 茅trangers affichent des richesses inimaginables. Ces in茅galit茅s contribuent pour beaucoup aux tensions sociales et politiques qui existent en Afrique et aident les groupes arm茅s 脿 se constituer un appui parmi la population.

Pour combattre la pauvret茅 et l鈥檌n茅galit茅, le groupe d鈥檈xperts du Caire a fermement enjoint aux gouvernements africains et les soci茅t茅s mini猫res et p茅troli猫res de veiller 脿 ce qu鈥檜ne plus grande part des richesses provenant des ressources naturelles soit affect茅e aux services sociaux et aux programmes de d茅veloppement 脿 l鈥櫭ヽhelle nationale et b茅n茅ficie directement aux communaut茅s locales.

Dans certains cas, la notion de partage des recettes figure en bonne place dans les accords de paix. Dans le cadre d鈥檜n accord qui a mis fin 脿 une longue guerre civile au Sud-Soudan en 2003, le gouvernement central et les rebelles de l鈥橝rm茅e de lib茅ration du peuple soudanais ont conclu un arrangement d茅taill茅 pr茅voyant le partage des recettes p茅troli猫res par les deux camps.

Au Nig茅ria, les 36 Etats que compte le pays ont re莽u une part 脿 peu pr猫s 茅gale des recettes p茅troli猫res nationales jusqu鈥檈n 2000, date 脿 laquelle la part des Etats producteurs de p茅trole du delta du Niger est pass茅e 脿 13 % afin de r茅pondre aux r茅clamations de la population locale. Mais la plupart de cet argent a 茅t茅 vers茅 aux 茅lites urbaines, une partie 茅tant perdue 脿 cause de la corruption, si bien que les habitants pauvres n鈥檕nt g茅n茅ralement vu aucune am茅lioration de leur sort. Par cons茅quent, les r茅clamations se sont intensifi茅es. Les autorit茅s des Etats producteurs de p茅trole demandent maintenant que leur part atteigne 20 ou 25 %, tandis qu鈥檜n comit茅 gouvernemental a propos茅 en mars 2006 de la porter 脿 18 %.

Montrant leur bonne volont茅, des compagnies p茅troli猫res 茅trang猫res pr茅sentes dans le delta du Niger ont 茅galement financ茅 directement divers projets de d茅veloppement local, allant de dispensaires et d鈥櫭ヽoles 脿 la construction d鈥檌nfrastructures publiques et au recrutement de personnel local. Si certaines communaut茅s locales en ont b茅n茅fici茅, d鈥檃utres se plaignent d鈥櫭猼re encore exclues.

鈥楢vant que 莽a ne d茅g茅n猫re鈥�

En 2005, deux ONG (Global Witness et Partenariat Afrique-Canada) ont lanc茅, en coop茅ration avec deux soci茅t茅s diamantaires (De Beers et le Groupe Rapaport), la Diamond Development Initiative (DDI) dans le but de promouvoir de meilleures conditions de travail pour le million de travailleurs africains des petites mines de diamants, dont beaucoup ne gagnent aujourd鈥檋ui qu鈥檜n dollar par jour, malgr茅 leur dur et dangereux labeur.

La DDI cite des exemples de pays africains dans lesquels des programmes existent d茅j脿 pour les mineurs artisanaux. En Sierra Leone, le Gouvernement a instaur茅 une taxe sp茅ciale visant 脿 renforcer les investissements r茅alis茅s dans les localit茅s productrices de diamants. En R茅publique d茅mocratique du Congo, un organisme public a 茅t茅 cr茅茅 en 2003 afin d鈥檃ider les centaines de milliers de mineurs artisanaux de ce pays 脿 mieux se faire repr茅senter, 脿 am茅liorer la s茅curit茅, 脿 acqu茅rir de nouveaux outils et 脿 renforcer leur pouvoir de n茅gociation face aux diamantaires. Cet organisme alloue 茅galement 20 % des recettes provenant de taxes et de licences 脿 des projets de d茅veloppement locaux.

Plusieurs compagnies pr茅sentes dans les r茅gions productrices de diamants de l鈥橝ngola ont fait construire des 茅coles, remis en 茅tat des dispensaires et des h么pitaux, install茅 des usines hydro茅lectriques et des syst猫mes d鈥檃ssainissement et mis en place des projets agricoles. Cependant, d鈥檃pr猫s un rapport de la DDI sur l鈥橝ngola, 鈥渋l convient de renforcer les investissements publics, qui sont tr猫s faibles dans une ancienne zone de guerre o霉 sont produits des diamants. As Les d茅penses des soci茅t茅s mini猫res ne repr茅sentent qu鈥檜ne goutte d鈥檈au鈥�.

Dans un rapport publi茅 en ao没t 2006 sur les affrontements dans le delta du Niger au Nig茅ria, l鈥橧nternational Crisis Group a not茅 que les projets de d茅veloppement local les plus couronn茅s de succ猫s sont ceux auxquels participe activement la population. Pro-Natura International (Nig茅ria), une petite ONG employant 脿 la fois du personnel local et des 茅trangers, a adopt茅 en 1997 une approche 鈥減articipative鈥� dans le royaume d鈥橝kassa, dans l鈥橢tat producteur de p茅trole de Bayelsa. La population locale a d茅fini des 鈥渕icro-projets鈥�, d鈥檜n co没t inf茅rieur 脿 7 150 dollars: 茅coles, dispensaires et centres de formation et de micro-cr茅dit. Les communaut茅s locales ont fourni les terres, la main-d鈥檕euvre et le mat茅riel n茅cessaires et le financement a 茅t茅 assur茅 par les compagnies p茅troli猫res, les gouvernements donateurs, des fondations et l鈥橴nion europ茅enne. Cette initiative a depuis 茅t茅 men茅e dans trois autres royaumes.

Parall猫lement 脿 la transparence de la gestion des ressources naturelles de la part des pouvoirs publics et des entreprises, il est n茅cessaire de mener dans l鈥檈nsemble de l鈥橝frique beaucoup d鈥檃utres initiatives locales de ce type, estime M. Ohiorhenuan, du PNUD. Les richesses naturelles ne favoriseront pas n茅cessairement les conflits, a-t-il d茅clar茅 脿 Afrique Renouveau, si les pays africains entament un 鈥渄ialogue interne鈥� et rem茅dient 脿 diverses formes d鈥檌n茅galit茅 et d鈥檈xclusion 鈥渁vant qu鈥檈lles ne d茅g茅n猫rent鈥�.