La commerçante qui relance l’agriculture
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La commerçante qui relance l’agriculture
Sur un lopin de terre non loin de son épicerie, Dinnah Kapiza présente différents types d’engrais, expliquant leur mode d’emploi. Les agriculteurs locaux rassemblés autour d’elle lui posent des questions sur les avantages et inconvénients de chaque type d’engrais qu’elle vend dans son magasin, à une soixantaine de kilomètres de la capitale du Malawi, Lilongwe.
Cette commerçante de 58 ans fait partie de la nouvelle génération d’“agro-détaillants” qui ne se contentent pas de vendre leurs produits, mais sont habilités à conseiller leurs clients sur la meilleure manière de s’en servir.
“Des clients qui achètent, ce n’est pas tout, explique Mme Kapiza à Afrique Renouveau. Il faut aussi qu’ils sachent quel engrais correspond le mieux à leurs besoins et comment s’en servir. Les produits chimiques, il ne faut pas les manier n’importe comment. La plupart peuvent tuer. En tant qu’agro-détaillants agréés, on a le droit de faire des démonstrations sur des lopins prévus pour cela. Lorsqu’on me pose des questions sur un article particulier, je réponds : ‘Venez voir vous-même comment ça marche.'"
Et Mme Kapiza de préciser : “Parce que mes conseils les aident, ils reviennent acheter mes produits. C’est de la publicité et cela aide aussi les gens. Nous améliorons les méthodes agricoles, et par conséquent la sécurité alimentaire et la situation économique. En fin de compte, tout le monde y gagne.”
La lutte pour la nourriture
Les petits agriculteurs africains ont du mal à répondre aux besoins alimentaires du continent. La mauvaise qualité des sols explique en grande partie leur incapacité à produire suffisamment d’aliments pour nourrir les quelque 204 millions d’Africains qui souffrent de la faim et de la malnutrition, affirme Maria Wanzala, spécialiste associée au Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD).
“Les sols de l’Afrique perdent tous les ans l’équivalent de plus de quatre milliards de dollars d’éléments nutritifs, précise cette conseillère en utilisation d’engrais. Pourtant, les petits agriculteurs n’utilisent que peu ou pas d’engrais pour nourrir les sols épuisés, à peine huit kilos par hectare, contre 100 kilos par hectare en moyenne ailleurs dans le monde."
La réduction de la faim sur le continent doit commencer, à son avis, par l’enrichissement de ces sols appauvris. L’amélioration de la situation agricole fait partie des priorités du NEPAD, le plan de développement de l’Afrique. En juin, les partisans du NEPAD ont tenu un sommet sur les engrais à Abuja (Nigéria), qui a rassemblé des chefs d’Etat et différentes parties intéressées. A l’issue de la réunion, les participants ont adopté un plan d’action en 12 points qui prévoit, entre autres, l’adoption de mesures concrètes, d’ici la fin 2007, pour élargir l’accès des agriculteurs aux engrais par la mise en place de réseaux d’agro-détaillants dans les zones rurales.
Aider les agriculteurs
Aaron Kamwaza est l’un de ceux qui ont bénéficié de la mise en place de ces réseaux de distribution. Il cultive du maïs, des arachides et des légumes près de l’épicerie de Mme Kapiza. Then end following sentence after lui a permis d’améliorer ses rendements.
“Le sol ici est très, très pauvre. Sans les engrais, vous n’en tirez pas grand-chose, explique-t-il. C’est pourquoi je suis content que ce magasin vende tout ce dont le village a besoin. Ça nous permet d’économiser de l’argent et du temps. On n’a plus à aller en ville."
Si les agriculteurs n’ont pas de produits, leurs connaissances ne servent à rien, souligne Richard Chapweteka, directeur national du Citizens Network for Foreign Affairs (CNFA). Son association se propose de trouver de nouveaux moyens d’accroître les revenus agricoles en renforçant les moyens dont disposent les agriculteurs et entrepreneurs.
Grâce au financement accordé par la Fondation Rockefeller des Etats-Unis, le CNFA a constitué un fonds de garantie permettant à des négociants comme Mme Kapiza d’ajouter à leur inventaire des produits agricoles – engrais, semences, petits outils et pesticides.
M. Chapweteka précise qu’une étude réalisée pour le compte du Gouvernement malawien en 2000 sur les problèmes rencontrés par les agriculteurs de ce pays a révélé que la distance que ces derniers devaient parcourir pour aller acheter des semences, des engrais et autres fournitures constituait un grand obstacle.
L’octroi de crédits garantis, estime-t-il, est très important pour des commerçants comme Mme Kapiza, qui ne peut pas obtenir de prêts bancaires.
“Il était difficile d’obtenir un prêt sans caution, se souvient Mme Kapiza. Grâce à ce système, les sociétés me donnent des produits. Je dois les rembourser dans les 30 jours, et je respecte toujours les échéances. En fait, on finit par me donner plus que ce que garantit le CNFA."
Mme Kapiza dessert environ 9 000 habitants. Au départ, elle leur vendait des articles de base comme du pain et de l’huile de cuisson. Comme les affaires périclitaient, elle a diversifié son offre. “Mes ventes ont augmenté de 70 % depuis que je propose également des semences, des pesticides et des engrais”, constate-t-elle.
Perspectives encourageantes
Ses affaires marchent tellement bien qu’elle emploie désormais quatre personnes : deux caissiers et deux gardes. Confiante et optimiste, elle ne ressemble plus du tout à la personne qu’elle était, sept ans auparavant, quand sa vie avait semblé s’arrêter à la mort de son mari. C’est à ce moment-là que Mme Kapiza a ouvert son commerce, pour tenter de subvenir aux besoins de ses 10 enfants. A présent, dit-elle, elle a bon espoir de pouvoir en ouvrir au moins deux de plus.
“Lorsque la volonté d’accomplir quelque chose est là, allez-y, n’hésitez pas. Ne pensez pas qu’il faut laisser tomber parce que votre mari n’est plus là. C’est le conseil que je donne aux femmes. Le CNFA nous accorde des crédits, c’est nous qui travaillons dur”, dit-elle.
M. Chapweteka se déclare satisfait du fonds de garanties. “On n’a enregistré au cours des cinq dernières années que moins de 5 % de cas d’insolvabilité sur 450 agro-détaillants, ce qui est négligeable. Nous sommes très satisfaits de l’opération. Des programmes réussis, comme celui-ci, il faudrait en lancer à bien plus grande échelle, car les projets pilotes ne mènent nulle part. Des initiatives lancées dans toute l’Afrique sous les auspices du NEPAD devraient offrir de nouvelles possibilités et marchés aux agriculteurs du continent”, estime-t-il.
Mme Wanzala, la spécialiste des engrais du NEPAD, en convient : “Le projet du Malawi est un exemple du type de programme qu’encourage le NEPAD. Une femme comme Dinnah Kapiza, qui réussit à augmenter ses revenus en étant l’un des meilleurs agro-détaillants de sa région, tout en aidant les agriculteurs à se procurer des engrais, c’est précisément ce que nous voulons réaliser partout en Afrique.”