缅北禁地

Bien que le Ghana soit un 鈥渉avre de paix et de calme鈥� en Afrique de l鈥橭uest et s鈥檕riente progressivement vers un renforcement du syst猫me d茅mocratique, ses progr猫s demeurent 鈥渇ragiles鈥�, d鈥檃pr猫s une 茅valuation globale de ce pays effectu茅e par d鈥檃utres pays africains. Ce bilan, publi茅 au milieu de l鈥檃nn茅e 2006, est le premier de ce type r茅alis茅 dans le cadre du M茅canisme d鈥櫭﹙aluation intra-africaine, qui permet aux pays africains de se soumettre mutuellement 脿 l鈥櫭﹙aluation de leurs m茅thodes de gestion politique et 茅conomique, autrement dit leur 鈥済ouvernance鈥�.

La d茅mocratie progresse au Ghana, avec trois scrutins nationaux depuis 1992 et une transition harmonieuse entre Pr茅sidents et partis.

Photo: AP / George Osodil

Cet exercice est le fruit du Nouveau Partenariat pour le d茅veloppement de l鈥橝frique (NEPAD), adopt茅 par les dirigeants africains en 2001 comme cadre de d茅veloppement du continent. Le M茅canisme d鈥櫭﹙aluation intra-africaine est ouvert 脿 tous les membres de l鈥橴nion africaine (UA) ; 脿 ce jour, environ la moiti茅 (25) y ont adh茅r茅.

Le Ghana, qui il y a une cinquantaine d鈥檃nn茅es est devenu la premi猫re colonie de l鈥橝frique subsaharienne 脿 acc茅der 脿 l鈥檌nd茅pendance, s鈥檈st fait un plaisir d鈥櫭猼re 茅galement le premier pays 脿 se soumettre 脿 ce processus d鈥櫭﹙aluation novateur. Le M茅canisme d鈥櫭﹙aluation intra-africaine, a affirm茅 Kojo Assan, directeur du NEPAD au Ghana, constitue 鈥渦n contrat moral garantissant l鈥檃dh茅sion des dirigeants africains et de leurs peuples aux principes du NEPAD鈥�.

Selon Abdoulie Janneh, Secr茅taire ex茅cutif de la Commission 茅conomique de l鈥橭NU pour l鈥橝frique, la r茅alisation de cette premi猫re 茅valuation a 茅t茅 un jalon important autant pour le Ghana que pour le reste du continent. 鈥淟鈥櫭﹙aluation intra-africaine du Ghana repr茅sente une 茅tape d茅cisive pour l鈥檃m茅lioration de la gouvernance dans les pays africains鈥�, a-t-il d茅clar茅 en janvier 脿 Khartoum (Soudan), o霉 le Pr茅sident ghan茅en John Kufuor a r茅pondu pendant quatre heures aux questions pos茅es par d鈥檃utres chefs d鈥橢tat africains dans le cadre de ce processus.

L鈥櫭﹙aluation du Ghana, consid茅r茅e comme la premi猫re preuve du s茅rieux et de la cr茅dibilit茅 du M茅canisme d鈥櫭﹙aluation, a suscit茅 de l鈥檌nt茅r锚t bien au-del脿 des fronti猫res de ce pays.

Dialogue et consultation

L鈥檈ntretien de Khartoum, qui s鈥檈st d茅roul茅 en marge du sommet de l鈥橴A, a 茅t茅 l鈥檃boutissement d鈥檜n processus entam茅 en mars 2003, avec l鈥檃dh茅sion officielle du Ghana au M茅canisme d鈥櫭﹙aluation intra-africaine. Un an plus tard, le Gouvernement cr茅ait un conseil d鈥檃dministration national charg茅 d鈥檕rganiser une 鈥渁uto-茅valuation鈥�, dans le cadre de laquelle des Ghan茅ens de toutes conditions sociales feraient part des probl猫mes qui leur semblaient les plus pr茅occupants. Aucun des sept membres du conseil n鈥檃ppartenait au Gouvernement.

Malgr茅 l鈥檌nd茅pendance proclam茅e du conseil, des repr茅sentants de la soci茅t茅 civile se sont montr茅s m茅fiants au d茅part et ont exig茅 de participer plus activement aux travaux du conseil, se souvient Steven Gruzd, chercheur 脿 l鈥橧nstitut sud-africain des affaires internationales. Les autorit茅s ont alors 鈥渁ccord茅 une place tr猫s importante 脿 la soci茅t茅 civile, ce qui a donn茅 lieu 脿 un processus d鈥櫭﹙aluation plus ouvert et fiable鈥�, explique-t-il.

R茅union de f茅vrier 2006 de l鈥橝ssembl茅e du Peuple du Ghana, o霉 de simples citoyens peuvent s鈥檃dresser directement au Pr茅sident du pays.

Photo: Ghana Information Services Department

Quatre organismes de recherche nationaux respect茅s et ind茅pendants ont 茅t茅 charg茅s de recueillir les opinions sur les forces et faiblesses du syst猫me ghan茅en. Parmi eux, le Centre for Democratic Development (CDD) a ax茅 ses travaux sur la question de la gouvernance politique d茅mocratique. Les trois autres organismes ont 茅tudi茅 les questions li茅es 脿 la gestion 茅conomique, 脿 la gouvernance d鈥檈ntreprise et au d茅veloppement socio-茅conomique. Ils ont men茅 des enqu锚tes d鈥檕pinion et pr茅par茅 1 200 pages de rapports. Ces 茅tudes, accompagn茅es des conclusions d鈥檃utres consultations, ont 茅t茅 int茅gr茅es dans le rapport d鈥檃uto茅valuation du conseil d鈥檃dministration.

Un membre du Groupe de personnes 茅minentes du M茅canisme d鈥櫭﹙aluation intra-africaine, Chris Stals, ancien gouverneur de la Banque centrale de l鈥橝frique du Sud, s鈥檈st ensuite rendu au Ghana 脿 la t锚te d鈥檜ne mission de 16 personnes. Les membres de la mission, originaires de 12 pays africains, ont visit茅 les 10 r茅gions du Ghana et rencontr茅 des membres du Gouvernement, des repr茅sentants des partis d鈥檕pposition, du parlement, de la soci茅t茅 civile, des m茅dias, des milieux universitaires et des organismes professionnels. A l鈥檌ssue du processus, l鈥櫭﹒uipe a pr茅sent茅 le rapport final d鈥櫭﹙aluation de la R茅publique du Ghana.*

R茅sultats mitig茅s

Le rapport indique que l鈥櫭﹙aluation intra-africaine, consid茅r茅e comme le 鈥渇leuron鈥� du NEPAD, t茅moigne de la nouvelle d茅termination des dirigeants africains d鈥檃m茅liorer leur fa莽on d鈥檃gir et de communiquer avec leurs citoyens. Le M茅canisme d鈥櫭﹙aluation intra-africaine offre une d茅finition tr猫s large de la gouvernance.

Le rapport salue la tenue de trois 茅lections au Ghana depuis le r茅tablissement de la d茅mocratie multipartite en 1992 et la transition pacifique d鈥檜n parti et d鈥檜n Pr茅sident 脿 l鈥檃utre en 2000. Le pays se targue 茅galement d鈥檃voir 茅tabli des institutions 鈥渦niques鈥� en Afrique et de contribuer 脿 鈥渄茅mythifier鈥� le gouvernement, notamment avec l鈥橝ssembl茅e du Peuple, cr茅茅e en 2001, o霉 de simples citoyens peuvent interroger directement le Pr茅sident.

Le rapport souligne toutefois 茅galement les faiblesses du syst猫me. Il d茅nonce ainsi la pl茅thore de ministres 鈥� 88 ministres 脿 part enti猫re ou ministres adjoints au moment de la publication du rapport, et le fait qu鈥檜n bon nombre d鈥檈ntre eux si猫gent aussi au Parlement, fait jug茅 pr茅judiciable 脿 la s茅paration de l鈥檈x茅cutif et du l茅gislatif. De surcro卯t, la justice ne b茅n茅ficie que d鈥檜ne ind茅pendance relative, l鈥檈x茅cutif s鈥檌mmis莽ant parfois dans les affaires judiciaires.

Les contestations abondent sur le plan local, concernant surtout les droits fonciers ou de succession aux titres de chefs, alors que le syst猫me de gouvernement d茅centralis茅 鈥渘e fonctionne pas comme il faut鈥�. La police et les autres services en uniforme continuent de commettre des actes de violence, notamment des ex茅cutions extrajudiciaires. Peu de femmes occupent des postes de responsabilit茅 et sur 200 d茅put茅s au Parlement, on ne compte que 19 femmes.

Selon une enqu锚te men茅e par le CDD aupr猫s des m茅nages, trois quarts des Ghan茅ens affirment que la corruption est une pr茅occupation majeure, 80 % d鈥檈ntre eux estimant qu鈥檈lle s鈥檈st aggrav茅e au cours des derni猫res ann茅es. Le rapport du M茅canisme d鈥櫭﹙aluation intra-africaine recommande vivement d鈥檃llouer des ressources ad茅quates aux diff茅rents organismes de lutte contre la corruption pour leur permettre de combattre ce fl茅au.

D茅pendance ext茅rieure

D鈥檃pr猫s le rapport, bien que le Ghana ait 茅t茅 l鈥檜n des premiers pays africains 脿 appliquer les r茅formes 茅conomiques radicales des ann茅es 1980 et 脿 r茅tablir la croissance 茅conomique, son 茅conomie reste vuln茅rable aux fluctuations ext茅rieures, notamment du fait de l鈥檌mportance de ses exportations de cacao, dont les cours mondiaux ont chut茅 ces derni猫res ann茅es.

La gestion 茅conomique du Ghana se caract茅rise par 鈥渦ne forte d茅pendance vis 脿 vis de l鈥檈xt茅rieur鈥� pour le financement de ses projets de d茅veloppement, souligne le rapport. Cela a incit茅 les autorit茅s ghan茅ennes 脿 suivre les orientations macro茅conomiques du Fonds mon茅taire international et de la Banque mondiale, sans presque jamais tenir compte des avis de politique 茅conomique 茅mis par les organismes de recherche. 鈥淐ertains milieux du pouvoir ne pr锚tent aucune attention aux sentiments de la population.鈥� De ce fait, 鈥渄es priorit茅s sociales sont jug茅es peu importantes鈥� et 鈥渄e nombreuses couches de la population ont l鈥檌mpression que l鈥橢tat se red茅finit sans avoir suffisamment consult茅 toutes les parties concern茅es sur le plan national鈥�.

La section du rapport consacr茅e 脿 la gouvernance d鈥檈ntreprise indique que de nombreuses soci茅t茅s ghan茅ennes fonctionnent sans v茅ritable souci d鈥櫭﹖hique et de transparence. La notion de responsabilit茅 des soci茅t茅s n鈥檈st quasiment pas reconnue. Le travail des enfants reste fr茅quent et le rapport estime que les autorit茅s devraient se montrer plus vigilantes pour s鈥檃ssurer que les secteurs minier, forestier, du b芒timent, de la p锚che et autres industries respectent les normes environnementales en vigueur.

Le classement du Ghana en mati猫re de d茅veloppement humain 鈥渟鈥檈st sensiblement am茅lior茅鈥� entre 1975 et 2004, note le rapport, mais des secteurs cl茅s du d茅veloppement social souffrent encore d鈥檜n retard consid茅rable. Environ 16 % seulement des Ghan茅ens qui vivent dans les zones rurales ont acc猫s 脿 l鈥櫭﹍ectricit茅 ou l鈥檈au courante. De nombreuses 茅coles ont 茅t茅 construites, ce qui a contribu茅 脿 l鈥檃ugmentation globale des taux de scolarisation, mais la p茅nurie de nouveaux enseignants a nui 脿 la qualit茅 de l鈥檈nseignement. Plus de 54 % de la population f茅minine de 15 ans ou plus n鈥檕nt jamais 茅t茅 scolaris茅s ou sont analphab猫tes. Le Ghana a perdu pr猫s d鈥檜n tiers de son personnel de sant茅, qui a 茅migr茅 脿 l鈥櫭﹖ranger.

En outre, le rapport fait explicitement 茅tat de disparit茅s profondes au Ghana, les trois r茅gions du Nord et certaines zones littorales 茅tant les plus pauvres du pays, nettement en retard sur les autres r茅gions pour tous les services de base

Des critiques bien accueillies

Lorsque le Pr茅sident Kufuor a r茅pondu aux questions et commentaires d鈥檃utres chefs d鈥橢tat africains lors de leur entretien de janvier 2006 脿 Khartoum, il a accueilli favorablement les conclusions du rapport du M茅canisme d鈥櫭﹙aluation intra-africaine et les critiques formul茅es par ses homologues.

Pourtant, dans sa premi猫re r茅ponse officielle au rapport, publi茅e en juin 2005, le Gouvernement ghan茅en a contest茅 certains commentaires et propositions qui y figuraient, par exemple celle qui visait 脿 autoriser les partis politiques dans les assembl茅es r茅gionales. Par ailleurs, les autorit茅s ghan茅ennes ont affirm茅 que la limitation du nombre des ministres ne relevait pas de la constitution. Toutefois, 脿 Khartoum, le Pr茅sident Kufuor a assoupli sa position sur la question, affirmant qu鈥檌l serait envisageable, s鈥檌l le fallait, d鈥檕rganiser un r茅f茅rendum pour amender la constitution. Par la suite, fin avril 2006, il a proc茅d茅 脿 un remaniement de son cabinet, r茅duisant notamment le nombre de ses ministres de 88 脿 70.

D鈥檃utres initiatives consistent par exemple 脿 cr茅er un organisme destin茅 脿 renforcer les pouvoirs publics locaux et 脿 abolir la loi sur la diffamation en vue d鈥檃ider les m茅dias 脿 d茅noncer les cas de corruption. Confirmant les conclusions du M茅canisme d鈥櫭﹙aluation intra-africaine qui d茅non莽aient la pauvret茅 dans le nord du Ghana, des membres du Parlement, des repr茅sentants de la soci茅t茅 civile et autres parties int茅ress茅es ont tenu en juillet une r茅union de deux jours 脿 Tamale, dans le nord du pays, pour exiger l鈥檃doption de mesures de 鈥渄iscrimination positive鈥� destin茅es 脿 rem茅dier aux handicaps historiques du Nord.

Pour renforcer la gouvernance au Ghana, les autorit茅s ont 茅galement 茅labor茅 un Plan d鈥檃ction visant 脿 rem茅dier aux lacunes mises en 茅vidence par l鈥櫭﹙aluation. Au d茅part, le Gouvernement estimait que ces nouvelles mesures n茅cessiteraient un budget de 2,8 milliards de dollars, mais au moment de la r茅union de Khartoum, l鈥檈stimation se chiffrait 脿 cinq milliards de dollars. Le Pr茅sident Kufuor esp茅rait que les bailleurs de fonds et les investisseurs se montreraient coop茅ratifs maintenant que le Ghana s鈥櫭﹖ait soumis au processus d鈥櫭﹙aluation. Cela atteste, selon ses propos, de 鈥渘otre engagement en faveur de la d茅mocratie et de la bonne gouvernance, conditions pr茅alables au d茅veloppement鈥�.