Jeunes Sud-Africains : l’attrait des énergies renouvelables
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Jeunes Sud-Africains : l’attrait des énergies renouvelables
Fumani Mthembi gère une entreprise qui produit de l’énergie renouvelable en Afrique du Sud et elle ne regrette pas un instant d’avoir, en pleine récession économique en 2009, quitté un emploi stable pour créer sa propre entreprise.
À l’époque, Fumani Mthembi et quatre de ses amis qui avaient à peine la trentaine ont quitté l’industrie bancaire pour se lancer dans un projet de développement visant à aider des jeunes sud-africains défavorisés. Mais après avoir rencontré des difficultés pour recueillir les fonds nécessaires à leur projet, ils ont dû changer leurs plans pour finalement choisir les énergies renouvelables.
Dans l’interview qu’elle a accordée à Afrique Renouveau, Fumani Mthembi, seule femme parmi les cinq membres fondateurs de l’entreprise (les quatre autres étant Gqi Raoleka, Obakeng Moloabi, Boipelo Moloabi et Thapelo Motlogeloa), raconte que pendant qu’ils bataillaient pour réaliser le projet d’aide à la jeunesse qui leur tenait à cœur , une autre opportunité s’est présentée, qui a conduit à la création en 2009 du Pele Energy Group (PEG), basé à Sandton, un quartier de Johannesburg.
Le département de l’Énergie d’Afrique du Sud recherchait des entreprises d’énergie indépendantes spécialisées dans les énergies renouvelables. Ces entreprises devaient répondre à plusieurs critères : avoir les moyens financiers et l’expertise nécessaires pour gérer une entreprise, et disposer d’une stratégie solide de développement social pour les collectivités où elles construiraient leurs centrales. Les entreprises devaient aussi avoir un projet clair de mobilisation de capital et une expertise technique dans la production d’énergie. Le gouvernement recherchait uneexpertise technique et a donc choisi de travailler avec des producteurs d’électricité indépendants qui possédaient cette expertise.
« Pour nous, cela représentait une opportunité, car les compétences que nous avions acquises dans le secteur bancaire nous permettaient de comprendre ce que demandait le département de l’Énergie, se souvient Mme Mthembi. Il était clair qu’avec mon expérience du milieu économique et du développement, et ma formation d’économiste, j’avais le profil qui convenait. Nous avions des compétences dans le domaine du développement communautaire et un plan de création d’emplois. Nous savions comment réunir les fonds nécessaires pour financer notre participation au capital de ces projets ».
Mme Mthembi n’avait alors que 25 ans, une licence d’économie et de politique et une maîtrise en politique et développement de l’Université du Sussex au Royaume-Uni.
Pele Energy Group a remporté son premier succès en novembre 2011, quand l’entreprise a remporté l’appel d’offre du département de l’Énergie pour devenir l’un des producteurs indépendants d’électricité.
L’un de ses premiers grands projets était une centrale électrique qui devait produire 36 mégawatts de CPV (concentrateurs photovoltaïques) solaires dans la province du Cap-Oriental.
Mais la bonne fortune de l’entreprise fut de courte durée. En 2012, tous ses appels d’offres ayant échoué, la société s’est mise à générer des revenus en exerçant une activité de consultant : elle produisait des études sur les besoins en développement des townships et des zones rurales et utilisait cette information pour conseiller ses clients sur le meilleur endroit où investir leur argent. Pele aidait notamment les entreprises à évaluer la taille idéale de leur projet dans une communauté donnée.
« Nous faisions tout pour être remarqués. Nous étions prêts à mettre les mains à la pâte , se souvient Mme Mthembi. Nous avons travaillé d’arrache-pied sur le terrain, en imprimant dossier sur dossier de candidature pour des marchés. On allait chercher les informations, discuter du financement avec les banques, établir des interfaces avec les cabinets d’avocats pour négocier les contrats. Encore aujourd’hui, nous sommes seuls à financer notre entreprise. Tout ce que nous avons, nous l’avons obtenu à la sueur de notre front ».
Cette période a été difficile pour le groupe. Les fondateurs avaient mis toutes leurs économies dans l’entreprise et n’ont pas été payés pendant plusieurs mois. Il était également impératif d’attirer des partenaires étrangers avec une formule gagnante. En Afrique du Sud, la loi encourage les entreprises étrangères à s’associer avec des entreprises locales dans ce secteur. Les investisseurs étrangers peuvent même détenir des participations majoritaires.
« La qualité des partenaires extérieurs est essentielle quand ils participent à hauteur de 60% du projet. Il nous a donc fallu déterminer notre valeur propre et prendre nos décisions en fonction de nos attributs intrinsèques. 2012 a été une année difficile. Nous avions soudain l’impression que notre élan était coupé », raconte-t-elle.
Les fortunes du groupe ont commencé à s’améliorer en 2013 après le choix des fondateurs d’opérer des changements stratégiques dans la structure de l’entreprise. Celle-ci a été divisée en trois entités spécialisées : Pele Green Energy, producteur indépendant d’énergies renouvelables, Pele Natural Energy, producteur de carburants conventionnels et Knowledge Pele, une structure de mise en œuvre de recherche et développement.
Peu de temps après, le groupe a remporté plusieurs appels d’offres de marchés publics. Pele Green Energy détient et exploite actuellement avec un entrepreneur italien des installations de production de 884 mégawatts d’énergie solaire et éolienne, notamment le parc solaire Tom Burke et la centrale photovoltaïque Paleshuiwel dans la province de Limpopo. Certaines usines éoliennes et solaires de Pele se trouvent dans les provinces du Cap occidental et du Cap septentrional.
Pele s’est rapidement développé hors des frontières de l’Afrique du Sud. Pele Natural Energy est copropriétaire d’une centrale au gaz naturel au Mozambique. L’expansion a aidé l’entreprise à augmenter le nombre de ses salariés de cinq à 25 jeunes permanents.
Ce sont les entreprises comme celle de Fumani Mthembi qui ont aidé le pays à surmonter les années de crise. En 2008, face à l’augmentation de la demande d’électricité, le monopole énergétique sud-africain, Eskom, a été obligé de décider de pannes programmées (ou délestages). Les nombreuses coupures de courant qui sont intervenues depuis ont coûté cher à l’économie et obligé Eskom à rationner l’électricité.
Mme Mthembi est convaincue que c’est l’alimentation du réseau en énergies renouvelables qui a permis d’éviter les délestages et les rationnements d’électricité en 2016.
L’ensemble du secteur compte désormais 92 projets qui fournissent de l’électricité à 110 collectivités rurales et townships à travers le pays. L’année dernière, le ministère de l’Energie a annoncé que 4 322 mégawatts de capacité d’énergie renouvelable avaient été ajoutés au réseau national en moins de quatre ans.
Pour l’heure, les cinq membres fondateurs de Pele ne souhaitent pas voir leur entreprise devenir une société de portefeuille d’investissement de plus appartenant aux Noirs. « Nous voulons développer, acquérir et exploiter pleinement nos usines », insiste Gqi Raoleka, l’un des quatre autres fondateurs de Pele. Il reconnaît toutefois que son entreprise a encore du chemin à faire pour atteindre cet objectif.