Mobilisation locale pour la paix au Libéria
Get monthly
e-newsletter
Mobilisation locale pour la paix au Libéria
Plus de deux ans après la fin officielle de la guerre civile au Libéria, les armes en circulation dans le pays continuent d’attiser l’instabilité. La nouvelle police nationale libérienne, souvent aidée des casques bleus de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL), ratisse les quartiers de Monrovia ou organise des descentes dans les villages pour y saisir des armes.
Jusqu’à présent, compte tenu de la “nette supériorité” de la mission de maintien de la paix, il n’y a aucune menace sérieuse d’activité criminelle armée ou de reprise de la violence politique, reconnaît Napoleon Abdullai, conseiller pour les armes légères auprès du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Mais si l’on ne récupère pas un grand nombre de ces armes pour les détruire, une fois que la MINUL commencera à réduire ses effectifs, “le problème de la violence et de la criminalité armée se posera”, a-t-il expliqué à Afrique Renouveau dans les bureaux du PNUD à Monrovia.
Les facteurs qui risquent de compromettre la paix durement gagnée se sont manifestés par l’ambiance tendue qui a régné lors des récentes élections au Libéria. La situation est particulièrement instable en raison de la présence de nombreux jeunes gens désœuvrés et en colère, dont certains sont d’anciens combattants.
M. Abdullai rappelle que la Sierra Leone voisine a connu une vague de violence criminelle au lendemain d’une guerre civile. En fait, un nombre incalculable d’armes légères ou portatives circulent dans toute l’Afrique de l’Ouest. Lorsque la guerre prend fin dans un pays, les armes qui n’ont pas été récupérées traversent souvent les frontières pour finir dans des “zones de conflit violent”, note-t-il. Pour endiguer ces flux d’armes, les 15 pays qui composent la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest s’efforcent de transformer un moratoire volontaire sur la fabrication et le commerce des armes légères en un traité juridiquement contraignant.
En Côte d’Ivoire et en Guinée, pays voisins, des factions armées se sont déjà procuré des fusils, des mortiers et d’autres armes en provenance du Libéria. Au début de l’année 2005, des policiers de Bamako (Mali), pays éloigné, ont saisi un véhicule rempli d’armes qui venait du Libéria.
Armes contre développement
Pour préserver l’avenir du Libéria ainsi que celui de ses voisins, la collecte et la destruction d’armes se sont poursuivies au-delà de la conclusion en décembre 2004 du programme officiel de désarmement de la MINUL. Selon un récent rapport de l’Etude sur les armes légères, projet de recherche indépendant basé à Genève, les 102 000 anciens combattants qui ont été démobilisés n’ont rendu que 27 800 armes.
Afin de faciliter l’élimination des armes qui subsistent, une opération collective de ramassage d’armes a été mise en œuvre avec l’appui du PNUD dans le cadre d’un programme global de remise des armes contre de l’aide au développement, destiné aux pays qui sortent d’un conflit. Cette opération s’inspire en partie du programme de collecte et de destruction d’armes entrepris en Sierra Leone en 2001, dans le cadre duquel la police, avec le concours des troupes de maintien de la paix de l’ONU, a aidé les communautés locales à récupérer des milliers d’armes auprès des civils.
Les premières initiatives comparables au Libéria ont commencé dans les comtés de Lofa, Nimba, Grand Gedeh et Bong. En plus des campagnes d’information visant à sensibiliser la population aux dangers des armes légères, le PNUD aide à créer des Comités de développement de district. Ces comités, qui se composent de responsables de l’administration, de représentants de la société civile et de simples particuliers, recueillent des informations sur les caches d’armes dans la région et alertent la police et la MINUL qui vont alors les récupérer.
Dispensaires et panneaux solaires
Une fois que les armes sont récupérées, la police déclare le district “exempt d’armes”. Le Comité de développement peut alors s’adresser au PNUD pour lui faire part de ses besoins prioritaires. “Le PNUD offre les fonds et l’appui technique nécessaires à la construction de dispensaires, de terrains de sport, de pistes rurales – ou ce qu’ils veulent”, explique M. Abdullai. Même si aucune demande d’électricité n’est faite, le PNUD fournit des panneaux solaires aux maisons du peuple pour que les habitants aient un endroit où se réunir le soir.
Le PNUD a sollicité des fonds des donateurs pour pouvoir prolonger le projet cinq ans au-delà de la première année et aspire également à mener la même action dans d’autres comtés.
Pour que les armes ne reviennent pas, le projet fera campagne en faveur d’une “police de proximité” afin de venir en aide aux efforts de la police nationale, qui ne peut pas être omniprésente. Cette police de proximité enseignera aux notables, aux jeunes, aux femmes et aux autres habitants du district des rudiments des techniques de renseignement afin qu’il leur soit plus facile de repérer les armes qui entrent dans le district ou y passent en transit.
Un Centre de lutte de l’ONU contre la prolifération des armes.
Depuis près de 20 ans, sans tambour ni trompette, le Centre régional des Nations Unies pour la paix et le désarmement en Afrique, dont le siège est à Lomé (Togo), aide le continent à combattre la prolifération des armes. Au moyen de programmes de recherche et de formation, il appuie les efforts des gouvernements nationaux ainsi que de l’ONU, de l’Union africaine et d’autres organisations tendant à combattre la production et le trafic locaux d’armes, qui jouent souvent un rôle dans les nombreux conflits et guerres du continent.
Les armes légères constituent une menace particulière, note M. Ivor Richard Fung, directeur du centre, car il “est plus facile aux individus et aux groupes de se les procurer que des armes lourdes”. Fin 2003, le centre a lancé un projet pilote visant à renforcer les capacités nationales de lutte contre la prolifération des armes légères dans 10 pays (Afrique du Sud, Burkina Faso, Cameroun, Djibouti, Gabon, Kenya, Mali, Mozambique, Nigéria et Togo). Toutefois, le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a annoncé en juillet 2005 que les contributions globales destinées au centre ayant diminué, celui-ci est en proie à une “crise financière.” Il a donc préconisé un examen approfondi des activités du centre ainsi que de ses sources de financement.