A la recherche de la paix et de la justice en Ouganda
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A la recherche de la paix et de la justice en Ouganda
Depuis près de 20Ěýans, l’ArmĂ©e de rĂ©sistance du Seigneur (LRA) commet dans le nord de l’Ouganda des massacres, des actes de torture, des enlèvements d’enfants, des viols et d’innombrables autres atrocitĂ©s qui sont restĂ©s impunis. Mais en octobre dernier cette impunitĂ© a commencĂ© Ă se dissiper, lorsque la nouvelle Cour pĂ©nale internationale (CPI) a inculpĂ© cinq hauts responsables de la LRA de crimes contre l’humanitĂ©.
Les mandats d’arrêt, a noté le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, “devraient prouver sans ambiguïté au monde entier que les responsables de tels crimes auront à répondre de leurs actes”.
Ces inculpations – aboutissement d’une enquĂŞte menĂ©e pendant une annĂ©e entièreĚý– ont Ă©tĂ© les premières de la CPI, crĂ©Ă©e en 2003 Ă la suite de nĂ©gociations menĂ©es sous l’égide de l’ONU. Ayant son siège Ă La Haye (Pays-Bas), la Cour est le premier tribunal permanent du monde chargĂ© de juger les crimes de guerre. Jusqu’à prĂ©sent, 139Ěýpays ont signĂ© le statut international portant crĂ©ation de la Cour et 100 l’ont ratifiĂ©. Le Procureur en chef de la Cour enquĂŞte aussi sur les nombreux massacres commis en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo (RDC) et dans la rĂ©gion du Darfour, dans l’ouest du Soudan.
Prenant la parole devant l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations Unies, le 8Ěýnovembre, le juge Philippe Kirsch, PrĂ©sident de la CPI, a dĂ©clarĂ© que la Cour permettait “de veiller Ă ce que les auteurs des pires atrocitĂ©s ne jouissent plus d’impunitĂ©, afin de jouer un rĂ´le dissuasif et d’édifier une culture de responsabilité”. Notant que la Cour ne dispose pas de sa propre force de police, il a exhortĂ© tous les pays Ă coopĂ©rer afin d’arrĂŞter les chefs de la LRA inculpĂ©s et de faire en sorte que les premiers procès puissent commencer en 2006.
Un long cauchemar
La LRA a lancé son insurrection dans le nord de l’Ouganda en 1986, affirmant combattre pour un système politique fondé sur les dix commandements de la Bible. En pratique, ses méthodes brutales ont principalement visé la population civile de la région. Ses combattants ont pillé et brûlé des villages entiers, commis des massacres, mutilé des innocents et, crime le plus connu, enlevé des enfants.
Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) Ă©value Ă 25Ěý000 le nombre d’enfants kidnappĂ©s par la LRA depuis le dĂ©but du conflit, près de la moitiĂ© l’ayant Ă©tĂ© Ă partir de 2002. Les garçons et filles enlevĂ©s ont Ă©tĂ© contraints Ă combattre et Ă servir de porteurs, beaucoup de filles Ă©tant aussi rĂ©duites Ă l’esclavage sexuel. La guerre a dĂ©placĂ© environ 1,6Ěýmillion de personnes dans le nord de l’Ouganda, les obligeant Ă chercher refuge dans 135Ěýcamps surpeuplĂ©s et insalubres.
Au début, le Gouvernement ougandais a en premier lieu cherché à mettre fin à l’insurrection par des moyens militaires. Mais la LRA a pu opérer à partir de bases situées dans le sud du Soudan en guerre, hors d’atteinte de l’armée ougandaise. Ces derniers mois, une partie des forces de la LRA est aussi passée dans l’est de la RDC.
A partir de 1994, les autoritĂ©s ougandaises ont, par l’entremise de mĂ©diateurs, cherchĂ© Ă entamer des nĂ©gociations avec la LRA, sans grand succès. En 2000, le parlement a approuvĂ© une offre d’amnistie intĂ©grale Ă tous les rebelles, Ă condition qu’ils abandonnent toute action armĂ©e et remettent leurs armes. Environ 15Ěý000Ěýex-combattants, issus pour beaucoup de la LRA, ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de l’amnistie, qui a encouragĂ© de nombreux enfants kidnappĂ©s par la LRA Ă s’échapper et Ă regagner leur foyer.
Un impact sur l’amnistieĚý?
Mais comme les principaux dirigeants de la LRA rejetaient toutes les offres visant Ă mettre fin au conflit, le Gouvernement ougandais a demandĂ© au procureur de la CPI, en dĂ©cembre 2003, d’ouvrir une enquĂŞte. Les preuves ainsi rĂ©unies ont conduit Ă inculper Joseph Kony, dirigeant suprĂŞme de la LRA, de 33Ěýchefs d’accusation de crimes de guerre et crimes contre l’humanitĂ©, notamment meurtres, viols, esclavage sexuel, pillage, ordres d’attaque contre des civils et conscription forcĂ©e d’enfants. Quatre autres de ses chefs ont Ă©galement Ă©tĂ© inculpĂ©sĚý: Vincent Otti, Okot Odhiambo, Raska Lukwiya et Dominic Ongwen (ce dernier a depuis lors Ă©tĂ© tuĂ© au combat).
Les accusations ont initialement été formulées en juin dernier. Mais les médiateurs ougandais ont fait preuve d’un scepticisme résolu à l’égard des démarches de la CPI, indiquant que ces inculpations pourraient nuire à leurs initiatives de paix. Les inculpations ont donc été gardées sous scellés pendant plusieurs mois.
Une fois ces inculpations rendues publiques, MmeĚýBetty Bigombe, l’un des principaux mĂ©diateurs, a expliquĂ© qu’il n’y avait “maintenant aucun espoir” de convaincre les dirigeants de la LRA de se rendre. Le juge Peter Onega, PrĂ©sident de la Commission d’amnistie, a dĂ©clarĂ© craindre que les simples combattants de la LRA puissent aussi redouter des poursuites. Il a annoncĂ© que sa commission allait maintenant changer d’orientation, pour “faire comprendre” aux combattants de la LRA “que le mandat d’arrĂŞt ne s’appliquait qu’à quelques individus et que tous les autres Ă©taient libres de revenir chez eux”. Les reprĂ©sentants de la CPI se sont engagĂ©s Ă faire en sorte, en coopĂ©ration avec les dirigeants des communautĂ©s locales et le Gouvernement ougandais, que le processus judiciaire ne porte pas atteinte au programme d’amnistie.
Dans l’ensemble, a déclaré en novembre Francis Butagira, Ambassadeur de l’Ouganda auprès de l’ONU, “il est de la plus haute importance pour la population du nord de l’Ouganda, aussi bien que pour le processus de guérison national, que les dirigeants de la LRA soient jugés par la CPI”.