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Construire un réseau routier performant

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Construire un réseau routier performant

Le partenariat public/privé : la solution au problème des infrastructures régionales
Afrique Renouveau: 
Route encombrée à Dar es-Salaam (Tanzanie) : les routes sont trop peu nombreuses en Afrique et elles se détériorent. Photo : ©ONU / Betty Press
Photo : ©ONU / Betty Press
Route encombrée à Dar es-Salaam (Tanzanie) : les routes sont trop peu nombreuses en Afrique et elles se détériorent. Photo : ©ONU / Betty Press

Dès les années 60, les architectes de l'intégration africaine ont décidé qu'il fallait absolument construire des infrastructures pour faciliter le commerce intra-africain et en faire profiter toutes les régions. Les dirigeants du continent se sont lancés dans d'ambitieux projets comme les autoroutes transafricaines, dont certains tronçons finiraient par relier Le Caire à Dakar, Tripoli à Windhoek et Lagos à Mombasa. Elles faciliteraient l'accès à la mer de 15 pays sans littoral et amélioreraient les liaisons régionales.

"Malheureusement, à l'instar de l'intégration économique, la coopération et l'intégration en matière d'infrastructures régionales n'ont pas été une réussite extraordinaire", note M. Adebayo Adedeji, éminent chercheur nigérian partisan de l'intégration. En ce nouveau millénaire, le grave manque d'infrastructure reste un obstacle majeur aux échanges entre pays africains.


Route encombrée à Dar es-Salaam (Tanzanie) : les routes sont trop peu nombreuses en Afrique et elles se détériorent.

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Photo : ©ONU / Betty Press


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L'Afrique accuse un retard important sur le reste du monde, pour tous les aspects des infrastructures (quantité, qualité, coût et accès). En 1997, il y avait en Afrique (Afrique du Sud non comprise) 171 000 kilomètres de routes goudronnées, soit environ 18 % de moins qu'en Pologne, pays à peu près de la taille du Zimbabwe. Alors que les efforts de construction des autoroutes transafricaines se poursuivent, la qualité des routes existantes se détériore. En 1992, environ 17 % des grandes routes de l'Afrique subsaharienne étaient revêtues, mais en 1998, ce chiffre était tombé à 12 %, note la Banque mondiale. Aujourd'hui, plus de 80 % des routes sans revêtement ne sont qu'en assez bon état, et 85 % des routes secondaires rurales sont en mauvais état et ne peuvent pas être empruntées pendant la saison des pluies. En Ethiopie, 70 % de la population n'a pas accès à des routes praticables par tout temps.

Dans de nombreux pays, les routes sont concentrées dans les zones urbaines ou autour des ports de mer (elles ont été construites à l'époque coloniale pour expédier des produits agricoles à l'étranger). Les routes qui relient des pays voisins au sein d'un réseau routier régional sont beaucoup moins nombreuses.

Des transports coûteux et dangereux

En raison de l'insuffisance des infrastructures, le coût des transports de marchandises en Afrique est l'un des plus élevés du monde, note le Secrétaire exécutif de la CEA, K.Y. Amoako. Les produits africains sont donc moins compétitifs que ceux d'autres régions.

De mauvaises infrastructures de transport "constituent en quelque sorte une barrière commerciale non tarifaire", confirme Kenneth Button, professeur de politique publique à l'université George Mason (Etats-Unis), qui a réalisé pour l'Union européenne des études sur les transports.

Les études de la Banque mondiale montrent qu'une diminution de 10 % des coûts de transport pourrait se traduire par une augmentation de 25 % du commerce africain. La Banque conclut aussi que 25 % seulement du recul de la part des exportations africaines dans les échanges mondiaux sont imputables aux prix inadaptés, le reste étant dû à d'autres facteurs, tels que des infrastructures et des services d'information insuffisants.

Mauvaises routes, véhicules vétustes et réglementations laxistes ont souvent des conséquences mortelles. A l'échelle mondiale, le pourcentage d'accidents mortels sur les routes africaines est trois fois supérieur au nombre de véhicules. Sur un échantillon de pays africains, 339 décès pour 10 000 véhicules ont été enregistrés en 1996. Par comparaison, le taux de décès dans les dix pays du monde les plus motorisés était de 2,3 pour 10 000 véhicules cette année là, d'après le Global Road Safety Partnership, organisme sur la sécurité routière dans le monde.

Pénurie de financements

A mesure que les initiatives d'intégration régionale prennent de l'ampleur, on étudie divers moyens de résoudre les problèmes de transport. La construction d'infrastructures exige, au départ, d'importants investissements en capitaux, ainsi que des frais constants d'entretien et de gestion. "La plupart des gouvernements africains ne sont pas en mesure d'assumer de telles dépenses à une échelle suffisante", note M. Button. Par conséquent, ces dépenses sont souvent en grande partie prises en charge par des organismes internationaux.

Des estimations grossières montrent qu'il faut entre 18 et 25 milliards de dollars par an pour disposer d'infrastructures dignes de ce nom en Afrique. Le continent n'investit pour l'instant que 5 milliards de dollars chaque année.

La commercialisation des services d'infrastructures est peut-être la solution, suggère Alhaji Bamanga Tukur, ex-directeur de l'Autorité portuaire nigériane. Il estime que le secteur privé africain pourrait considérablement développer les infrastructures, à condition d'instaurer des politiques d'appui transparentes. M. Tukur cite l'exemple de MTN en Afrique du Sud et d'Econet au Zimbabwe, deux entreprises qui ont récemment remporté des appels d'offres pour l'exploitation d'un réseau de téléphonie mobile au Nigéria. Il faut noter, dit-il, que 50 % des capitaux, soit 500 millions de dollars, ont été mobilisés au Nigéria.

Partenariats

Il ne faut pas, cependant, que l'Etat abandonne son rôle de prestataire principal d'infrastructure, surtout dans les zones rurales où le développement dépend toujours de fonds publics ou des bailleurs de fonds, estime le Ministre des affaires sociales des Seychelles, Dolor Ernesta.

M. Ernesta prévoit que les investisseurs privés se rueraient alors sur les secteurs rapidement rentables, tels que la téléphonie mobile, mais "il n'est pas dans leur intérêt, sur le plan économique, de participer aux nombreux projets de développement d'infrastructures que nous devons réaliser en Afrique".

Il s'agit de construire des routes à grands frais, quasiment sans bénéfice, dans des zones rurales reculées. En Ethiopie, par exemple, pour que 90 % de la population se trouve à 20 kilomètres d'une route praticable en tout temps, il faudrait débourser environ 4 milliards de dollars, soit 75 % du produit intérieur brut annuel.

En tout cas, les investissements en infrastructures du secteur privé en Afrique sont insuffisants. De 1982 à 1994, les entreprises privées ont financé des projets d'une valeur de 340 millions de dollars, note la CEA. En comparaison, les entreprises privées d'Amérique Latine ont investi 10,5 milliards de dollars en infrastructures pendant la même période.

Certains pays ont trouvé des moyens novateurs de lever des fonds en réunissant l'Etat et le secteur privé au sein de partenariats. En Afrique du Sud, le BOT et le FROM font appel à des financements privés pour planifier, construire et entretenir des routes. Une fois les routes construites, les opérateurs privés perçoivent des frais de péage qui leur permettent de récupérer leurs coûts et de réaliser un retour sur investissement raisonnable avant de transférer le projet à l'Etat.

Dans d'autres régions d'Afrique, des fonds routiers contrôlés par des commissions semi-publiques ont été établis. Ils sont gérés de façon indépendante et sont assujettis à des audits externes. Des automobilistes siègent à la commission. L'argent vient des frais d'immatriculation des véhicules et des droits de péage et les travaux sont confiés à des entrepreneurs privés.

Si des infrastructures adéquates sont essentielles au développement des échanges entre pays africains, l'accroissement du commerce régional pourrait aussi favoriser à son tour l'amélioration des réseaux de transport régionaux. Le type d'échanges commerciaux hérité du colonialisme est un frein au développement d'infrastructures intégrées en Afrique, ajoute M. Adedeji. "Tant que les échanges en Afrique ne changeront pas de forme, de contenu et de direction, il y aura peu de raison de modifier les infrastructures sur le continent."