Ibrahim Assane Mayaki
De nombreux livres sur le développement dépeignent une Afrique dystopique, un continent au bord du gouffre. Mais dans l’ouvrage intitulé Africa’s Critical Choices: A Call for a pan-African Roadmap, Ibrahim Mayaki détaille tout le potentiel du continent, propose des solutions à des problèmes apparemment insolubles et contraint le lecteur à croire en la possibilité de la grandeur de l’Afrique.Ìý Ìý
M. Mayaki est directeur général de l’organe créé par l’Union africaine, l’Agence du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD), qui est actuellement transformée en Agence de développement de l’Union africaine (ADUA NEPAD). La préface est signée Olusegun Obasanjo, ancien président du Nigeria et défenseur de la création du NEPAD en 2001.
M. Obasanjo fait l’éloge de M. Mayaki pour avoir partagé « les leçons d’une carrière de quarante ans aux multiples facettes » avec une vigueur intellectuelle et morale.
M. Mayaki aborde notamment les questions du financement, de la jeunesse, des migrations, des changements climatiques et de la bonne gouvernance. Le thème prédominant est que l’Afrique peut et doit résoudre ses problèmes. Il écrit que ceux qui cherchent des solutions à partir d’autres régions du monde « réduisent... implicitement la capacité du continent à influencer son propre destin et celui du monde ».
Concernant le changement climatique, l’auteur souhaite que l’Afrique parle d’une seule et même voix à la table des négociations, en plus de tirer les leçons de l’expérience des pays industrialisés et d’adopter des technologies appropriées. Il conseille aux pays de bien négocier les termes de l’exploitation du capital physique (la terre, par exemple) et des autres ressources naturelles afin d’obtenir une meilleure protection juridique. Il est en faveur d’une réforme de l’enseignement supérieur en partenariat avec le secteur privé afin de pouvoir répondre aux besoins actuels.
M. Mayaki affirme que le problème de l’Afrique n’est pas le manque de ressources financières mais l’absence de stratégies de développement appropriées. Il se remémore l’instant où il a découvert que les fonds de pension africains bénéficiaient d’une capitalisation de quelque 1 500 milliards de dollars lors d’une réunion à la bourse NASDAQ à New York.
M. Mayaki utilise habilement les données. Il écrit, par exemple, que « pour chaque dollar d’aide à un pays en développement, il y a une sortie illicite de 10 dollars », soulignant que les problèmes de développement sont autant un problème interne qu’externe, avec les pratiques de corruption des sociétés étrangères opérant en Afrique.
L’ouvrage est imprégné des convictions panafricaines de l’auteur, qui consacre même une section sur le sujet : « Le chemin de l’émancipation collective. » Cette voie, préconise-t-il, est l’intégration régionale, qu’il présente comme « notre innovation politique la plus ambitieuse depuis ... les années 1950 », suite à la vague de décolonisation.
S’il s’enthousiasme pour la Zone continentale africaine de libre-échange, qui est entrée en vigueur en mai 2019, et appelle à l’intégration progressive de l’Afrique à la mondialisation. Le lecteur peut considérer ce dernier point comme du protectionnisme. Il affirme toutefois qu’actuellement, « l’Afrique fait deux fois plus de commerce avec l’Europe qu’elle n’en fait avec elle-même ».
Ex-Premier Ministre du Niger et professeur d’université, M. Mayaki est titulaire d’un doctorat en sciences administratives. On s’attendrait à ce qu’un intellectuel africain de premier plan soit verbeux, mais ce livre de 125 pages est fluide et d’une digestibilité rafraîchissante..